Commentaire d'arrêt : CE, Ass., 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt : CE, Ass., 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar pierref66 • 17 Mars 2023 • Commentaire d'arrêt • 3 975 Mots (16 Pages) • 543 Vues
Bouillard
Pierre-Félix
Commentaire d'arret : CE, Ass., 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994
Tout au long du 20eme siècle, le recours pour excès de pouvoir s'était imposé comme un roi et comme étant le seul véritable recours effectif en droit administratif pour les individus. Cependant comme l'explique le célèbre juriste et professeur de droit public Jean Rivero dans son article « Le Huron au Palais-Royal ou réflexions naïves sur le recours pour excès de pouvoir », il ne faut pas omettre l'existence du recours plein contentieux qui s'élargit au fils des années offrant de nouveaux droits aux tiers lésé d'un contrat et qui renforce encore plus les pouvoirs du juge administratif pour devenir de nos jours une recours fondamental en droit administratif.
En l’espèce, par un avis d’appel public à la concurrence du 26 juin 2006, le département de Tarn-et-Garonne a lancé un appel d'offres ouvert en vue de la conclusion d’un marché à bons de commande ayant pour objet la location de longue durée de véhicules de fonction pour les services du conseil général. La commission permanente du conseil général suite à une délibération datant du 20 novembre 2006 a autorisé le président de l'assemblée départementale à signer le marché avec la société Sotral, retenue comme attributaire par la commission d'appel d'offres.
Le 18 janvier 2007, le conseiller général de Tarn-et-Garonne a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 20 novembre 2006. Le tribunal de Toulouse fait droit à sa demande et annule la délibération par un jugement du 20 juillet 2010. Le département de Tarn-et-Garonne interjette alors appel devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, qui rejette, par un arrêt du 28 février 2012, sa requête tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse et invite les parties, à défaut de résolution amiable du contrat, à saisir le juge du contrat. Le département de Tarn-et-Garonne se pourvoit donc en cassation le 30 avril 2012 devant le Conseil d’Etat, en premier et dernier ressort, par le biais d’un recours de plein contentieux contre l’arrêt du 28 février 2012. Le requérant demande au Conseil d'état d'annuler l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, de faire droit à sa requête d’appel et de mettre à la charge du conseiller général de Tarn-et-Garonne le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais de contribution à l'aide juridique.
Un tiers lésé au contrat administratif peut-il demander l'annulation au juge administratif dans le cadre du recours de plein contentieux ?
Le Conseil d'état dans son arret rendu le 4 avril 2014 affirme qu''indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. De plus, les juges du Conseil d'état précisent que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini ; que, toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l'Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet.
Si cet arret semble s'imposer comme une révolution dans le contentieux du contrat administratif (I), ces nombreux apports n'auront pas réussi à faire taire toutes les critiques (II).
I) Une révolution jurisprudentielle, le fruit d'étapes progressives
Cet arret Tarne et Garonne interviendra dans un contexte jurisprudentiel bien particuliers où devenait nécessaire (A), cet arret sera vu comme une réelle évolution dans le recours pour les tiers (B)
A) L’impossibilité pour tous les tiers lésés de contester la validité d'un contrat administratif
L'arret Tarn-et-Garonne datant du 4 avril 2014 vient s'inscrire dans un contexte historique et jurisprudentiel très particulier. En effet, bien avant cet arret de 2014, la jurisprudence du Conseil d'état s'était à plusieurs reprises exprimée sur le sujet des tiers lésé par un contrat administratif et de leur possibilité de contester la validité de ce contrat devant le juge administratif. De nombreux arrets venir limiter les pouvoirs du tiers lésé. Traditionnellement, seules les parties signataires du contrat pouvaient en contester directement la validité devant le juge du contrat.
De leurs cotés, les tiers au contrat ne pouvaient contester que devant le juge de l’excès de pouvoir les actes administratifs dits « détachables » du contrat. Ce principe fondamental fut posé par le très célèbre arret Martin du Conseil d'état du 4 août 1905. En effet, suite à cet arret, in était impossible pour un tiers lésé de contester la validité d'un contrat administratif devant le juge administratif.
L'arret SA LIC rendu par le Conseil d'état le 24 avril 1964 affirmait la meme chose que qu'au sein de l'arret Martin mais cette fois ci, les tiers au contrat ne pouvaient contester que devant le juge de l’excès de pouvoir les actes détachables relatifs à l’exécution du contrat. En récapitulatif, l'arret Martin permettait à toute personne intéressée d'intenter un recours pour excès de pouvoir contre un acte détachable du contrat. En revanche, l'arret Tropic, avait ouvert le recours de plein contentieux contre le contrat seulement aux concurrents évincés. De manière évidente, cette jurisprudence devenait insoutenable, un tiers lésé se devait de pouvoir contester la validité du contrat devant le juge administratif.
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