La morale s'apprend-t-elle ?
Dissertation : La morale s'apprend-t-elle ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar bouilabesse • 10 Août 2023 • Dissertation • 2 350 Mots (10 Pages) • 848 Vues
Sujet : La morale s’apprend-elle ?
“Mon bon monsieur, apprenez que tout flatteur vit au dépens de celui qui l’écoute”, telle est la morale prêchée par Jean de La Fontaine à la fin de sa fable le Corbeau et le Renard. Comme pour véhiculer un savoir-vivre, un ensemble de règles de conduite, considérés comme bonnes de façon absolue ou découlant d'une certaine conception de la vie, La Fontaine souhaite transmettre des valeurs morales au sein de ses fables.
Ceci nous mène à la question : la morale s’apprend-t-elle ?
La morale est définie comme un ensemble des règles et normes de comportement relatives au bien et au mal, au juste et à l'injuste, en usage dans un groupe humain. Les jugements moraux se manifestent en nous comme des prescriptions, qui agissent comme des règles d’orientation pour l’action. Apprendre, c’est de façon théorique acquérir un ensemble de connaissances que l’on ignorait auparavant ou alors sur un plan pratique intérioriser dans les corps des attitudes, des gestes sous la forme d’habitudes. L’apprentissage peut véhiculer un savoir-être, par le biais de l’éducation, ou alors par la découverte personnelle ; ou bien un savoir-faire, des savoirs et connaissances par le biais de l’instruction.
Ainsi, acquérissons-nous l’ensemble de règles permettant de différencier le bien du mal grâce à un processus instructif ou éducatif au cours de notre existence ?
Ce qui nous amène à nous demander : si la morale devait être acquise, pourrait-elle avoir un statut universel ? Et d’une manière plus générale, quels sont les processus qui aboutissent au jugement moral ?
Ainsi, après avoir étudié si la morale était le fruit d’un processus d’apprentissage, nous nous demanderons si au contraire la morale relève de l’inné, pour enfin nous intéresser au rôle fondamental de la société dans le conditionnement de la morale.
Dans un premier temps, la morale est-elle le fruit d’un processus d’acquisition, que ce soit sur le plan théorique, rationnel, émotionnel ou autre ?
L’action morale n’est pas naturelle. En effet, dans la nature, le principe du plaisir est le seul qui prime, et rien n’est interdit tant que c’est réalisable. Pour citer le marquis de Sade, “La nature commande le crime”. Les animaux ne cherchent qu’à répondre à des besoins biologiques, et n’ont pas la capacité d’abstraction nécessaire au jugement du bien ou du mal. Il pourrait par ailleurs sembler qu’au cours de leur existence, certains animaux acquièrent la capacité d’agir d’une manière qui leur a été instruite et selon des critères paraissant moraux. En réalité, l’animal agit comme on lui a appris par contrainte : soit pour éviter une punition, soit pour satisfaire un besoin biologique grâce à une récompense. Lorsque l’on naît, nous n’avons pas encore les capacités nécessaires au développement d’un esprit capable de juger, et d’exercer une forme de morale. Nous devons donc, si nous voulons analyser la morale, considérer des individus mûrs, dont l’esprit critique est totalement développé. En ce sens, il y a une évolution de la morale chez l’individu, qui passe par un apprentissage. On ne peut pas dire que la morale est innée, au sens biologique du terme.
Selon Platon, la conscience morale doit être éduquée. La morale par ailleurs, nécessite une éducation, une transmission d’un savoir-être. Nous pouvons par exemple citer les Fables de La Fontaine, se terminant généralement par une morale. Le but des fables est de tirer un enseignement du récit, de transmettre une vérité générale, un exemple à suivre. Ainsi, la morale n'est pas innée, et elle ne correspond pas à ce qui fait plaisir à l'individu ou à ce qui ne lui fait pas plaisir : notre corps est spontanément dirigé vers le plaisir, et repousse de la même manière la douleur. Mais ces phénomènes ne sont pas superposables à la morale, dans le sens où ce sont des phénomènes physiologiques ne supposant aucune intervention de l’esprit. La morale correspond à des règles qu'il faut apprendre, et son éducation nécessite parallèlement l’instruction de comportements et de savoir-vivre comme par exemple, en premier lieu, la politesse. D’après Kant, “la politesse est le plus bas degré de la morale”. En effet, nous pouvons prendre pour exemple les rares cas de familles isolées de la société, ou bien encore les enfants sauvages, qui sont considérés comme dénués de moralité. Ceux-ci ne se sont pas vus transmettre le même savoir-être que le reste de la société, et leur marginalisation les a dépourvus de sens moral.
Les idées et représentations nécessaires à un rapport entre l’Homme et le monde sont acquises au cours du temps. Pour être capable de juger, se situer par rapport au monde extérieur, il est fondamental de pouvoir se baser sur des expériences vécues, ne serait-ce que pour illustrer et donner un sens à son propos. Il est donc primordial de s’exercer dans le jugement au cours de sa vie pour pouvoir apporter un jugement moral, et cet exercice du jugement se fait grâce à l’expérience. Cet exercice prend une forme plus personnelle que l’éducation : c’est un apprentissage qui nécessite une autodidaxie. Le fait d’être ou non capable de juger si quelque chose est bien ou mal nécessite la connaissance de cette chose. Il est impossible de juger quelque chose que l’on ne connaît pas, et, pour généraliser, il est impossible de juger si l’on ne connaît rien. La morale nécessite donc un environnement extérieur, identifié et perçu par la conscience, pour pouvoir être mise en œuvre. Par ailleurs, d’après Kant, la morale est le fruit d’une réflexion rationnelle : c’est la théorie du rationalisme moral. Ainsi, la raison devrait exercer une domination sur le cœur, et l’individu devrait même être capable de produire un jugement moral sans prendre en compte des sollicitations affectives : la morale doit être indépendante des sentiments et la raison autonome. D’après Socrate, “nul ne souhaite le mal sciemment” (Ménon).
La morale relève-t-elle au contraire de l’inné ? La morale possède-t-elle une valeur absolue, ne dépendant que d’elle-même pour exister ? L’Homme est-il universellement et systématiquement capable de juger de ce qui est bien ou de ce qui est mal par lui-même, par sa condition seule ?
Une morale innée supposerait l’impossibilité d’un pluralisme des morales, il ne pourrait y avoir qu’une seule morale, et elle serait identique chez tous les individus, quelle que soit l’époque ou la culture. Nous savons que les mœurs changent et divergent parfois en fonction du paramètre temporel ou de la diversité des cultures. Mais nous ne pouvons pas réduire la morale à la coutume, qui elle porte une dimension plus relative, fondée sur la majorité, le consensus collectif. De nombreux écrits des Lumières traitèrent de cette question, notamment sur la question du relativisme culturel, ce qui est le cas des œuvres de Diderot (“Au nom de quel principe critiquer l’hospitalité conjugale ?” Supplément au voyage de Bougainville), Montesquieu dans les Lettres Persanes (“Comment peut-on être Persan ?”) et Montaigne dans les Essais, portant une réflexion sur la barbarie. En effet, les coutumes sont bien évidemment très variées dans le monde, mais une chose reste néanmoins universelle, c’est le principe selon lequel l’esprit juge et construit ses idées.
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