La construction européenne et ses enjeux

La construction européenne et ses enjeux
I Les débuts de la construction européenne
A Trois ambitions essentielles
1) Garantir une paix durable : idéal bien antérieur à 1945. En 1848, déjà, Victor Hugo appelait à la création des « Etats-Unis d’Europe » : « vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure et vous constituerez la fraternité européenne ». D’autres lui ont succédé : Zweig, Nietzsche, Romain Rolland…Dans les années 20, le comte de Coudenhove-Kalergi relance l’idée de la paix et appelle à la formation d’une union « paneuropéenne ». Il influencera Aristide Briand, maître de la paix, qui prendra la parole à l’Assemblée Générale de la SDN pour la création d’une fédération européenne.
Cependant, tout s’accélère pendant et après la guerre. Churchill appelle à la création d’une famille européenne. Toute l’effervescence d’après-guerre débouche sur le congrès de La Haye en 1948, point de départ de la construction. Mais les divergences sont marquées : vision fédérale très présente chez les Benelux, moyennement en France et beaucoup moins en Angleterre, attachée à ses colonies et aux Etats-Unis.

2) La prospérité économique: Coudenhove-Kalergi (Manifeste paneuropéen) parlait déjà de la suppression des barrières douanières et d’un libre échange entre les pays membres. Après une période difficile avec l’Allemagne nazie et l’Italie mussolinienne, cette idée retrouve toute sa force après la seconde guerre mondiale, dans la reconstruction. La création de l’OECE en 1948 pour faciliter l’aide américaine crée déjà une première entente. L’OECE a pour but de former un grand marché unique à l‘intérieur duquel les barrières douanières et toute entrave aux échanges sont abolies. On veut éviter le protectionnisme de l’entre-deux guerres.

3) Préserver les démocraties en Europe, face à la menace Stalinienne. Les EU créent en 1949 l’OTAN pour assurer une protection militaire. En mai 1949, 10 pays d’Europe créent le Conseil de l’Europe, dont l’objectif est la défense des droits de l’homme, de la démocratie et du pluralisme politique, mais qui se heurtera à la pression britannique.
L’Europe est un véritable enjeu de la guerre froide : il représente un territoire à conquérir pour l’URSS et les EU. Ceci influe sur les différents modèles de développement :
→ pays du CAEM, socialistes
→Europe occidentale
→Pays Scandinaves : Finlande, Norvège, Suède. Mise en place du Conseil Nordique en 1952 pour coopération industrielle, économique, libre circulation… Renforcé par l’AELE en 57 par RU.

Fin des années 40 : la construction européenne présente trois caractéristiques : économique, politique et stratégique. Elle concerne l’Europe occidentale et bute sur la volonté de maintien des souverainetés nationales.

B Le tournant des années 50
Année 50 : l’Europe se lance dans une entente du charbon et de l’acier. En mai 1950, Robert Schuman, ministre français, propose la création d’un marché commun du charbon et de l’acier en associant les activités françaises et Allemandes, plus celles d’autres pays. La CECA, créée en 1951, se limite à 6 pays (FR, RFA, Italie, Benelux) voyant le refus des britanniques et des communistes.


Difficulté de création de l’Europe : la tentative de création de la Communauté européenne de défense est un échec. Les Etats-Unis voulaient une armée européenne unifiée mais la France notamment a refusé la CED en 1954 jugeant que cela impliquerait trop de perte de souveraineté. Donc difficultés = supranationalité, problèmes sociaux, mauvaises ententes au sujet des colonies…

Mais les européens les plus convaincants (Monnet, Paul-Henry Spaak) se battent pour la construction européenne. Cela conduit aux Conférences de Messine en 1955 puis de Venise en 1956.

En plus, le contexte devient favorable à la création de la CEE :
→Crise de Suez : dépendance énergétique
→menaces de l’URSS : Hongrie
→relations franco-allemandes meilleures (aboutit Traité de l’Elysée en 1963).

