Les statues meurent aussi
Commentaire d'oeuvre : Les statues meurent aussi. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar myarac • 9 Octobre 2024 • Commentaire d'oeuvre • 2 301 Mots (10 Pages) • 44 Vues
Mya Raczynski30.11.22
Analyse : Les Statues Meurent Aussi
Contexte
Le cinéma a évolué et développé de nouvelles approches. « Les Statues Meurent Aussi » a donc été réalisé en corrélation avec ses changements et exprime ces derniers.
En remettant en question la psychanalyse, le cinéma se présente tout d’abord comme le divan du pauvre pour Félix Guattari. Il dira que « le langage du cinéma et des média audio-visuels sont vivants, tandis que celui de la psychanalyse ne parle plus, depuis aussi longtemps qu'une langue morte. On peut attendre du cinéma le meilleur et le pire, alors qu'on ne peut plus espérer grand-chose de la psychanalyse ! Dans les pires conditions commerciales, de bons films peuvent encore être produits, des films qui modifient des agencements de désir, qui brisent des stéréotypes, qui ouvrent l'avenir, alors que, depuis longtemps, il n'y a plus de bonnes séances de psychanalyse, de bonnes découvertes, de bons livres psychanalytiques. »
Par la suite le film-essaie se développe. En suivant la définition de T W. Adorno de l’essai comme « la forme critique par excellence, et, en tant que critique immanente des œuvres de l'esprit, en tant que confrontation de ce qu'elles sont avec leur concept, il est une critique de l'idéologie », le film-essai s’est conformé tout au long de son histoire comme forme audiovisuelle d’expression et d’évolution de la pensée critique, du questionnement et de la problématisation des discours imposés sur la réalité. La réflexion subjective de l’auteur et sa relation avec le spectateur comme élément essentiel au film-essai, fait de ce dernier un espace privilégié de construction de la pensée critique. Ainsi, il génère une réflexion audiovisuelle qui à son tour est remise en question, et complétée, par le public.
Le film-essai devient donc un développeur de la pensée critique dans de multiples domaines : politique, social, culturel, philosophique, artistique ou encore intime.
De plus, « Les Statues Meurent Aussi » est contemporain au concept de négritude se développant à cette époque et dont les fondateurs sont Césaire, Damas et Senghor. Il y a une histoire et une culture noire et on veut qu’elle soit reconnue de manière indépendante.
Le film met à nu des mécanismes d’oppression, d’acculturation et un dialogue culturel impossible dans le contexte de la colonisation. Il parle du développement d’un art au bénéfice du blanc consommateur/acheteur, mais aussi l’idée qu’il n’y aurait pas de rupture entre la civilisation africaine et la civilisation occidentale.
Enfin, l’art africain trouve une place particulière entre la vie et la mort. Le film, obsédé par cette idée, hypnotise notre regard de manière formelles, historiques et politiques. Si Alain Resnais et Chris Marker aiment discuter sur « la botanique de la mort », c’est aussi pour nous mener vers notre responsabilité en tant que colonisateur, irrespectueux des hommes, des terres et de leur culture. Le film nous alerte sur cet aveuglement irrémédiable et encourage une prise de conscience en tenant un discours particulièrement optimiste à l’époque : l’égalité entre Noirs et Blancs. Pour appuyer cela, dans le film, le narrateur nous dit :
« L’art nègre, nous le regardons comme s’il trouvait sa raison d’être dans le plaisir qu’il nous donne. Les intentions du nègre qui le créée, les émotions du nègre qui le regarde tout cela nous échappe. Parce qu’elles sont écrites dans le bois nous prenons leurs pensées pour des statues et nous trouvons du pittoresque là où un membre de la communauté noire voie le visage d’une culture. »
Analyse
Tout d’abord, le film questionne le sens même d’un musée. Ce dernier, en tant qu'institution publique à l'époque moderne est un symbole important du développement historique. Placer les artefacts à distance, derrière des vitrines et les transformer en biens culturels, rend le passé tangible, significatif et visible en tant qu'histoire. Ce qui veut dire que lorsque les statues meurent, elles sont placées dans des sanctuaires appelés musées. Il y a donc un processus d’aliénation par le musée ethnographique qui est dénoncé.
Par la suite, le regard du spectateur est transformé en devenant un voyageur qui se rend dans « ce pays de la mort où l’on va en perdant la mémoire ». Il se confronte dans un premier temps aux différentes cartes de l’Afrique ce qui lui restitue une Histoire considérée comme « fœtus du monde ». Grâce aux statues qu’il ne peut tout de même pas replacer dans leur contexte naturel, Marker et Resnais réaniment cinématographiquement une mémoire négligée et inconnue.
Enfin, les images présentent une Afrique rituelle, culturelle, puis un glissement s’opère. La musique s’accélère. L’Afrique industrielle apparaît et le colon également. L’histoire de la colonisation est racontée sur un ton vindicatif. Elle écrase tout sur son passage. La culture africaine est remplacée par une nouvelle culture déshumanisante, De nombreux stéréotypes et lieux communs sont pointés du doigt et soutenus par un texte fort et provocateur.
« Non, nous ne sommes pas quitte en enfermant le noir dans sa célébrité et rien ne nous empêcherait d’être ensemble les héritiers de deux passés si cette égalité se retrouvait dans le présent. Du moins est-elle préfigurée par l’égalité qu’on ne refuse à personne, celle de la répression ! ».
Le passage que j’ai analysé se trouve entre 24’44’’ et 27’55’’, c’est à ce moment où la colonisation entre dans l’équation et que le Blanc change la culture ou plutôt l’image de la culture noire.
La voix apporte un appui considérable aux images et facilite la narration des images tout en créant un effet de proximité avec le spectateur. La musique a aussi une place très importante dans le film. Les instruments produisant les sons africains, sont le tambour, le glockenspiel et le xylophone et ceux pour les occidentaux sont les instruments à vent, de bois et de cuivre, ainsi que le piano et la harpe.
On peut le démontrer, dans un premier temps, par le mouvement rythmique des haches des ouvriers noirs qui préparent la terre pour ce qui semble être la construction d’une route dirigée par les Blancs, cela s’accompagne des paroles du narrateur :
« Ici le problème du sujet ne se pose pas. Le sujet, c’est cette terre, naturellement ingrate, ce climat naturellement éprouvant et là-dedans le travail à une échelle démesurée. Le rythme de l’usine affrontant celui de la nature : Ford chez Tarzan. Le sujet c’est cet homme noir mutilé de sa culture et sans contact avec la nôtre. Son travail n’a plus de prolongement spirituel ni social. Il n’ouvre sur rien, il ne mène à rien, qu’à un salaire dérisoire. Dans ces pays du don et de l’échange, nous avons fait pénétrer l’argent. On achète son travail au noir et on dégrade son travail. »
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