Arthur Rimabud, Une Saison en enfer Délires II. Alchimie du verbe « A moi [...] et ne pus boire », 1873
Commentaire de texte : Arthur Rimabud, Une Saison en enfer Délires II. Alchimie du verbe « A moi [...] et ne pus boire », 1873. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar DELAHAYE • 1 Mai 2023 • Commentaire de texte • 1 788 Mots (8 Pages) • 350 Vues
Arthur Rimabud, Une Saison en enfer Délires II. Alchimie du verbe « A moi […] et ne pus boire », 1873
Intro
Une Saison en enfer est la seule œuvre que Rimbaud à entrepris la publication. Vraisemblablement par manque d'argent, elle ne fut jamais diffusée mais seulement distribuée à quelques amis. Un stock de quelque 500 exemplaires a été retrouvé intact à Bruxelles en 1901. Très longtemps, on a pensé comme Isabelle Rimbaud (sa sœur) qu'Une Saison en enfer était la dernière œuvre de Rimbaud. Pourtant, les Illuminations y sont postérieures : Une Saison en enfer ne traduit donc pas comme on pourrait le penser, un renoncement à la poésie mais plutôt un renoncement à un certain type de poésie. Rimbaud abandonne en effet les vers traditionnels pour de la prose poétique dans les Illuminations
Délires est composé de deux sous parties : « La vierge folle » qui met en scène Verlaine puis « Alchimie du verbe » qui commence par « A moi ». Dans cette seconde partie, il alterne prose et poèmes versifiés et expose sa conception passée de la poésie —> le renoncement à une certaine forme poétique.
Trois principaux thèmes caractérisent la poésie rimbaldienne :
– la voyance
– l'exploration de l'inconnu
– l'élaboration d'un nouveau langage
Mais dès mai 1871, le théoricien Rimbaud pressentait les limites de cette démarche : notamment car les visions perçues étaient inintelligibles —> difficulté à placer des mots. S'ajoute à cela le risque de folie (cf « L'histoire d'une de mes folies ») => il va raconter l'expérience d'une de ces folies. Alchimie du verbe représente donc une étape bilan qui va se traduire par une analyse de cette expérience poétique personnelle et dont il va dégager a posteriori les réelles limites. C'est un constat lucide où Rimbaud étudie avec précision ses goûts, ses recherches et où il rend compte de sa progression vers la maladie et la folie (créatrices).
Si l'alchimie aboutit à l'or, à quoi aboutit Rimbaud avec son alchimie du verbe ? (verbum,i = le mot). => Alchimie du verbe est une illustration de la lettre du voyant en montrant les limites de cette théorie.
En prose : bilan et analyse poétique
En vers : illustration du contenu des paragraphes en prose.
I/ Prose
Deux phrases nominales constituent le premier paragraphe :
– « A moi » est polysémique : qui est « moi » ? L'autre « je » du dédoublement rimbaldien ? Dans ce cas, « A moi » peut signifier « A mon tour » (après le passage précédent qui met en scène Verlaine). Mais « A moi » peut aussi signifier « Au secours » : illustration de la folie qui guette...
– « folies » a aussi un sens polysémique :
- un comportement psychiquement déséquilibré, aliénation, qui ne vas pas avec la normalité - au pluriel, « excès »
=> dans les deux cas, une conception bien noire à une certaine forme de poésie passée. « histoire » rappelle la valeur des temps verbaux qui vont suivre —> un récit (donc en prose) du passé
« d'une »/ »me s » : il va s'agir d'un récit autobiographique d'une expérience passée, dédiée à Satan d'après le titre du recueil.
Les trois paragraphes suivants à l'imparfait décrivent un récit dont les éléments sont révolus (+un processus itératif) : il s'agit des goûts antérieurs de Rimbaud.
– 2ème paragraphe : une vanité passée qui révèle une maîtrise de la vision —> l'hyperbole « tous les paysages possibles » traduit une illusion complète. La deuxième proposition est l'expression d'un mépris initial de Rimbaud pour la modernité.
– Le troisième paragraphe explique alors ce qu'il place au dessus de ces « célébrités » : il s'agit donc de l'expression de ses goûts.
C'est une certaine « sous-culture » qui fait son admiration : « idiotes » —> mauvaise peinture, qui n'est pas de l'art ; « aïeules », au féminin = romans de grand-mère, de bonne femme...
—> une accumulation qui rend compte du dérisoire de ces œuvres qui ne sont pas reconnues : insistance sur son goût pour les vieilleries, le mauvais goût... alors qu'il reste très succinct et utilise des formulations simples pour ce qu'il n'aime pas.
– 4ème paragraphe : exprime son désir de voyages —> il veut partir : « croisades », « voyages », au pluriel et sans articles expriment la multiplicité + croisades rappellent l'épopée, les quêtes etc qui sont caractéristiques de l'esprit rimbaldien (cf Ma Bohème et autres).
Cependant, il ne veut pas de récits : « sans histoires », « étouffées » = rien à raconter en même temps qu'il reste très utopique et proche du merveilleux : « révolution de moeurs », « déplacement de races et de continents »...
Les deux points ont une valeur explicative de ces conceptions : « enchantements » est un terme fort qui traduit « tous les possibles et même plus » => Rimbaud avait confiance en les pouvoirs magiques des mots. Mais l'imparfait de « croyais » rappelle qu'il n'y croient plus, que ces enchantements sont révolus => il ne s'agissait que de croyances enfantines.
Rupture au 5ème paragraphe avec l’apparition soudaine du passé simple « j'inventai » : ponctuel qui traduit la démarche de la découverte => invention = le premier : statut que se donne Rimbaud de façon rétrospective. Citation « in absentia » (auto citation) : le poème « Voyelles ». Les couleurs traduisent l'expérience de l'alchimie moins le jaune = le couleur de l'or, but de l'alchimie qui n'aboutit pas. »réglai » —> prescripteur.
Mais là encore, « flattai » : au delà du bonheur de la découverte, il ne se flatte plus —> échec. « à tous les sens » est la marque de l'ambition rimbaldienne : un langage définitif par la synesthésie (cf « un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens »). Pourtant, il souligne que ce verbe, il sera contraint d'en faire un dictionnaire (« je réservais la traduction »). Puis les trois dernières propositions sont à l'imparfait : une récurrence qui correspond à l'idée d'étude. (on note que le « d'abord » appelle un « ensuite » qui n'interviendra que bien plus tard). Ces dernières propositions illustrent par leur champ lexical la création littéraire, cependant, les COD sont tous en totale opposition avec les verbes employés —> paradoxes, antithèses qui marquent le désir d'impossible de la poésie rimbaldienne (cf. plus haut et le pouvoir magique des mots) => un enchantement malgré tout réalisé, comme le montre l'imparfait qui note le succès de ce qu'il a fait.
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