Un français, des français ? Quelle place pour les minorités linguistiques en France, dans l’espace francophone et sur la scène internationale ?
Dissertation : Un français, des français ? Quelle place pour les minorités linguistiques en France, dans l’espace francophone et sur la scène internationale ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Livio Guillaume • 19 Octobre 2018 • Dissertation • 2 527 Mots (11 Pages) • 664 Vues
Livio Guillaume
Final Paper
French 320
December, 17th 2013
Un français, des français ?
Quelle place pour les minorités linguistiques en France, dans l’espace francophone et sur la scène internationale ?
D’expérience, en ayant été expatrié dans des régions comme le Japon et les Etats-Unis, qui peuvent sembler très éloignées – et ce aussi bien géographiquement que culturellement, j’ai cependant eu l’occasion de remarquer un point commun intéressant : l’attachement à une association de la langue française à une culture traditionnelle de la France, qui est bien souvent la première interface à laquelle les francophiles de ces régions sont confrontés, et qui d’ailleurs peut motiver leur démarche d’apprentissage de la langue.
Ainsi, le français est perçu comme une langue sophistiquée et élégante que ces charmeurs de Français utilisent pour séduire les jeunes et jolies demoiselles dans les cafés de Montmartre. Même sans entrer dans les clichés stéréotypés, demandez – à des Français ou non, de qui le français est la langue, on vous répondra invariablement « des Français », sous-entendu de France. Vous aurez peut-être même droit à des froncements de sourcils tant la question leur paraitrait idiote – et c’est bien normal, n’utilise-t-on pas le même mot pour désigner à la fois la langue et le peuple de France ?
Cependant cette évidence sémantique cache en réalité une complexité sociolinguistique et soulève les questions d’identité(s) linguistique(s) à l’échelle personnelle et du groupe, de rapport de force entre langues présentées comme « majoritaires » et « minoritaires » et toutes les conséquences sociales que cela implique, et plus généralement de glottopolitique : Est-on est Français parce que l’on parle français ? Est-ce que tous les Français parlent le français ? Il y a t-il un ou des français ?
Issu d’un intérêt personnel pour les questions de sociolinguistique, ce sujet m’a semblé approprié puisque les notions à la fois de francophonie, d’identité et des régionalismes ont été abordées au fil des cours ce semestre.
Sujet aussi pertinent vis-à-vis de l’histoire et de la culture française, de l’unification du pays sous le drapeau républicain et à l’apogée du rayonnement français jusqu’à la célébration de la diversité que nous connaissons aujourd’hui en passant bien sûr par la période de colonisation et ses conséquences sur le plan sociolinguistique, on pourra tenter de mieux comprendre ce qui a pu forger ces représentations de la France, des Français et du français.
On pourra par ailleurs aussi tracer des comparaisons avec la situation de l’anglais avec l’hégémonie américaine sur les plans géopolitiques économiques et culturels sur la scène internationale et dans l’ère de communication globalisée dans laquelle nous vivons aujourd’hui.
- La langue comme vecteur d’unité
Avant de parler de langue(s) française(s), il convient tout d’abord de déterminer ce qu’est une langue. Cette question est épineuse puisque chargée sur le plan politique et social : si on présuppose que la langue est un outil de communication et de transmission d’idées tout en faisant partie des éléments qui constituent l’identité d’un individu et d’un groupe, qu’est-ce qui fait qu’on parle de « langue » dans un cas, mais de « dialectes », de « parlers », d’ « idiomes », voire même de « patois » dans d’autres ?
Si la notion de parenté entre une langue et celles qui en sont dérivées peut présenter des éléments de réponse, force est de constater cependant qu’il existe un flou dans la terminologie, et dans le fait de savoir où se situe la limite entre langues apparentées et langues différentes. Il semble ainsi que c’est ici toute la question de l’unicité linguistique qui est posée.
En effet, la France s’est construite au fil des siècles par l’annexion de territoires au Royaume de France, et jusqu’au XIXe siècle. Il n’y avait alors pas d’unité linguistique sur le territoire, et chaque région possédait son propre parler, et spécialement dans les campagnes, le français était parfois inconnu des habitants. Le français a longtemps été la langue des élites, avant de peu à peu de prendre la place de langue vernaculaire, puis de devenir langue officielle.
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C’est en effet en 1881-82, avec la loi Jules Ferry, qui institue la gratuité de l'école primaire et la rend laïque et obligatoire, que le français est imposé comme langue nationale sur tout le territoire français, et parfois, c’est de façon farouche que le français est imposé et que l’utilisation des langues régionales dans les écoles et proscrit. Par exemple, c’est ainsi qu’en 1925, Anatole de Monzie, alors ministre de l’Instruction publique, proclame que « Pour l'unité linguistique de la France, il faut que la langue bretonne disparaisse ». Un des exemples de punitions en Bretagne souvent décrit est l’ar vuoc’h – « la vache » (aussi appelé « symbole »), qui était un objet que l’élève portait s’il était surpris à parler dans sa langue régionale, et avait pour but de l’humilier auprès de ces camarades. Un Breton élève à l’époque décrit cette punition de la façon suivante :
« À cette époque, le symbole était un morceau de fer pour mettre sous les sabots des chevaux. On le donnait au premier qui arrivait et qui parlait breton et ensuite, quand celui-ci trouvait un autre qui parlait breton, il le lui donnait. Comme ça, toute la journée. À la fin de la journée, le dernier attrapé par le symbole était mis en pénitence et il devait écrire en français: «Je ne parlerai plus jamais en breton», cinquante ou cent fois. Celui qui était pris souvent restait à l'école après 16 h 30, pendant une heure ou une demi-heure dans le coin de la salle. »
Parmi les punitions, on retrouve également l’usage fréquent des coups de règle sur les doigts, ou d’autres formes de châtiment corporel, telles que se mettre à genoux sur une règle, ou pendre un objet autour du cou des élèves. Une autre facette de cet impérialisme linguistique est la promotion du français comme langue d’élévation sociale par laquelle il faudrait obligatoirement passer, et stigmatisant par la même occasion toute autre langue parlée sur le territoire.
Toutes ces politiques linguistiques ont eu pour effet le brusque déclin des langues régionales au XXe siècle, le monolinguisme en langue régionale reculant d’abord progressivement au profit d'un bilinguisme avec le français, puis basculant vers le monolinguisme français en l’espace de deux générations, et aujourd’hui on se retrouve avec l’effet inverse : avec des tentatives pour sauver ses éléments des cultures régionales françaises. En effet, avec la prise de conscience de leur disparition, la loi Deixonne de 1951 a permis l'enseignement facultatif des langues régionales, et parmi les premières à en bénéficier, on retrouve le basque, le breton, le catalan et l'occitan, et ces langues sont deviennues par ailleurs des épreuves optionnelles au baccalauréat. Autre exemple significatif est la création des écoles diwan dès 1977, où l’enseignement est dispensé en breton. Elles comptent aujourd’hui plus de 3 700 élèves, de la maternelle jusqu’au lycée inclus. Des écoles similaires existent dans d’autres régions, avec les écoles Ikastolak dans le Pays Basque, les écoles Calandreta pour les régions occitanes et les écoles La Bressola pour les régions catalanes.
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