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La mise en scène de la justice est-elle anachronique ?

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Par   •  15 Avril 2023  •  Dissertation  •  2 146 Mots (9 Pages)  •  230 Vues

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« Dans un contexte d’immanence et d’horizontalité, les rituels judiciaires apparaissent de plus en plus décalés, voire obsolètes », écrivent Fabien Gelinas, Clément Camion et Karine Bates dans leur article intitulé Forme et légitimité de la justice. Dans leur réflexion sur le rôle de l’architecture et des rituels judiciaires, ces auteurs se sont posés la question de savoir si la mise en scène de la justice était devenue anachronique.

La notion même de « mise en scène » renvoie aux domaines théâtral et cinématographique. Il s’agit de l’organisation matérielle de la représentation, à savoir le choix des décors, des places, des mouvements et du jeu des acteurs.

La « justice », quant à elle, désigne l’ensemble des juridictions d’un pays chargées de dire ce qui est juste dans l’espèce concrète soumise à elles. La « mise en scène de la justice » désigne ainsi la théâtralisation de la justice et son rituel, à savoir l’ensemble des éléments qui sanctuarisent le temps et l’espace judiciaire et singularisent leurs acteurs.

Le terme « anachronique » qualifie ce qui est d’un autre âge, désuet et dépassé. Il s’oppose à la modernité, à la contemporanéité.

Il suffit de se rendre devant un tribunal et de passer le pas de sa porte pour comprendre que la mise en scène de la justice a perduré. De l’architecture aux symboles judiciaires en passant par la robe des professionnels du droit et leur rhétorique, tout est fait pour laisser le quotidien aux portes du tribunal et susciter l’émotion de ceux qui y entrent. Comme dans une salle de théâtre, le procès et son public font encore aujourd’hui l’objet d’un confinement spatiotemporel, d’une scénographie et d’un formalisme visant à sanctuariser la salle d’audience. Le rituel judiciaire a ainsi résisté au temps, mais est-ce le cas de sa légitimité ? Poser la question de l’anachronisme de la mise en scène de la justice revient à se demander si le rituel judiciaire a encore sa place dans la société contemporaine ou s’il est, au contraire, entaché d’archaïsme.

Mais ce questionnement n’est pas propre à notre époque et la théâtralisation de la justice a été, de tout temps, critiquée. Dès le XVII ème siècle, la mise en scène de la justice est perçue par certains auteurs comme Blaise Pascal et Jean de la Fontaine comme une apparence dupant le monde et dissimulant l’ignorance de vaniteux magistrats. De fait, la dramaturgie judiciaire n’est pas intrinsèque à la fonction même de rendre la justice, en témoignent les différences de pratiques entre les Etats. Lorsque l’avocat français plaide en robe noire, l’avocat américain, quant à lui, se présente au tribunal en costume de ville. Malgré cette dissemblance, leur mission est pareillement remplie. La légitimité des rituels semble ainsi être remise en question par leur allure vaine et superflue. Pourtant, conservés par l’organisation judiciaire contemporaine française, les rituels ne sauraient être que spectacles et comédies. La conscience collective ne peut en effet concevoir la justice sans ses attributs et la crise des représentations que subit notre société indique qu’elle n’aurait rien à gagner dans l’effacement de ses traditions. La question du devenir de la théâtralité du procès pénal doit dès lors être posée.

La théâtralité du procès pénal n’est-elle qu’une tradition désuète dont l’institution judiciaire devrait faire l’économie ou doit-elle au contraire être préservée tout en se réinventant afin de donner à la justice le moyen d’assurer pleinement sa mission ? Répondre à cette question est essentiel afin de saisir l’essence des nouvelles attentes citoyennes en matière de justice et de les concilier avec nos coutumes. Il en va de la pérennité de l’institution judiciaire et de la confiance que placent en elle les justiciables.

Pour ce faire, il convient de se pencher sur la remise en question de la mise en scène de la justice légitimement opérée par la société contemporaine (I) avant de démontrer qu’elle demeure constamment nécessaire à l’exercice de la justice moderne (II).

I. La remise en question légitime de la mise en scène de la justice par la société contemporaine

A. La théâtralité du procès pénal dépassée par les nouvelles attentes citoyennes

Dans les démocraties modernes ont émergé de nouvelles exigences majeures en matière de justice. Faisant l’éloge de la transparence, la société contemporaine réclame plus que jamais la rédition des comptes des magistrats et la proximité avec l’institution judiciaire. Pour ce faire, les rapports entre le justiciable et les professionnels du droit doivent être horizontalisés et certains rituels, véhiculant une mise à distance, abandonnés.

En effet, la mise en scène de la justice, face à ces nouvelles attentes citoyennes, parait artificielle et tend à créer de la défiance dans l’esprit du justiciable. Le rituel judiciaire s’est en partie adapté, en créant par exemple des tribunaux modernes au niveau des citoyens, et dont les locaux vitrés inspirent l’accessibilité et l’ouverture. La justice de cabinet, rendue par un juge proche du justiciable et ne portant pas de robe, incarne également cette déritualisation de la justice.

La théâtralité du procès pénal s’est ainsi réinventée pour répondre aux demandes citoyennes. Mais cette adaptation est-elle suffisante ? D’après le rapport de 2021 élaboré par le Sénat, 69% des français considèrent que la justice demeure opaque et 53% affirment qu’ils n’ont pas confiance en la justice. Les rituels judiciaires y ont, sans nul doute, une part de responsabilité. Alors que la société contemporaine revendique une justice simple et accessible, les apparats des hauts magistrats sont conservés. Tel est le cas de la robe rouge, faste et symbole d’autorité royale, qui est devenue aujourd’hui dans la République française un artifice dépassé et source de soupçon. Encore aujourd’hui, la mise en scène de la justice divise le monde en deux en distinguant la maitrise et l’excellence des professionnels du droit et l’amateurisme de ceux qui ne le sont pas. Elle transforme ainsi le procès pénal en un jeu de rôle écrasant pour le citoyen.

B. La théâtralité du procès pénal dépassée par les nouvelles exigences économiques

La mise en scène de la justice, chronophage et coûteuse, est délibérément improductive. En effet, la justice

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