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Le référendum est-il un outil démocratique ?

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Par   •  1 Mars 2023  •  Dissertation  •  2 377 Mots (10 Pages)  •  370 Vues

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Bertrand Loubatié

Constitution de la Ve République, dissertation

Le référendum est-il un outil démocratique ?

En pleine crise politique et dans une allocution du 24 mai 1968, Charles de Gaulle appelle le peuple français à se prononcer, par la voie d’un référendum qui n’aura finalement pas lieu, sur l’attribution au président de la République d’un « mandat » nécessaire à l’entreprise d’importantes réformes. Il déclare : « Cette fois surtout, j’ai besoin que le peuple Français dise qu’il le veut. Or notre Constitution prévoit justement par quelle voie il peut le faire. C’est la voie la plus directe et la plus démocratique possible, celle du référendum. ». Ainsi, le référendum serait la procédure la plus satisfaisante pour permettre au peuple de s’exprimer afin que les décisions politiques s’accordent avec sa volonté. Cette interprétation témoigne d’un idéal visant à renforcer la démocratisation des régimes représentatifs, puisque ces derniers ont été bâtis dans la finalité de mettre en œuvre la volonté du peuple par l’intermédiaire de représentants auxquels il est parfois reproché d’avoir une marge de manœuvre trop importante et déconnectée des citoyens pendant leur mandat. L’enjeu est de trouver des outils, c’est-à-dire des instruments contribuant à la réalisation d’un but, afin de démocratiser un peu plus les régimes représentatifs en renforçant la participation directe des citoyens dans la prise de décisions. Le référendum semble être un outil idéal, puisqu’il permet aux représentants de soumettre un texte ou l’hypothèse d’une décision à l’ensemble électoral pour que celui-ci l’approuve ou non, en répondant généralement à une question binaire. Absent sous les IIIe et IVe Républiques, le référendum est introduit dans la Constitution de la Ve République du 4 octobre 1958, aux articles 11 et 89, pour participer à la fin du « régime d’assemblées » en mettant la volonté des parlementaires en concurrence avec celle du peuple. Si le référendum est régulièrement revendiqué contre la prééminence des représentants sur les revendications des citoyens, son fonctionnement est assez insatisfaisant et persiste parce qu’il procure une illusion démocratique. Tout l’intérêt du sujet est alors de savoir si le référendum, au lieu d’être un instrument efficace de la démocratie, n’est pas plutôt un dogme qui empêcherait une expression claire et précise de la volonté populaire, ce qui entraîne quelques interrogations sur le fonctionnement des régimes le mettant en œuvre puisque la Constitution de la Ve République a elle-même été adoptée par cette procédure. Dès lors, la procédure du référendum permet-elle véritablement une expression de la volonté du peuple afin de contribuer à la démocratisation des décisions politiques ?

        Le référendum, dans son fonctionnement, produit l’apparence d’un choix démocratique (I) et présente également le risque de se retourner contre les fondements de la démocratie (II).

  1. L’illusion d’un choix démocratique par le référendum

Cette illusion s’explique en ce que le référendum accorde une place limitée aux citoyens et ne leur permet pas d’effectuer un choix clair et précis (A), et en ce que sa procédure est davantage sous la maîtrise et au bénéfice des représentants (B).

