LA DYSTOPIE ET L’HÉTERONORMATIVITÉ : ALL YOU NEED IS LOVE DE K. ROCCO SHIELDS
Commentaire d'oeuvre : LA DYSTOPIE ET L’HÉTERONORMATIVITÉ : ALL YOU NEED IS LOVE DE K. ROCCO SHIELDS. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Marine Arroudj • 3 Janvier 2023 • Commentaire d'oeuvre • 2 825 Mots (12 Pages) • 435 Vues
LA DYSTOPIE ET L’HÉTERONORMATIVITÉ : ALL YOU NEED IS LOVE DE K. ROCCO SHIELDS
En 1972, Martin Rochlin, Ph.D., créé The Heterosexuality Questionnaire . Ce questionnaire a pour but de réveiller les consciences à travers une série de questions souvent posées aux personnes homosexuelles mais cette fois-ci inversées et destinées aux hétérosexuels. En devant répondre à ce genre de question, la personne hétérosexuelle comprendrait la discrimination posée par l'hétérormativité qui oppresse les LGBTQI+.
Love is all you need ? de K. Rocco Shields, adapte ce concept à l’écran, d’abord dans un court-métrage de 19 minutes en 2011 puis, face au succès de ce dernier, transpose le court-métrage en un long-métrage en 2016. Love is all you need ? est donc une histoire d'amour interdite dans un monde où la norme sociale est renversée : l'homosexualité étant la norme, l'hétérosexualité est un tabou fermement condamné. Le film se déroule dans une petite ville de l'Indiana où deux étudiants, Jude (Briana Evigan), quaterback, et Ryan (Tyler Blackburn), journaliste sportif, tombent amoureux. Lorsque leur relation est révélée par la petite amie de Jude (Emily Osment), la communauté entière mène une croisade, dirigée par leur leader religieux (Elisabeth Röhm), contre les hétérosexuels. Cet évènement va impacter la vie d'une jeune fille de 11 ans, Emily (Kyla Kenedy) développant des sentiments pour un de ses camarades.
En tant que spectateur, qu’il soit queer ou hétérosexuel ce film chamboule nos idées et nos conceptions de ce qui est normal et nous montre que personne n’est à l’abris de l’intolérance. De ce fait nous étudierons, comment, à travers le renversement de l’hétéronormativité, K. Rocco Shields mène à une prise de conscience de l’hétérophobie et de facto, de l’homophobie. Nous organiserons cette étude autour de trois points : la dystonie sexuelle comme instrument de renversement, la dénonciation des stéréotypes et de l’hétéronormativité et finalement nous analyserons trois moments du film qui aide à cet effet de renversement et de prise de conscience.
Dénoncer les conceptions hétéronormatives et les représentations sociales
Dans une interview pour OUTTAKE MEDIA, K. Rocco Shields s’exprime à propos du court-métrage : “ My personal commitment to LGBT civil rights is through the power of cinema: We can make a difference and impact the world.” Le long-métrage dénonce également les conceptions hétéronormatives, les préconceptions et le rôle des institutions dans l’éducation et la tolérance.
Le spectateur ne peut s’empêcher de prendre position contre les institutions parentales, religieuses et éducatives qui montrent, pour la plupart, une attitude défavorable envers les hétérosexuels. Karen Curtis (Jenica Bergere), passe d’une attitude ouverte et aimable à une attitude protectrice envers sa fille et éprouve un certain dégoût lorsqu’elle découvre que ses nouveaux voisins sont hétérosexuels. Vicki Curtis (Katherina LaNasa) va invoquer le fait que sa compagne ait emmenée leur fille Emily chez les voisins comme une justification de l’hétérosexualité de la fillette . Drastiquement, le Révérend Rachel appelle à la violence contre les hétérosexuels en louant les actes faits à leur encontre et, dans plusieurs de ses sermons elle stigmatise, stéréotype et diabolise l’hétérosexuel :
“ Now I would like to clarify something. Our God that tells us thou shall not kill is the same God that says mankind shall not lies with womankind. [...] So really if you say that's it's okay to be gay you're saying it's okay to kill. Do you think God want us to kill? Of course not! That is how I see it. And that is how it's reflecting in the words of our holy Bible.”
La religion contrôle toutes les sphères, familiales et éducatives. Les éducateurs, à l’exception du professeur d’art dramatique, David Thompson (Jeremy Sisto), ne sanctionnent jamais les harceleurs d’Emily. Le directeur va renvoyer Mr. Thompson – sur la demande du Révérend et des parents en colère – car en modifiant la pièce de Shakespeare Romeo and Julio en Romeo and Juliet il ferait la promotion d’un mode de vie hétérosexuel .
Cette stigmatisation atteint les plus jeunes et les étudiants. Jude craint pour sa réputation si elle est vu en train de faire la promotion de l’Alliance Hétérosexuelle de son campus. Elle est attaquée durant un match par ses coéquipières et l’équipe adverse après qu’elle ait été outé. Des jeunes esprits comme celui de Paula Santilli (Ava Allan) ou Bill Bradley (Blake Cooper Griffin) sont manipulés par le Révérend comme fer de lance d’une mission divine. Quand Paula rentre chez elle après avoir battu Emily, elle invoque les préceptes du Révérend pour justifier son acte . Bill Bradley se prend pour un Rédempteur et s’investit de la mission de purifier les hétérosexuels. Avant de tuer Ryan Morris, il cite la Bible et s’écrie “We are doing God’s work!”. Finalement les personnages qui représentent la tolérance, sont en position de faiblesse et ne peuvent endiguer tout cette haine qui prend possession de la ville entière du début à la fin du film . Le spectateur est donc orienté dans cette voie dénonciative, le faisant normalement adhérer à l’appel à la tolérance.
Mais Love is all you need peut paraître confus pour son public dans le sens où ses représentations sociales sont sans cesse bousculées par le monde dans lequel évolue les personnages. Jean-Claude Abric, définit les représentations sociales comme « une vision fonctionnelle du monde, qui permet à l’individu ou au groupe de donner un sens à ses conduites, et de comprendre la réalité, à travers son propre système de références, donc de s'y adapter, de s'y définir une place ». Si le spectateur comprend les enjeux et les mécanismes du film, il peut être décontenancé par ce qui est considéré comme mauvais, et ce qui ne l’est pas, dans le monde fictionnel. Par exemple, les mots « queer », « faggot », « gay » et « ‘ro » (pour hétérosexuel) sont utilisés par les personnages homosexuels pour décrire un hétérosexuel, afin de le stigmatiser. Le spectateur ne comprend pas l’ampleur de ces termes péjoratifs pour un hétérosexuel, tout simplement parce qu’ils sont généralement utilisés pour stigmatiser les homosexuels. Durant tout le film le spectateur est confronté à un monde à la fois familier au sien, mais différent puisqu’il va devoir systématiquement le remettre en question, et s’interroger sur ce qui est bon ou mauvais
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