Ceci débouche sur la signature par 6 pays des traités de Rome en mars 1957. Le premier traité institue la Communauté économique européenne (CEE), en faveur d’une union douanière permettant la libre circulation et une préférence communautaire. Le Traité de Rome associe également concurrence et coopération avec la création de politiques communes comme celle pour l’agriculture (PAC), qui a pour but de protéger les prix et les producteurs face à la concurrence étrangère. Les Six ont également signés le deuxième traité créant la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA ou plutôt Euratom). Les Six ont enfin mis en place par exemple la Commission Européenne, la Banque européenne d’investissements, le Fonds Social européen…  

II La construction européenne dans les années 60/70
A Les réussites de l’Europe des six (début de la construction-73)
→Mise en place d’un marché commun. La libre circulation des marchandises est réalisée plus vite que prévu et les échanges sont multipliés par 4 au sein de la CEE entre 58 et 68. La disparition totale des droits de douane a lieu en juillet 1968. Elle adopte un tarif extérieur commun et réduit ses droits sur certains produits envers tous les pays du GATT.
De plus, elle aide les pays en développement et les pays du Sud : accords de Yaoundé en 1963 pour favoriser le commerce avec les pays du Sud et les aide grâce au Fonds européen de développement.
Les marchés nationaux s’ouvrent, ce qui entraîne un essor rapide des échanges et une solidarité croissante entre les 6. Les six pays se modernisent par la recherche de l’innovation et la croissance de la productivité.
La construction de l’Europe verte est achevée en 1968. La politique agricole est plutôt bonne, les prix sont fixes. Le marché commun a dynamisé la croissance, favorisé la hausse du niveau de vie, la consommation. Cette Europe des Six est de plus en plus attractive : croissance de 6% parfois grâce à une allocation optimale des ressources.

Cependant, il existe certaines limites.
→ Croissance intensive suscite des effets pervers. Le rapport Mansholt dénonce le coup excessif d’une politique qui profite plutôt aux grandes exploitations agricoles. Le Plan Mansholt qui visait à réduire le nombre de petites exploitations (car elles subissent trop) est un échec. Il suscite le mécontentement général, les grandes exploitations n’acceptent pas la remise en question des prix…
→ Les résultats de la CEE sont décevants en matière énergétique, notamment à cause de la montée du pétrole qui entraîne la chute du charbon et du chômage.
→Les pays n’ont pas prévu de politique industrielle communes et restent dépassés par les multinationales américaines. Certes, Concorde entre FR et RU, Airbus entre FR et ALL mais pas de vraie entente économique.
→Crise agricole en 1965/1966. Les pays contribuent différemment au financement du budget de la FEOGA (fédération agricole). De Gaulle : « politique de la chaise vide » : il ne veut pas forcément payer car il refuse la supranationalité. Le compromis du Luxembourg met fin à cette crise.  

B La naissance de l’Europe des neufs (1973)
→ Problème britannique. Après avoir adhéré à l’OECE, à l’OTAN, au Conseil de l’Europe, les britanniques refusent d’adhérer à la construction européenne dans les années 50. Ils tentent plutôt de créer une association concurrente, l’Association européenne de libre-échange (AELE) avec 7 pays membres. Le RU préfère l’Alliance Atlantique et le Commonwealth, mais se retrouve seul après la décolonisation et les tensions avec les EU au sujet de l’Egypte. Le pays est contraint de se tourner vers la CEE et essuie un premier rejet en 6, puis en 67 par De gaulle. Le pays finalement est accepté en 69 sous Pompidou.
Les négociations de 70 aboutissent à l’entrée du RU, de l’Irlande et du Danemark dans la CEE en 1973.
La difficile entrée dans l’Europe des britanniques remet en cause l’intégration européenne et sera responsable de la création de la FEDER, aussi bénéfique pour l’Irlande.

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