Cass. civ. 1re, 11 juillet 2018, n° 17-22.381
Commentaire d'arrêt : Cass. civ. 1re, 11 juillet 2018, n° 17-22.381. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar acombes • 14 Novembre 2023 • Commentaire d'arrêt • 1 511 Mots (7 Pages) • 383 Vues
Introduction et plan détaillé de l’arrêt Cass. 1ère civ., 11 juill. 2018, n° 17-22.381
Selon Pierre-Jules Hetzel « la vie privée doit être murée, c'est un sanctuaire inviolable, c'est le
comité secret du moi1 ». Cette affirmation doit cependant être nuancée au regard du contrôle de
proportionnalité exercé par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du
11 juillet 2018.
En l’espèce, l’homosexualité d’un membre d’un parti politique important a été révélée dans un
ouvrage littéraire. Invoquant une atteinte à sa vie privée, celui-ci a assigné, en référé, les
représentants légaux de l’auteur, mineur à l’époque de la publication, ainsi que la société
d’édition.
Par jugement, le juge des référés a d’abord ordonné la suppression de certains passages de
l’ouvrage litigieux, avant que la cour d’appel de Paris n’infirme partiellement cette décision par
une ordonnance du 19 décembre 2013. Un pourvoi ayant été formé, la Cour de cassation n’a pas
accueilli les prétentions du demandeur dans son arrêt du 9 avril 2015.
Au fond, le tribunal de grande instance de Paris a, par jugement du 8 juillet 2015, débouté le
demandeur, retenant que les faits incriminés figuraient dans un ouvrage portant sur un sujet
d’intérêt général. Le responsable politique a alors interjeté appel. Par un arrêt du 31 mai 2017, la
cour d’appel de Paris a rendu un arrêt infirmatif dans lequel elle jugeait disproportionnée
l’atteinte à l’intimité de la vie privée de l’appelant. L’auteur a alors formé un pourvoi en
cassation. Il invoque une violation de la loi de la part de la cour d’appel qui aurait dû juger
proportionnée l’atteinte à la vie privée du défendeur au regard du statut de ce dernier et du débat
d’intérêt général accompagnant les révélations litigieuses.
La question se posait ici de savoir si la révélation de l’orientation sexuelle d’une personne
publique dans le cadre d’un débat d’intérêt général constitue une atteinte proportionnée à sa vie
privée ?
Dans son arrêt du 11 juillet 2018, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt des juges du fond
pour violation de la loi. La première chambre civile, après avoir rappelé le contenu de la notion
de « débat d’intérêt général » et l’existence de limites à la protection de la vie privée, juge
l’atteinte litigieuse proportionnée. Les magistrats indiquent que « d’une part, les interrogations
de l’auteur sur l’évolution de la doctrine d’un parti politique, présenté comme plutôt homophobe
à l’origine, et l’influence que pourrait exercer, à ce titre, l’orientation sexuelle de plusieurs de
ses membres dirigeants, relevaient d’un débat d’intérêt général et que, d’autre part, le défendeur
était devenu un membre influent de ce parti dans la région Nord-Pas-de-Calais ».
L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 11 juillet 2018 permet
tout d’abord de rappeler la complexité de l’articulation de deux droits de même valeur
normative : le respect de la vie privée et la liberté d’expression (I). L’arrêt vient ensuite affirmer
la primauté de la liberté d’expression en présence d’un débat d’intérêt général (II).
I – La complexe articulation entre respect de la vie privée et liberté d’expression
La cohabitation entre le respect de la vie privée et la liberté d’expression peut être source de
difficulté dès lors que ces deux droits ont une même valeur normative (A). Lorsque l’individu est
une personne publique, le respect de la vie privée connaît certaines limites à prendre en compte
lors de la confrontation des droits fondamentaux (B)
A – La mise en concurrence de deux droits de même valeur normative
- En l’espèce, mise en concurrence de deux droits fondamentaux : la protection de la vie
privée et le droit à la liberté d’expression.
- Le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression revêtent une même
valeur normative. (Cass, 1ère civ, 9 juill. 2003, n° 00-20.289 ; Cass. 1ère civ., 20 septe
2015, n°14-16.273).
- Problème : le respect et la garantie de la liberté d’expression entraîne inévitablement une
limitation du droit à la vie privée et inversement.
- Dans son premier paragraphe explicatif la Cour de cassation rappelle le rôle fondamental
des juges qui, lorsque deux droits sont mis en concurrence, doivent rechercher un
équilibre entre ces droits et, le cas échéant, privilégier la solution la plus protectrice de
l’intérêt le plus légitime.
B – La protection amoindrie de la vie privée d’une personne publique
- L’article 9 du Code civil dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ».
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