  1. La place limitée pour les citoyens dans la procédure du référendum

Le référendum est appréhendé comme un outil démocratique parce qu’il permettrait au peuple de prendre lui-même des décisions. Si la révision constitutionnelle du 4 août 1995 a élargi le domaine du référendum législatif à des projets de loi concernant les politiques sociales, économiques et les services publics, et que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a instauré le référendum d’initiative partagée (RIP), le rôle du peuple dans la procédure référendaire reste très partiel. En effet, concernant le RIP, les citoyens n’en sont pas véritablement à l’initiative puisqu’ils doivent nécessairement soutenir une initiative ayant été prise par au moins un cinquième des parlementaires. Bien que l’initiative soit « partagée » et que les citoyens puissent faire part de leurs souhaits, ce sont les parlementaires concernés qui se chargent de la rédaction des grandes lignes de la proposition de loi. De plus, les citoyens sont absents des débats relatifs aux dispositions qui seront éventuellement soumises au référendum, ce qui neutralise leur possibilité d’exprimer directement leur volonté puisqu’ils ne pourront pas modifier eux-mêmes le texte par des amendements. La seule étape lors de laquelle les citoyens peuvent entièrement s’exprimer est le moment du vote où le texte est déjà conçu et ne peut être qu’approuvé ou rejeté, les moments cruciaux de la délibération et de la discussion ne sont pas organisés pour les votants. Le choix démocratique est ainsi très relatif dans le cas du référendum, puisque l’on prétend donner la parole au peuple alors que son expression se limite à un hochement de tête pour approuver ou non des dispositions dont il n’est pas l’auteur. L’absence du peuple lors de certaines étapes du référendum complique le choix à effectuer puisque les citoyens n’ont pas pu s’approprier la question. Enfin, la réponse donnée par les citoyens ne permet pas d’en déduire un choix véritablement clair puisqu’elle se limite à approuver ou à rejeter un texte en bloc, par le « oui » ou le « non » alors qu’il y a matière à débattre et à nuancer chacune des dispositions proposées.

Tout en accordant une place limitée pour les citoyens, la procédure du référendum semble bénéficier davantage aux représentants et ainsi contredire le projet d’une décision directement démocratique.  

  1. Une procédure au bénéfice des représentants

Le choix binaire du référendum offre aux citoyens, au moment du vote, deux possibilités aux conséquences radicalement opposées. Il s’agit d’approuver ou de nier en bloc une décision politique très forte, qui emporte avec elle une grande liberté d’action pour les représentants puisqu’il leur appartiendra de régler l’articulation de toutes les mesures à prendre pour incarner cette volonté. Ainsi, il est dans l’intérêt des représentants d’influer sur le référendum pour que les citoyens fassent un choix particulier, ce qui peut conduire à des campagnes médiatiques promouvant un avis particulier et qui, au nom du devoir d’informer les citoyens, tentent d’en orienter le choix. Le choix de la question posée par référendum pose également un gros problème démocratique puisque des détails peuvent plaider pour l’une des deux réponses, comme les mots « êtes-vous d’accord ? » ou « approuvez-vous ? » qui favorisent le oui. Cette question est bien souvent personnalisée puisque le sujet du référendum est souvent relié aux gouvernants, que ce soit d’une manière involontaire, ce qui avait par exemple dissuadé Emmanuel Macron de proposer un référendum lors du mouvement des « Gilets jaunes », ou d’une manière tout à fait volontaire, ce qui avait conduit Charles de Gaulle à déclarer en 1969 « Si je suis désavoué par une majorité d’entre vous, (…) ma tâche actuelle de chef de l’État deviendra évidemment impossible et je cesserai aussitôt d’exercer mes fonctions. » pour que sa légitimité soit établie par le référendum. Dans ces cas, le référendum est détourné de sa fonction initiale et contribue à évaluer une personnalité qui recouvre la question posée, puisque l’on vote pour quelqu’un en plus de voter le texte. Outre les influences extérieures, les représentants du peuple gardent une prise sur le référendum par leur maîtrise de son calendrier et de ses conséquences. En matière de révision de la Constitution, l’alinéa 3 de l’article 89 de la Constitution prévoit qu’un projet de révision de la Constitution peut ne pas être soumis au référendum si le président de la République décide de le faire voter par le Parlement réuni en Congrès, il est ainsi possible de garder un cadre démocratique exclusivement représentatif. Concernant le RIP, en plus du nécessaire soutien d’au moins 1/5e des parlementaires, l’alinéa 5 de l’article 11 de la Constitution dispose que le président de la République ne soumet la proposition de loi en question au référendum que si elle n’a pas été examinée par les deux assemblées dans le délai fixé par une loi organique, les parlementaires peuvent alors agir dans les temps pour garder la main. Ainsi il est possible pour les représentants d’empêcher la tenue d’un référendum, mais aussi d’influer sur sa portée et sur ses conséquences. Bien que le peuple français ait exprimé par référendum son refus du projet de constitution européenne proposé en 2005, le Traité de Lisbonne de 2007 reprit en grande partie les dispositions de ce projet. Malgré l’avis du peuple par référendum, les représentants sont parvenus à le prendre en contresens pour imposer leur volonté.

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