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Analyse de texte, Mes forêts

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Par   •  13 Juin 2024  •  Cours  •  1 700 Mots (7 Pages)  •  142 Vues

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Mes forêts sont de longues traînées de temps

elles sont des aiguilles qui percent la terre

déchirent le ciel

avec des étoiles qui tombent

comme une histoire d’orage

elles glissent dans l’heure bleue

un rayon vif de souvenirs

l’humus de chaque vie où se pose

légère       une aile

qui va au cœur

mes forêts sont des greniers peuplés de fantômes

elles sont les mâts de voyages immobiles

un jardin de vent où se cognent les fruits

d’une saison déjà passée

qui s’en retourne vers demain

mes forêts sont mes espoirs debout

un feu de brindilles

et de mots que les ombres font craquer

dans le reflet figé de la pluie

mes forêts

sont des nuits très hautes.

Poème liminaire : entrée dans le livre construite dans une double symétrie, par rapport au dernier poème de la section (Mes forêts sont un champ silencieux de naissances et de morts) et au dernier poème de chaque section et du livre (« Mes forêts sont de longues tiges d’histoire »).

Poème de vingt-et-un vers au présent, sans ponctuation.

L’absence de ponctuation, courante dans la poésie moderne depuis Alcools de Guillaume Apollinaire, crée une fluidité et surtout une liberté d’interprétation qui favorise l’ambiguïté rythmique et sémantique.

Première personne qui évoque le lyrisme (tonalité qui consiste à exprimer des sentiments personnels), mais aussi la voix d’une conscience présente au monde.

La structure du poème : poème organisé autour du décasyllabe, décomposé progressivement en hexa, octo et tétrasyllabes, et même alexandrin.  A partir du vers 13 se produit un passage où l’impair domine, qui manifeste un changement de rythme et crée une rupture (vers de cinq, sept et neuf syllabes).

L’anaphore « Mes forêts sont » introduit une série de métaphores in praesentia où la forêt devient celle de la poétesse et s’incorpore à son imaginaire. Le poème ne comporte pas de phrases négatives ni interrogatives : le poème est une affirmation, un manifeste pour l’imaginaire.

Problématique : comment le paysage forestier devient-il un paysage intérieur ?

Mouvement :

Partition qui s’organise d’abord sur le plan prosodique : vers 1 à 13 : prédominance des vers pairs, récurrence des assonances nasales.

Vers 14 à 21 : vers impairs et amuissement progressif qui rapproche le poème d’une confession.

Organisation en strophes : quatre strophes organisées autour d’une anaphore (« mes forêts sont…), comportant une strophe de dix vers, une de cinq vers, une de quatre et un distique. La longueur des strophes participe également de cette atténuation progressive de la voix poétique, semblable à un mouvement musical de diminuendo (diminution progressive de l’intensité sonore).

1ere strophe

_ Le titre ainsi que les premiers mots du poème se caractérisent par l’emploi d’un possessif qui exprime une appropriation de l’espace sylvestre. D’autre part, ce n’est pas « ma forêt », mais « mes forêts »  qui sont évoquées ici. Le pluriel collectif renvoie à un lieu étiré, presque infini, appartenant à l’imaginaire américain des grands espaces.

_Le poème s’ouvre par une métaphore in praesentia, dont le schéma est répété anaphoriquement aux strophes suivantes, qui spatialise le temps à travers l’image « de longues traînées », comme si le temps, donnée abstraite, était converti en espace matériel et sensible, celui de la forêt. L’allitération en t souligne cet étirement du discours, parallèle à l’étirement du temps et de l’espace dont il est question ici.

_La métaphore suivante, construite sur le même modèle, exprime à travers le terme « d’aiguilles » l’image d’un rétrécissement, permettant au sujet poétique de l’appréhender en dépit de son immensité.

D’autre part, ce même terme participe du topos de l’agression et de la blessure, qui se manifeste aussi par les verbes « percent » et « déchirent », faisant de la forêt une entité qui ouvre et révèle, de manière dynamique. Le motif de l’agression est accentué par l’assonance en « è »  (percent/ terre/ ciel) qui redouble sur le plan phonique ce thème.

_Cette révélation s’organise autour de ce qui est en haut (« le ciel », « les étoiles ») et en bas (« la terre », « l’humus »). Les forêts sont donc l’intermédiaire entre l’espace céleste, cosmique et l’espace chtonien, terrien. Elles offrent à travers cette double image une appréhension holiste (totalisante) du monde.

_La contemplation de la forêt donne donc lieu à une aspiration ascendante (« ciel », « orage », « heure bleue », « rayon ») qui est intériorisée (ainsi, l’orage devient « une histoire », c’est-à-dire un phénomène fictionnel).

_Toutefois, l’inspiration est également descendante ; les « étoiles » « tombent », et « l’aile », au lieu de s’élever, « va au cœur », tandis que le « rayon » est fait de « souvenirs », et constitue lui aussi un agrégat intime, propre au sujet poétique. L’évocation de « l’heure bleue » renvoie également à un entre deux propre à l’introspection (l’heure bleue désigne la période entre le jour et la nuit où le ciel se remplit presque entièrement d'un bleu plus foncé que le bleu ciel du jour).

_L’introspection prend un caractère métaphysique aux vers 9 et 10 : l’aile « légère » qui se pose sur l’ « humus » de « chaque vie » évoque l’âme ailée du platonisme. Le rejet de l’adjectif « légère », et le contre-rejet du GN « une aile », souligné par un décalage typographique, ont pour effet de mettre en relief ce motif.

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