La peau de chagrin, Balzac

Introduction :

"La Peau de Chagrin," publié en 1831, est un roman qui occupe une place unique dans le répertoire réaliste d'Honoré de Balzac, surtout connu pour ses "Études de Mœurs." Balzac y raconte l’histoire de Raphaël, un jeune homme découvrant dans une boutique d'antiquités une peau de chagrin magique – une peau d’animal mystique qui exauce les souhaits de son propriétaire. Cependant, chaque désir exaucé réduit la taille de la peau, et par conséquent, raccourcit la vie de son possesseur. Cet artefact magique incarne la force vitale du propriétaire, rétrécissant avec chaque souhait comblé, surtout lorsqu'il vise à augmenter le pouvoir.

Faisant fi des avertissements de l'antiquaire qui lui offre cette peau, Raphaël s’entoure de richesses et de plaisirs, mais finit misérable et décrépit à la fin du roman. Ainsi, Balzac publie "La Peau de Chagrin" peu après la Révolution de Juillet, un événement marquant l’échec de la Restauration. Classé parmi les "Études philosophiques," ce roman explore la nature destructrice du désir, conduisant à la mort de Raphaël de Valentin, le protagoniste. Raphaël, tout comme Balzac lui-même, échoue à maintes reprises. Ce roman peut-il donc être considéré comme un roman de l’échec ? Comment le pouvoir de la peau de chagrin transforme-t-il cette œuvre en un roman de l’échec ?

En effet, ce roman est une illustration de l'échec à travers l'énergie créatrice et destructrice de la peau. Cependant, c’est l’incapacité à réaliser pleinement les désirs de Raphaël qui met en lumière le thème central de l’échec.

I) La création dans "La Peau de Chagrin"

A/ La création : un acte d'épuisement

Pour Balzac, créer est indissociable de l'épuisement des forces physiques et morales. Par exemple, on peut lire : "Il vit que tout ce qu'il demandait, tout ce qu'il obtenait, tout ce qu'il possédait, lui coûtait une partie de sa vie." Ainsi, l'acte de création mène inévitablement le protagoniste à sa perte. Par ailleurs, dans "L'Agonie," Raphaël utilise ses dernières forces : "Par une force singulière, dernier éclat de vie, il jeta la porte à terre, et vit sa maîtresse à demi nue, se roulant sur un canapé" pour tenter de lutter contre le pouvoir de la peau, qui le consomme progressivement et le conduit inexorablement à sa mort. Le mot "création" vient du latin "creāre," qui signifie "engendrer, produire," ce qui établit un lien causal entre la création et l'échec du protagoniste, menant à sa disparition.

B/ La création mène à la solitude

L'acte de création est aussi synonyme de solitude, comme l'illustre Raphaël, qui se sent isolé malgré ses nombreuses relations. Il est écrit : "Il se sentit seul, abandonné de tous, sans ressource, sans appui, sans espérance, sans argent, sans ami, sans amour, sans emploi, sans avenir." Encore une fois, la structure autour de "sans," utilisée de manière privative et hyperbolique, apparaît huit fois. De plus, à la fin du roman, Raphaël se réfugie dans un hôtel particulier pour échapper à tout désir,

...