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La métalepse prospective au cinéma

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Par   •  23 Novembre 2022  •  Dissertation  •  2 606 Mots (11 Pages)  •  367 Vues

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La métalepse prospective au cinéma

Depuis la deuxième moitié du XXe siècle la métalepse a fait son entrée dans le monde du cinéma. Nouvelle figure de style qui marque la modernité au cinéma, celle-ci est reprise dans de nombreux films et séries. La métalepse veut apporter un sentiment de transgression de la narration, qui va venir rappeler au spectateur que ce qu’il voit n’est que fictif et le ramener à la rationalité. En effet depuis la naissance du cinéma, il existe un pacte fictionnel entre le spectateur et l’œuvre cinématographique. On sait que ce monde est faux mais on y adhère quand même par un effet de croyance et de plaisir esthétique. La métalepse va établir de nouveaux codes cinématographiques et transgresser ce pacte fictionnel. Nous allons alors nous demander, en quoi la métalepse provoque l’interaction et l’attention du spectateur au cinéma ? Pour cela nous allons diviser notre propos en trois parties dans un premier temps nous allons rappeler le concept de métalepse et les codes qu’elle établit, puis nous allons voir en quoi elle vient duper mais aussi diriger le spectateur, soit l’impact qu’elle a sur la compréhension du film par le spectateur, et pour finir nous allons montrer comment la métalepse permet au spectateur de s’identifier au film et d’interagir avec l’univers fictionnel.

I - La notion de métalepse

Le premier à établir la notion de métalepse au cinéma est Gérard Genette[1]. Ce critique littéraire et théoricien de la littérature française, a mis des mots sur cette nouvelle figure de style qu’il appelle alors la narratologie ou figure narrative. Il nous explique qu’au cinéma ou dans un univers fictionnel il y a plusieurs niveaux narratifs. Le premier que l’on va expliquer est le niveau 0 aussi appelé univers extratextuel. C’est l’ensemble du récit, le monde réel où se trouve le spectateur, il est en dehors de la fiction. Ensuite arrive le niveau 1 ou niveau extra-diégétique, c’est là où intervient le narrateur, on se trouve dans l’espace de médiation narrative, dans l’instance narrative du récit premier. Après le niveau 1 se trouve le niveau intradiégétique soit le niveau 2. C’est l’instance narrative du récit second, un monde A issu du récit premier où un personnage intervient. Puis enfin arrive le quatrième niveau, le niveau 3, les mondes métadiégétiques B et C, où des personnages interviennent dans l’histoire issue du récit second. On voit bien ici qu’il y a plusieurs niveaux de récits, qui s’enchâssent et se complètent.

En effet, dans la métalepse, ou figure narrative, on retrouve deux formes qui démontrent bien le lien entre les différents niveaux narratifs, comme le cite l’ouvrage Métalepses. Entorses au pacte de la représentation dirigé par Jean-Marie Schaeffer et John Pier[2]. La première est la métalepse rhétorique. C’est quand un personnage du monde A évoque un personnage du monde B, alors qu’il n’est pas censé le connaître. Le personnage du monde A peut aussi interloquer le spectateur, faire un regard caméra etc. En soi un élément ou un personnage d’un niveau narratif va interagir avec un autre niveau narratif alors qu’il ne doit pas en être conscient, mais ne vient pas perturber le sens de l’histoire, ni la narration. Par exemple dans la série Olaf Présente de Jennifer Lee, des studios Disney, le personnage principal Olaf, un bonhomme de neige issu du film la Reine des neiges venant également de l’univers Disney, va raconter des dessins animés Disney-Pixar à sa manière. Tout le long de la série, qui se compose de cinq épisodes de cinq minutes, le bonhomme de neige, à l’esprit comique et farfelue, va faire une mise en abyme des films Disney qu’il aurait vu et qu’il va raconter aux spectateurs de façon très ludique. C’est un bon exemple de métalepse rhétorique car Olaf n’est pas censé connaître les autres films de Disney, il n’est pas censé être conscient de faire partie d’un univers d’animation et pourtant il fait référence à celui-là sans venir troubler la narration car toute l’histoire est construite sur ce procédé. On appelle ça l’intertextualité, faire référence à une œuvre existante dans une autre œuvre. Ici ça ne vient pas bouleverser le spectateur, il accepte que le déroulé de la série soit comme ça même si dans la vraie vie ce n’est pas possible, un personnage d’un dessin animé n’est pas censé entrevoir ce monde extratextuel alors qu’il fait partie de l’univers diégétique.

