Vivre et exister est-ce la même chose ?
Dissertation : Vivre et exister est-ce la même chose ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar rf2120 • 2 Juin 2022 • Dissertation • 1 665 Mots (7 Pages) • 534 Vues
Vivre et exister, est-ce la même chose ?
Les termes vivre et exister sont couramment utilisés et souvent considérés comme étant des synonymes. S’il est écrit dans de nombreux dictionnaires que vivre signifie exister et qu’exister est équivalent à vivre, se posent toutefois des questions quant aux véritables sens de ces deux mots. On peut notamment se poser la question suivante : est-ce que tout être qui vit existe ? Analysons dans un premier temps les mots clés de cette question. Vivre et exister, c’est émerger du néant, c’est avoir une réalité dans le monde avec une spécificité humaine pour l’existence. Le terme être renvoie à tout ce qui est réel. Nous allons étudier la question en commençant par affirmer que vivre et exister signifient la même chose. Ensuite nous critiquerons cette thèse pour savoir ce que ces deux mots veulent réellement signifier. Enfin nous montrerons que la vie est une première condition de l’existence.
Commençons par affirmer que oui vivre et exister signifient la même chose. Premièrement, ces deux termes renvoient à être que l’on traduit par avoir une réalité. On ne peut pas exister ou vivre sans être. D’autre part, on ne choisit pas d’être, que ce soit l’Homme, l’animal ou le végétal. Aucun de tous ces êtres vivants ne choisit sous quelle forme ni quand il apparaît. Ceci est un premier lien entre la vie et l’existence, chacune d’entre elle a besoin d’avoir une réalité mais elle ne choisit pas sous quelle forme ni quand elle va se produire.
De plus, selon la science, l’Homme est considéré comme un animal parmi d’autres. En effet chacun des humains a une vie, quelque chose que nous avons en commun avec tous les autres êtres vivants. L’Homme n’est pas la raison d’être de la vie. Les humains ont besoin de se nourrir pour vivre, peuvent tomber malade et meurent des mêmes raisons que les autres animaux. Ils survivent et possèdent donc les mêmes caractéristiques de vie que les autres êtres vivants. L’Homme vit ainsi de la même façon que les girafes, les chiens… car il n’est pas la raison d’être de la vie. Il ne devrait donc pas y avoir de distinction entre vivre et exister étant donné que l’Homme est considéré comme un animal par la science. En outre, Schopenhauer dans Le monde comme volonté et comme représentation prend l’exemple de la taupe pour montrer que la vie et l’existence sont des synonymes. Pour la taupe, vivre et exister signifient la même chose « que lui vaut cette existence si riche en peines, si pauvres en joies ? ». Cette citation d’Arthur Schopenhauer nous prouve bien que la taupe peut elle aussi avoir sa propre existence. Ces arguments nous montrent bien que vivre et exister signifient la même chose, cependant cette thèse est critiquable sur de nombreux points.
