Les évolutions successives de la Constitution[a] de 1958 entrainent-elles la mutation du régime en une VIème République ?
Synthèse : Les évolutions successives de la Constitution[a] de 1958 entrainent-elles la mutation du régime en une VIème République ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Jenie2001 • 29 Septembre 2021 • Synthèse • 4 100 Mots (17 Pages) • 316 Vues
Droit constitutionnel II
Sujet : Les évolutions successives de la Constitution[a] de 1958 entrainent-elles la mutation du régime en une VIème République ?
Le juriste et professeur de droit public Guy Carcassonne affirme, en parlant de la Vème République « Heureusement qu’elle est assez solide et efficace pour n’avoir pas suivi le système politique dans ses capilotades récentes, et au contraire, pour en avoir sensiblement atténué les effets ; Retouchons-là, sans hésiter, mais sans la compromettre ». Le constitutionnaliste montre, ici, son approbation à un réformisme constitutionnel qui permet à la Constitution de s’adapter et de perdurer malgré les évolutions politiques, juridiques et sociétales. Cependant, cette vision est de plus en plus contestée par le[b] partisans d’une VIème République qui considèrent que l’actuelle Constitution est marquée « du sceau indélébile du gaullisme » qui, apparaît aujourd’hui comme dépassé. Le clivage entre partisans du révisionnisme et partisans d’un changement de régime est au cœur des principaux débats politiques soutenu par des personnalités de bords différents [c]comme Jean-Luc Mélenchon, Ségolène Royal ou encore François Bayrou. Bien que la Constitution de 1958 conserve son origine gaullienne, elle est aujourd’hui bien différente de celle mise en place par les constituants et peut conduire à se demander si, finalement, une VIème République n’aurait pas déjà été mise en place sans être formalisée[d].
En plus de 60 ans d’existence, la Constitution de 1958 a connu de nombreuses évolutions qui lui ont permise de s’adapter à des enjeux toujours différents. S’intéresser aux changements de cette dernière revient à s’intéresser aux outils utilisés par les juristes et les politiciens pour transformer le texte fondateur de la Vème République. Le premier moyen utilisé est la révision de la Constitution alors caractérisée comme « une technique juridique par laquelle les pouvoirs publics modifient expressément le texte de la Constitution après avoir suivi une procédure de révision ». Cette technique, en France, est définie et décrite dans le texte constitutionnel lui-même. Ainsi, l’article 89, article unique du titre XVI « De la révision » explicite cette procédure. Celle-ci est très lourde puisqu’elle nécessite un triple consensus entre l’exécutif, le législatif et entre les deux pouvoirs complété par un double verrou procédural consistant en un vote identique des deux chambres du Parlement (qui peuvent toutes deux utiliser leur droit de véto) et l’approbation du peuple par le référendum. Cette clause est, avec le temps, devenue une procédure exceptionnelle puisque seule la réforme sur le quinquennat en septembre 2000 a fait appel au référendum. En effet, cette pratique est très dangereuse et tend à intimider les chefs de l’Etat, qui pour la première fois, engagent leur responsabilité face au corps électoral souverain[e]. L’article 89 pose aussi des conditions liées aux circonstances de la révision en l’interdisant en cas de vacance présidentielle ou encore en cas d’utilisation des pouvoirs de l’article 16 depuis une décision du Conseil constitutionnel de 1992. Un second article de la Constitution peut se joindre à l’article 89 : l’article 11. Cet article, originellement centré sur la procédure référendaire, a été utilisé en 1962 par le Général de Gaulle afin de modifier la Constitution pour éviter un potentiel blocage du Sénat et en 1969 ce qui a, par la suite, poussé le Général à la démission. Cette utilisation de l’article 11 va à l’encontre d’une partie de la doctrine et de la lettre originale de la Constitution qui ne considèrent pas cet article comme un moyen de procéder à une révision constitutionnelle. Cependant, rien dans le texte n’interdit cette utilisation de l’article 11 qui peut être bénéfique pour réviser la Constitution afin de demander directement au souverain son avis. Ainsi, bien que la Constitution, soit un texte à valeur fondamentale, elle peut être modifiée afin de s’adapter au mieux aux évolutions. Les évolutions constitutionnelles ne s’arrêtent pourtant pas aux révisions, il faut aussi s’attacher aux changements constitutionnels, qui selon Jellinek, sont « une modification de la Constitution qui laisse inchangé formellement le texte de la Constitution et qui résulte de faits qui ne sont pas nécessairement issus de l’intention de modifier la Constitution ou de la conscience de le faire ». Les changements dans la pratique donnent naissance à des conventions qui forment une jurisprudence prétorienne transformant la pratique politique. Ces conventions reposent sur un accord entre le Gouvernement et les assemblées et, permettent de ne pas réviser le texte en permanence ce qui rend moins rigides les changements et favorisent les changements futurs. Cette étude est particulièrement importante dans le cas de la [f]Vème République, qui avant la mise en place du quinquennat, a connu trois périodes de cohabitation ayant changé temporairement les pratiques politiques.
En effet, la Vème République est le régime le plus stable que la France n’ait jamais connue. En 63 ans, le pays n’a jamais rencontré de grandes périodes d’instabilité politique comme celle de la IIIème République où les gouvernements s’enchaînaient. Cependant, cette grande stabilité s’accompagne d’une grande adaptabilité qui passe par un grand nombre de changements et notamment les 24 révisions que la Constitution a connues. Ces transformations, de plus en plus nombreuses, touchent aujourd’hui tous les domaines mais principalement les domaines régaliens. De plus, les révisions constitutionnelles ont pour certaines profondément changé le régime, devenant, par la suite des réformes majeures. Ici, il semble nécessaire d’évoquer la réforme de 1962 qui a permis l’élection du président de la République au suffrage universel, la réforme de 1974 qui a élargi la saisine du Conseil constitutionnel, les réformes de 1992 à propos du traité de Maastricht, l’instauration du quinquennat en 2000 et la réforme de 2008 sur les institutions. Ces révisions constitutionnelles majeures ont touché au régime de manière indélébile poussant parfois à se demander si elles ne s’éloignaient pas trop du texte originel. C’est dans ce contexte qu’à chaque élection présidentielles[g] depuis les années 2000, une question revient : « changer la République ou changer de République ? ». Cette question, divisant de nombreux français, pose une interrogation sous-jacente : la Constitution, en 2021, ressemble-t-elle encore à celle de 1958 ? Ainsi, se demander s’il vaut mieux changer la République ou changer de République revient à se demander s’il vaudrait mieux amender la Constitution actuellement en vigueur, comme le font des plus en [h]plus les législateurs, ou alors changer complétement de Constitution en se détachant de la Vème République.
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