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Les frères le Nain

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Par   •  7 Avril 2019  •  Cours  •  3 133 Mots (13 Pages)  •  602 Vues

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Les frères le Nain

I/Biographie

Bien que les œuvres soient signées du simple nom « Le Nain », elles furent en vérité exécutées sous le pinceau d’un des trois membres de la fratrie Le Nain.

« Le Nain n’existe pas. Il existe trois frères Le Nain.
Et personne ne saurait en conscience
dire quelle main peignit ce tableau. »
Jacques Thuillier,
historien de l'art et collectionneur d'art français (1978)

Derrière ce patronyme,  se cachent en effet trois frères inséparables : Antoine, l’aîné, Louis son cadet et Mathieu le plus jeune.  Ils sont nés à Laon entre 1593 et 1607 d’un sergent royal du Vermandois en Picardie, Isaac Le Nain et de Jeanne Prévost  fille d’un autre sergent royal appartenant à une famille aisée de Laon

On ne connaît pas les conditions de leur apprentissage

Selon un chanoine de la cathédrale de Laon, il serait indiqué  dans une histoire manuscrite de sa ville écrite entre 1711 et 1723 que les trois frères avaient appris leur métier « chez un peintre étranger », probablement flamand au vu de l’affinité de leur style avec celui des descendants de Breughel, les Teniers par exemple.

On les retrouve à Paris en 1630, habitant ensemble rue Princesse. Antoine ayant été admis l’année précédente comme « maître peintre » à Saint-Germain-des-Prés, il a ouvert un atelier avec Louis et Mathieu comme « compagnons » dans les dépendances de l’abbaye, qui abrite une colonie de peintres flamands. C’est le début d’une production estimée à plus de 2 000 toiles, dont on ne connaît plus aujourd'hui que 75 officiellement attribuées.

Prodiges de la peinture, les frères Le Nain figurent parmi les artistes français les plus importants du règne de Louis XIII avec Nicolas Poussin et Georges de La Tour. Leurs plus célèbres tableaux représentent la vie paysanne avec une atmosphère poétique étrange et des personnages qui inspirent humilité et respect. Certaines toiles sont devenues de véritables icônes de l’histoire de l’art, alors que leur signification reste énigmatique et donne lieu à des interprétations multiples et contradictoires.

En parallèle de ces illustres scènes paysannes, d’autres aspects de l’art des frères Le Nain : des petits cuivres aux grandes compositions religieuses et mythologiques.

Admis à l’Académie Royale dès sa création en janvier 1648, les trois frères peignent ensemble  jusqu’à ce que la peste emporte au mois de mai, à deux jours d’intervalle, Louis et Antoine. Mathieu vivra jusqu’en 1677 mais délaissera son art pour s’engager dans une quête effrénée de reconnaissance sociale qui entachera le patronyme des Le Nain qui passera alors dans l’oubli. Ce ne sera qu’au milieu du XIXème siècle que leur œuvre sera remise à l’honneur par l’écrivain et critique d’art Champfleury.

[pic 1] Ce triple portrait présumé des frères Le Nain serait de « Louis », le personnage féminin ayant été ajouté à droite par « Mathieu »

II/ Le mystère Le Nain

A) Pourquoi ce choix de scènes de genres ?

S’investir soudain, au début des années 1640 dans la représentation de scènes du quotidien à la manière des maitres du Nord permettait aux frères Le Nain de se singulariser plus fortement sur un marché de la peinture de plus en plus concurrentiel tout en suscitant l’attention des amateurs et des curieux dont le nombre ne cessait de croitre dans le Paris de Mazarin.

Le choix pourrait avoir été déterminé par deux raisons principales. Tout d’abord, il est certain qu’aucun peintre parisien n’avait eu l’idée de se spécialiser dans ce genre depuis les années 1630 au moins, laissant vierge un segment du marché largement développé dans les Flandres mais qui restait à investir à Paris. De surcroît , la scène de genre nordique pénétrait le marché parisien par différents canaux marchands depuis les années 1630, familiarisant progressivement la clientèle parisienne avec cette peinture singulière. A la foire Saint Germain, les marchands étrangers proposaient assurément les œuvres des Teniers Père et fils quand ce n’étaient pas les artistes eux-mêmes qui venaient à Paris présenter leurs inventions ; en témoigne le passeport délivré à David Teniers et ses fils en 1635.

Quelques exemples des tableaux de Teniers

[pic 2][pic 3]

               «  L’alchimiste »                                                                                               «  Le néerlandais à la pipe »

Ce choix pourrait avoir une toute autre explication : peindre des scènes de genre pourrait traduire une prise de position explicite en faveur de l’art «  d’après nature » et du genre bas. La vogue grandissante de la peinture italienne chez les amateurs parisiens depuis les années 1640, l’orientation progressive de l’école française vers un style dépouillé inspiré par le statuaire antique et le modèle raphaélesque animèrent sans doute bien des débats esthétiques entre les artistes et des positionnements : entre d’une part les partisans du beau idéal et des modèles italiens et ceux, d’autre part, du « d’après nature », entre les sectateurs du genre noble et ceux du petit genre.

[pic 4]                           [pic 5]

« La naissance de venus » de Botticelli                                                    «  Scène d’intérieur » de Sébastien Bourdon

De ce fait en se spécialisant dans la représentation de scènes du quotidien, les Le Nain ne se faisaient pas seulement militants du « d’après nature » ; ils s’imposaient come les «  rhyparographes » de la France moderne.

 Rhyparographes : terme antique désignant des peintress qui choisissaient des thèmes jugés « négligés »)

Ce terme bien connu des peintres et des érudits du XVII ème siècle avait été rendu célèbre par Pline L’Ancien dans un passage de «  L’Histoire Naturelle » consacré à Pireicus, un peintre qui s’était fait connaitre à l’antiquité pour ses représentations de sujets populaires.

Ainsi : «  Je ne sais s’il s’est fait tort par le choix de ses sujets ; toujours est il que, en se bornant à des sujets humbles, il n’en a pas moins, dans leur bassesse même, obtenu la plus grande gloire. On a de lui des boutiques de barbier et de cordonniers, des ânes, des provisions de cuisine et d’autres choses semblables, ce qui le fit nommer le rhyparographe. Ses tableaux font un plaisir infini et ils sont vendus plus cher que de très grandes œuvres de beaucoup d’artistes ».

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