La seconde forme de la métalepse narrative est la métalepse ontologique. Elle construit des formes de circulations de personnages entre un niveau narratif et un autre. C’est quand un élément du premier récit vient perturber le récit second en faisant une interruption dedans. On a un mouvement extramétaleptique avec une direction verticale entre un film et un autre. Par exemple dans le film La Rose pourpre du Caire de Woody Allen, l’héroïne principale a pour habitude d’aller voir le même film plusieurs fois par jour régulièrement. Lors d’une séance de cinéma le personnage principal du film qu’elle regarde, s’adresse à elle personnellement. Action qui vient perturber notre héroïne car c’est un film et qu’elle n’est pas censé être vu, ni reconnue. Soudain cet homme sort de l’écran et vient rejoindre l’héroïne principale dans la salle de cinéma. Ici on a donc deux récits diégétiques enchâssés où un personnage du récit second vient faire irruption dans le récit premier. Différents niveaux de fiction, où la métadiégèse joue avec le spectateur. Mais il ne s’agit pas seulement de narration, ça joue aussi avec la temporalité et l’espace.

Dans ces deux formes de figures narratives, la métalepse va venir transgresser l’univers fictionnel. Le spectateur est surpris, déstabiliser, il sait que ce n’est pas possible dans la réalité mais l’accepte car il estime que dans une fiction tout peut être possible.

II - La métalepse et la faculté de contrôler le spectateur

La métalepse narrative peut à la fois duper le spectateur, le perturber dans sa compréhension de l’histoire et aussi jouer avec son attention, mais d’un autre côté elle peut aussi le diriger, le mettre sur des pistes pour donner du sens au film, et des indices qui vont lui permettre de percevoir ce qu’il regarde.

 

Dans le film Fight Club de David Fincher sorti en 1999, le réalisateur a cherché à tromper et déstabiliser le spectateur pendant tout le film. L’histoire commence par l’apparition du personnage principal et narrateur, joué par Edward Norton, sans identité précise en pleine crise existentielle. Lors de son périple de déprime, il va rencontrer Tyler Durden, joué par Brad Pitt. Ils vont ensemble créer un club de box clandestin, le Fight Club, qui va tourner au cauchemar car le but premier du club sera détourné et va être transformé en commando terroriste contre la société de consommation et les puissantes entreprises. Lors du déroulé du film nous voyons le personnage principal sombrer dans la colère et l’effroi de tels actes dirigés par Tyler essentiellement, mais on apprend à la fin que Tyler est en fait Edward Norton. En effet, le narrateur est en fait schizophrène et Tyler est un être créé de toutes pièces par lui-même dans son esprit. On retrouve plusieurs procédés cinématographiques dans le film comme le flashback, l’adresse au spectateur, le regard caméra, etc. C’est un récit très décousu avec des incohérences temporelles et spatiales qui joue avec les différents niveaux narratifs. Pendant tout le film, le spectateur est donc dupé, troublé, mis à mal car il a cru en l’existence du personnage de Tyler. Cependant le spectateur a eu plusieurs indices pour s’en apercevoir, il n’a donc pas voulu y croire. Le basculement de cette révélation s’appelle une permutation, Norton s’adresse d’ailleurs au spectateur pour lui dire comme « tu vois tu t’es fait avoir, mais le film continue malgré tout et tu continues de regarder ». Cela nous montre que dès le départ c’était le but du réalisateur, réussir de façon comique et sarcastique à manipuler le spectateur à travers un récit et un personnage métadiégétique complexes.

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