Intéressons-nous à présent à la critique de cette thèse et voyons pourquoi vivre et exister ne signifient pas la même chose. Tout d’abord la notion d’existence ne concerne que l’Homme. En effet, il ne fait pas qu’être et vivre, il existe au sens le plus fort du terme. La conscience dont il est doté le rend unique par rapport aux autres êtres vivants. Jean-Paul Sartre l’exprime très bien dans L’être et le néant où il prend l’exemple d’un garçon de café qui joue à être garçon de café. Celui-ci joue à l’être parce que lorsqu’il prend conscience qu’il est garçon de café, il cesse de l’être. Il ne peut pas être garçon de café en raison de sa conscience, il est toujours dans la réflexion et la projection dans le futur. En revanche, pour la taupe de Schopenhauer et les animaux en général, l’absence de conscience de la vie et de la mort les empêche d’avoir une existence. En effet, ceux-ci sont constamment dans moment présent et ne se projettent jamais contrairement à l’Homme. La taupe est une taupe, elle ne joue pas à en être une parce qu’elle n’a pas conscience de ce qu’elle est. Si jamais elle venait à avoir conscience d’être une taupe, celle-ci s’arrêterait de creuser et n’en serait plus une. La taupe n’a pas d’existence propre car si elle devait en avoir une, celle-ci serait épouvantable. Elle ne fait que vivre ou même survivre, ce qui ne vaut justement rien comme existence. Mais évidemment la taupe n’a pas le choix et ne souffre pas d’être une taupe : c’est sa nature. Elle est totalement ce qu’elle est et ne sera jamais rien d’autre : « vivre » c’est à la fois tout ce qu’elle a et tout est, contrairement aux hommes. Pour la philosophie, l’Homme est nécessairement à part. Aucun vivant n’est en mesure, par définition de dépasser la vie elle-même et d’aller plus loin qu’elle excepté l’Homme car pour qui a une existence, vivre ne suffit pas. Ce premier argument montre que l’existence n’est qu’humaine car seul l’Homme est doté d’une conscience.
D’autre part, la notion d’existence renvoie à une pure possibilité : c’est pourquoi elle ne s’applique qu’à l’Homme, à l’exclusion de tout le reste, toute réalité qui peut être définie c’est-à-dire une chose dont l’essence précède l’existence. Sartre en donne un fameux exemple dans L’existentialisme est un humanisme où il prend l’exemple d’un coupe-papier. Cet objet qui n’est aujourd’hui plus utilisé était autrefois un accessoire de bureau ou de bibliothèque qui servait à ouvrir une enveloppe sans la déchirer ou à déchirer les pages d’un livre qui étaient toutes reliées entre elles. Cet objet ordinaire du quotidien est fabriqué en vue d’un certain usage, il est donc parfaitement défini, on ne peut pas imaginer un fabriquant produire un coupe-papier sans savoir exactement ce qu’il fait. Le processus de fabrication implique donc que l’idée du coupe-papier est déjà dans la tête du fabriquant avant qu’il en produise réellement. En vérité, faire des coupe-papiers n’est rien de plus que de suivre cette idée, on n’y ajoute rien. On peut remplacer le mot idée par essence qui a le même sens. L’essence d’une chose, c’est ce qui fait qu’elle est ce qu’elle est. L’essence du coupe-papier revient donc à sa définition qui signifie sa fonction et comment le produire. On peut tout définir sauf ce qui justement ne peut pas entrer dans une définition, ce qui est une pure possibilité, cela renvoie à l’existence qui concerne les hommes. En effet, l’Homme n’a pas de définition car celle-ci est constamment remise en question. L’Homme peut être garçon de café, ingénieur en aéronautique, avocat… C’est comme si notre coupe-papier décidait brutalement de ne plus en être un pour devenir un marteau, ce qui est évidemment impossible, cela n’a même aucun sens. Il en est de même pour la taupe, elle aussi a une essence fixée une fois pour toute c’est-à-dire une définition à laquelle elle correspond toujours de sa naissance à sa mort. Sartre dit d’ailleurs que chez l’Homme seul « l’existence précède l’essence ». Nous existons d’abord et ce n’est qu’ensuite que l’on peut tenter de nous définir. En effet nous ne naissons pas garçon de café ou avocat, nous le devenons ce qui veut dire qu’à tout instant nous pouvons cesser de l’être pour devenir autre chose. La formule « l’existence précède l’essence » signifie donc qu’il est impossible de définir un être qui sans cesse devient ou peut devenir autrement, ce qui ne concerne que l’Homme. On peut le voir encore dans l’opposition des expressions « perdre la vie » et « gâcher son existence ». Comme l’animal, l’Homme peut perdre la vie mais gâcher son existence consiste en quelque chose d’autre, à savoir dans le fait de vivre sans raison c’est-à-dire en ne faisant rien de sa vie. Avoir une vie et avoir une existence ne signifient pas la même chose.
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