Commentaire d'arrêt sur CE, 5 octobre 2007, Société UGC-Ciné-Cité
Dissertation : Commentaire d'arrêt sur CE, 5 octobre 2007, Société UGC-Ciné-Cité. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Burkhia Uranchimeg • 5 Avril 2023 • Dissertation • 2 499 Mots (10 Pages) • 196 Vues
CE, 5 octobre 2007, Société UGC- Ciné-Cité
La société d’économie mixte « Palace Épinal », qui exploite à Épinal un cinéma composé de six salles, a souhaité ouvrir un nouveau multiplex de dix salles à la place de l’ancien. Pour ce faire, elle a sollicité de l’autorité administrative un permis de construire qui, en matière de salles de cinéma, prend la forme d’une autorisation unilatérale délivrée par la commission départementale d’équipement cinématographique, en l’espèce celle des Vosges. Cette autorisation lui a été délivrée le 24 avril 2006. Un concurrent potentiel, la société UGC, a alors saisi le tribunal administratif d’un référé précontractuel, selon l’article L. 551-1 du Code de justice administrative (CJA). La société UGC demandait au juge des référés du TA de Nancy d’ordonner à la ville d’Épinal et à la société « Palace Épinal » de mettre en place une telle procédure de passation et de respecter lesdites obligations, en vue de la conclusion d’une délégation de service public, conformément aux règles de passation imposées pour ce type de contrats par la loi Sapin du 29 janvier 1993. Par une ordonnance du 26 octobre 2006, le juge des référés du TA de Nancy a rejeté une telle demande au motif que le projet de création d’une salle de cinéma ne relevait pas en l’espèce d’une convention de délégation de service public. C’est contre cette ordonnance que la société UGC s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État.
Pour que le juge des référés soit compétent, il fallait donc que le projet de création du multiplex par la société d’économie mixte puisse s’analyser en une convention de délégation de service public, ce qui suppose au préalable que l’activité déléguée ait les caractères d’une activité de service public. La question se posait de savoir à quelles conditions la création par une société de droit privé d’un complexe de salles de cinéma au sein d’une commune doit-elle répondre pour revêtir la qualité de service public délégable, soumis aux obligations de publicité et de mise en concurrence exigée par la loi du 29 janvier 1993.
Dans son arrêt du 5 octobre 2007, le Conseil d’État, estimant que le juge des référés du tribunal administratif de Nancy n’avait commis aucune erreur de droit, a rejeté le recours en cassation de la société UGC Ciné. Ce faisant, il a confirmé la possibilité pour une personne privée de prendre en charge une activité d’intérêt général (I), et rappelé la nécessité de satisfaire impérativement deux autres critères pour emporter la qualification de service public (II).
En outre, cet arrêt est important en ce qu’il est une confirmation de la toute récente jurisprudence APREI.
La condition suffisante de la gestion d’une activité d’intérêt général par une personne privée
Le problème d’identification ne serait pas posé si la loi avait fourni ou exclu la qualification opportune. À défaut, c’est au juge administratif, comme en l’espèce, qu’il revient de déterminer la nature exacte d’une activité litigieuse. Dans son considérant de principe, le Conseil d’État, dans cet arrêt UGC, admet le caractère d’intérêt général de l’activité de la société d’économie mixte « Palace Épinal ». Il confirme donc une nouvelle fois la parfaite déconnexion qu’assume le droit français entre l’intérêt général (A), et la nature juridique de celui qui l’assume (B).
Un intérêt général fondé sur la mission locale d’exploitation du cinéma
Dans la définition du service public, le critère de l’intérêt général est premier : il ne saurait y avoir de service public là où il n’est pas question de répondre à un besoin collectif. La notion d’intérêt général se laisse pourtant difficilement saisir : elle est éminemment politique, de sorte que l’on peut en avoir une vision utilitariste, anglo-saxonne (la somme des intérêts privés) ou une vision transcendantale, continentale (des besoins collectifs supérieurs déterminés par l’autorité politique). Elle est également contingente, évoluant au gré des sensibilités et des mentalités. Nul texte, nulle décision de jurisprudence ne la définissent. La notion n’est pas pour autant fuyante : la Constitution, parfois, la loi plus souvent, la jurisprudence aussi, qualifient certaines activités de service public, en se fondant sur leur caractère d’intérêt général. De cet amas de textes et de jurisprudence, se dessine donc une idée directrice : une activité est d’intérêt général lorsqu’elle poursuit de manière prioritaire et durable un but désintéressé répondant aux besoins collectifs et généraux de la population, lesquels ne peuvent être satisfaits par les seules initiatives privées existantes. Sur ce fondement, la création d’un hôtel-restaurant dans une commune rurale en voie de désertification correspond à un but d’intérêt local (CE, 25 juillet 1986, Commune de Mercoeur), mais non l’exploitation d’un restaurant à l’entrée de la capitale (CE, 12 mars 1999, Ville de Paris). En raison de son caractère récréatif, l’organisation des compétitions sportives revêt un caractère d’intérêt général (CE sect., 22 novembre 1974, FIFAS), mais non l’activité de loterie de La Française des jeux, où prédominent des intérêts de rentabilité financière (CE sect., 1999, Rolin).
L’arrêt UGC confirme ces orientations jurisprudentielles. Les services publics culturels illustrent le caractère contingent de l’intérêt général. Au début du XXe siècle, Maurice Hauriou n’imaginait pas que l’on puisse déceler dans l’activité théâtrale une quelconque dimension d’intérêt général (CE, 1916, Astruc). Depuis lors, le Conseil d’État a reconnu que pouvait revêtir la qualité de service public, en raison d’une dimension d’intérêt général culturel et éducatif : le théâtre (CE, 1923, Gheuzi), le cinéma (CE sect., 12 juin 1959, Syndicat des exploitants de cinématographes de l’Oranie), la culture de manière générale, tel l’aménagement de l’Allée des Alyscamps en Arles (CE Ass., 11 mai 1959, Dauphin). Au regard de ces jurisprudences, on comprend que, dans son arrêt de 2007, le Conseil d’État ne pouvait avoir de doute sur le fait que la société d’économie mixte « Palace Épinal » assurait bien « une mission d’intérêt général en vue d’assurer localement l’exploitation
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