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Doit-on préférer les douces illusions du bonheur aux amères victoires de la vérité ?

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Par   •  30 Mars 2023  •  Dissertation  •  14 363 Mots (58 Pages)  •  321 Vues

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Dissertation

                « Tous les Hommes recherchent d’être heureux. » C’est ce qu’écrit le philosophe Blaise Pascal dans ses Pensées. Il s’agit d’une opinion que partagent généralement les penseurs, allant de l’antiquité à l’époque contemporaine. Mais être à la quête du bonheur ne signifie pas l’atteindre pour autant. Si on considère que le bonheur correspond à un état de plénitude durable et constant, il y a tout de même des nuances à faire selon les individus. En effet, ce qui rendrait quelqu’un heureux n’est pas systématiquement la même chose pour toute autre personne. Il n’y a pas de méthode universelle pour trouver le bonheur, nous pouvons alors dire qu’il est subjectif, car il dépend des affections de chacun. Mais le bonheur reste une finalité unique et ultime, c’est une fin en soi, c’est-à-dire qu’il n’est désiré que pour lui-même et non en vue d’autre chose. Tous les comportements humains visent le bonheur en dernière instance. Dès qu’on se fixe un objectif, c’est pour, à terme, être heureux. Cependant, bien que ce soit une aspiration que nous partageons tous, le bonheur paraît être une utopie dont la réalisation, l’expérience effective serait impossible dans la mesure où bien qu’il nous est aisé de ressentir du plaisir, qui serait une satisfaction partielle et éphémère, nous peinons en revanche à faire l’expérience du bonheur en tant que sentiment de bien-être complet. Dès lors, lorsque nous pensons être heureux, il peut ne s’agir que d’une illusion qui nous berce dans une réalité qui ne nous convient pas. Mais nous préférons y croire, cette perception erronée du monde extérieur ou de nos propres états internes nous est profitable, bien que temporaire, elle représente un réconfort dans une vie qui ne nous satisfait pas. Cette illusion est une sorte d’échappatoire, un moyen d’éviter le désespoir. Et ce qui le représente serait alors la vérité. Lorsqu’on parle de vérité, on parle de ce qui est conforme au réel. La vérité s’inscrit dans la réalité profonde d’une chose, par opposition à ses manifestations superficielles, tel que le bonheur au sens idéalisé dans l’existence humaine. Ainsi, savoir ce qui est vrai implique aussi de savoir ce qui n’est pas vrai, mais cette capacité de discernement ne s’obtient que par le biais d’efforts, c’est pourquoi il semble préférable, de par son accès facilité de privilégier le bonheur à la vérité. Puisqu’on ne peut contrer la vérité, on se résigne, et on tombe dans le désespoir, qui constitue presque une détérioration de l’âme. Tandis que le bonheur nous maintient dans une sorte d’état de cristallisation, certes, illusoire, mais qui nous aide tout de même à vivre.

Cette incompatibilité postulée, on en vient alors à se demander : doit-on préférer les douces illusions du bonheur aux amères victoires de la vérité ?

Nous exploiterons le sujet en trois temps. Dans un premier temps, nous soutiendrons que la recherche de la vérité étant trop fastidieuse, et la vérité elle-même nous rendant malheureux, il vaut mieux se tourner vers ce qui garantit notre survie, et dans le même temps, vers ce qui nous facilite la vie. Puis, dans un second temps, nous en viendrons à penser que vivre dans un bonheur factice reviendrait à se contenter du produit de sa propre imagination, refusant la réalité pour ce qu’elle est, on finit par se mentir à soi-même, ce qui crée un paradoxe inéluctable, l’efficacité de l’illusion en vue du bonheur serait alors discutable. Enfin, dans un dernier temps, nous tenterons de réconcilier bonheur et vérité, en mettant en exergue le lien intrinsèque qui subsiste entre ces deux notions enveloppant notre existence, le véritable bonheur ne s’obtiendrait alors que dans la quête de la vérité.

