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Surveiller et punir, Michel Foucault

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Par   •  19 Décembre 2017  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 234 Mots (9 Pages)  •  1 184 Vues

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Fiche de lecture: Surveiller et punir, Michel Foucault, 1975

Michel Foucault acquiert le statut d’intellectuel avec Les Mots et les Choses; mais c’est bien Surveiller et Punir qui reste l’ouvrage emblématique de sa pensée. Publié en 1975, l’essai adopte, plus qu’une perspective historiographique de la prison que laisse suggérer le sous-titre Naissance de la prison, une réelle thèse qui replace la prison dans la perspective de la société de surveillance et de ses mécanismes de contrôle des corps. Ainsi, le constat de Michel Foucault porte sur le passage apparent de l’exécution publique des peines à la confidentialité de leur exécution; le philosophe analyse ainsi la rupture de la façon dont le pouvoir se manifeste au peuple; on passe du petit nombre de suppliciés portés au regard de la foule, au peuple entier contrôlé par une minorité surveillante. La première partie de l’ouvrage de Foucault dresse le constat de la disparition du supplice et fait état de deux processus: celui de l’effacement du spectacle punitif et donc la dissimulation progressive de la punition des yeux du public; et celui du dénouement de la prise sur le corps. On cherche maintenant, par la punition à ne plus toucher le corps, ou le moins possible, et donc plutôt à atteindre l’individu autrement: ainsi, “la guillotine supprime la vie, comme la prison ôte la liberté, ou une amende prélève des biens”, et pourtant, il faudrait remarquer que la peine a toujours pour objet le retrait d’un droit ou d’un bien, ce que Michel Foucault appelle le châtiment de l’incorporel. En quoi la technologie politique des corps punit-elle désormais une âme criminelle plus qu’un crime?

I. La prison, une évidence pourtant récente

A. La prison, technique punitive exclusive des sociétés occidentales, mais dont l’échec est contemporain de sa naissance

La prison nous apparaît en France comme une universalité atemporelle: on pense qu’elle a toujours existé tant elle nous semble indispensable. Pourtant, la prison comme peine est une grande nouveauté dans l’histoire. En effet, Tocqueville est envoyé aux Etats-Unis observe deux systèmes différents: le système de Philadephie dans lequel les détenus sont isolés chacun dans leur cellule, et le système d’Auburn dans lequel les détenus passent la journée ensemble en silence à travailler et sont seuls la nuit. Tocqueville plaide finalement pour celui d’Auburn, son coût étant moins élevé; il s’enthousiasme du modèle américain par rapport au modèle de prison français: il avait étudié la maison d’arrêt de Poissy et en avait vu un système laxiste qui encourageait la débauche et le crime. Tocqueville voyait la prison comme un moyen de défendre la société et ne pouvait que constater l’échec français.

La critique de la prison et le constat de son échec sont récurrentes aujourd’hui dans l’actualité politique: entre résurgence du sécuritaire et réflexions sur les alternatives au carcéral, la prison ne remplit pas ses objectifs. La lecture de Surveiller et punir montre que l’échec de la prison est concordant avec sa naissance, alors même que la prison devient une évidence dès les années 1810. Plus qu’être une peine, la prison est un milieu qui dès le départ ne fait pas baisser le nombre de crimes et de délits; la prison est aussi rapidement vue comme une ‘école du crime’ puisqu’elle permet la constitution de réseaux. Ainsi, la prison est apparue comme une peine plus humaniste à l’époque de sa naissance, rompant avec les supplices et châtiments et ainsi ne touchant plus au corps, ne l’abîmant plus, et pourtant elle échoue. Pourtant, la prison reste la punition quasiment exclusive de notre société.

B. La prétention humaniste de la prison cache en fait une technologie du pouvoir sur les corps

Pour Foucault, l’invention de la prison ne constitue pas un tournant humaniste rompant avec la punition par les châtiments corporels. Il analyse la nouvelle politique pénale qui se mettait en place alors: la prison est pensée pour contrôler et dresser les individus. Aujourd’hui, preuve de la honte de punir, la prison doit servir à réinsérer les détenus. Foucault rappelle trois technologies de pouvoir différentes: le supplice du corps, la manipulation des représentations de l’âme, le dressage du corps. Pour l’auteur, ce dernier modèle, secret et coercitif s’est imposé au détriment du modèle représentatif physique de la punition.

La question du sens de la peine est centrale pour penser la prison. Foucault dégage quatre grands sens: la peine sert à rappeler la loi, pour la faire exister (1); la peine sert à protéger la société (2), c’est donc une mesure de défense sociale; la peine sert à transformer l’individu (3), elle aurait donc une fonction pédagogique; enfin Foucault évoque brièvement l’idée d’une peine par rapport à la victime (4), donc de peine restaurative. La prison permettrait de recouper ces différents sens de la peine: en effet, elle neutralise les individus dangereux - encore faudrait-il savoir pour combien de temps et quels effets la prison aurait sur eux. L’idée d’un détenu qui réfléchirait à son crime et éprouverait du remords est aussi solidement ancrée dans l’imaginaire pénitentiaire. Enfin, la pénibilité de la prison permet à la victime de se sentir réparée. Mais le XIXème siècle voit émerger une fonction positive de la prison. Foucault note que la Révolution française révèle le danger des luttes sociales comme illégalisme politique. Il s’agirait donc de le marginaliser pour que les intérêts de la bourgeoisie subsistent. La délinquance comme illégalisme politiquement neutralisé surgit ainsi; la prison a pour fonction de fabriquer la délinquance et de la contrôler.

La prison est utile pour penser l’enfermement car son évidence est très stable et solide; on peut facilement se représenter l’idée carcérale en prison. Pourtant, Surveiller et punir porte sur la discipline qui se déploie dans un vaste archipel carcéral: il s’agirait de penser la prison de manière plus large et de voir comment on classifie les gens, comment le pouvoir s’exerce, en prison et ailleurs, sur nos corps et sur les modalités d’enfermement des gens dans leur identité.

II. Contrôle des corps, une microphysique du pouvoir

A. L’archipel carcéral

“La prison: une caserne un peu stricte, une école sans indulgence, un sombre atelier,

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