Tout d’abord, nous allons défendre que la vérité est compliquée, difficile à atteindre, tandis que le bonheur, si nous nous limitons aux aspects premiers des choses, nous est beaucoup plus accessible, et ainsi, préférable. La vérité est souvent cachée, dissimulée derrière les apparences, elle n’est pas immédiate. Bien que toute connaissance peut commencer avec la simple perception du monde extérieur, il faut toujours chercher davantage, creuser plus loin que ce que nos sens nous montrent pour prétendre au vrai. En effet, s’il suffisait de percevoir pour savoir, nul doute que la science aurait été achevée à peine commencée. Alors qu’elle ne fait qu’évoluer, depuis la nuit des temps et jusqu’à aujourd’hui, la science a connu un progrès considérable et cela, justement parce qu’elle a su se détacher des représentations brutes de ses objets d’études pour trouver ce qui est de l’ordre de leur nature. Si l’on se fie à des à priori, on se trompe. Preuve en est que nous sentons que la Terre est immobile, alors qu’elle tourne continuellement. De même, nous observons une vitesse de chute plus’ rapide des corps lourds que des corps légers, pourtant, nous savons grâce à Galilée que leur vitesse de chute ne dépend pas de leur poids mais de la force environnante. Les explications les plus simples ne sont généralement pas les plus vraies. Cette simplicité naturelle s’apparente alors à de la naïveté. Mais la naïveté ne serait-elle pas une sorte de pureté qui mènerait à un bonheur éloigné de la dure réalité ? Il semble à ce stade nécessaire d’effectuer une dichotomie entre bonheur et réalité, car le bonheur en tant que tel est voulu, désiré, ardemment poursuivi mais il n’est pas toujours obtenu. La quête du bonheur semble se heurter à un ennemi de grande envergure, qui se révèle être la réalité. En fait, il faut parfois se rendre à l’évidence : nous ne pouvons pas satisfaire tel ou tel désir car la réalité en a décidé autrement, c’est là qu’on peut se montrer réaliste. Il est clair qu’il ne dépend pas entièrement de nous d’être beau, d’être riche, de ne pas être malade ou de ne pas perdre ceux qui nous sont chers. Nous avons tendance à tout vouloir, mais on ne peut pas tout obtenir. C’est d’ailleurs ce que développe Descartes dans ses Méditations Métaphysiques, lorsqu’il aborde le caractère infini de la volonté de l’Homme, qui s’oppose au fini de son entendement. Il y a alors une sorte de divorce entre nos désirs, qui n’ont pas de limites, et la réalité. D’où justement la déception, la tristesse et la souffrance qui accompagnent souvent nos existences. La réalité est le premier et principal obstacle à la satisfaction de nos désirs et, en outre, à l’aboutissement de notre bonheur. C’est là qu’intervient l’illusion, qui nous réconforte, contrairement à la vérité qui vient bouleverser nos croyances, et nos convictions les plus profondes. D’ailleurs, nous pouvons relever une confusion fréquente entre réalisme et pessimisme, ce qui montre la dimension désespérante de la réalité. Ainsi, celui qui s’attèle à la recherche de la vérité doit être prêt à se confronter à l’amertume de la réalité, car on ne choisit pas ce qui est vrai, le vrai s’impose à nous. Aussi, pour faire science, il faut, comme Descartes le souligne dans la même oeuvre, se détacher des sens, car ils sont souvent source d’erreur. Comme il est le cas du bâton qui paraît courbé quand il est à moitié immergé dans l’eau. Il souligne dès la première méditation les inévitables illusions des sens, qui ne pourront être contrées que par un usage adéquat de la raison. La science, qui est, plus ou moins, le langage de la vérité, nécessite de la patience, car pour en faire, il faut formuler des hypothèses, et construire des expériences qui peuvent venir les infirmer ou les confirmer. Et les résultats qui en découlent peuvent être décourageants, au même titre que les réactions des autres Hommes. Nous pouvons citer Galilée une nouvelle fois, à qui on doit les observations astronomiques et les premiers principes mécaniques justifiant l’héliocentrisme, qui a été condamné pour ses concepts allant à l’encontre de ceux défendus par l’Église de son temps. Dès lors, il semble que s’obstiner à rechercher la vérité nous condamne à une fatalité inexorable, dans laquelle on ne peut éviter d’être malheureux.

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