Pourquoi parle-t-on?

POURQUOI PARLE-T-ON?

Pourquoi parle-t-on ? Cette question semble triviale, et semble avoir une réponse évidente : pour communiquer. L'homme est le seul animal sur terre, non seulement capable de parler, mais qui ressent le besoin fondamental de le faire. Mais pourquoi vouloir communiquer ? D’où vient cette nécessité ? Et encore, pourquoi choisir la parole, c’est à dire la transmission orale d'un message ? N’est-il pas peut être plus efficace d’écrire, ou de signer, ou de communiquer à travers l'art ? Tout d'abord, nous allons définir la communication, et développer ses différentes formes et fonctions. Ensuite, nous tenterons de comprendre pourquoi l'homme a besoin de communiquer, et enfin pourquoi il préfère utiliser le langage parlé plutôt que l'écrit ou d'autres formes de communication.

        Communiquer, c’est l’action de mettre en commun. On peut communiquer entre individus, ou d’un individu à un group, ou de groupe à groupe. Le but est le même : de transmettre un message et de se faire comprendre. Pour les êtres humains, la communication prend de nombreuses formes, dont la plus utilisée est la parole. On peut communiquer de la manière directe, à l’écrit ou à l’oral, ou même par code de signe, utilisé par les malentendants. De manière plus subtile, la communication peut se faire à travers l’art : la musique, par exemple, permet de faire ressentir l’émotion communiqué d’une manière souvent plus forte que la parole. Il faut aussi prendre en compte que la majorité de la communication humaine est non intentionnelle : nous communiquons par le langage corporel en permanence.

        Il est essentiel de faire la différence entre la communication des êtres humains et des animaux. Chez les animaux, la communication peut se faire à travers des sons, des gestes, des couleurs ou même des odeurs. Les humains utilisent surtout les gestes et le langage. Ce qui fait la différence, c’est à la fois la structure, mais aussi l’intention. En ce qui concerne la structure, prenons par exemple la communication des abeilles. Selon une étude de Benveniste, “le terme qui nous semble le mieux approprié à définir le mode de communication employé par les abeilles, ce n’est pas un langage, c’est un code de signaux.". Le code de signaux se caractérise par : "La fixité du contenu, l’invariabilité du message, le rapport à une seule situation, la nature indécomposable de l’énoncé, sa transmission unilatérale.". Ce code de signaux, utilisé chez les animaux, permet strictement de transmettre un message fixe, qu’on peut analyser mais qui n’a pas de signification implicite et qui ne varie pas. Ceci fait la différence entre le code de signaux et le langage humain, qui peut être utilisé sur des niveaux symboliques. Les mots n'ont pas toujours la même signification : elle peut varier en fonction du contexte ou de l'émotion qui est communiquée. De plus, les hommes communiquent dans l’intention de se faire comprendre, alors que l’animal ne communique pas toujours intentionnellement, et ne cherchent seulement à déclencher une réaction.

        La communication peut avoir plusieurs fonctions. La fonction informative, qui est la fonction la plus basique qui permet de transmettre un message fixe, sans émotion, s’oppose à la fonction expressive, qui a pour but de communiquer l’état affectif de la personne. La fonction conative vise à faire réagir son interlocuteur : ceci peut être utilisé par exemple dans un discours dans le but de persuader ceux qui écoutent.

Il existe aussi des fonctions de la communication qui n’ont pas pour but de dire quelque chose, mais plutôt de faire une action ou de créer quelque chose. Par exemple, la fonction phatique permet à une personne d’établir un contact avec une autre.

        Nous avons établi que la parole sert à communiquer, mais ceci n’explique pas pourquoi nous ressentons cette nécessité fondamentale de communiquer, de mettre en commun. Pourquoi vouloir communiquer ?

        La communication permet de prendre connaissance. D’abord, elle permet la connaissance de soi même. Selon Nietzsche, l’être humain pense en parole. Cela veut dire que parler, ça permet d’accéder à notre pensée. De même, la parole permet d’extérioriser notre pensée intérieure.  En mettant nos pensées en mots, nous sommes en mesure de mieux comprendre notre propre processus de pensée, ce qui nous permet de mieux nous connaître et comprendre nous-mêmes.

        Elle nous permet aussi de connaître autrui. Selon Descartes, le langage nous permet de sortir de l’isolement du Cogito : si les autres hommes sont capables de communiquer comme moi, c’est parce qu’ils sont aussi capables de penser comme moi. De cette manière, la parole nous permet de communiquer notre conscience à autrui.  

        La communication nous permet aussi de comprendre et prendre connaissance du monde qui nous entoure. Prenons l’exemple de l’éducation. Pour éduquer, il faut pouvoir communiquer les savoirs entre personnes. De la même manière, toute découverte scientifique est inutile si elle ne peut pas être communiqué, expliqué. Sans le langage, la science serait impossible. Pour connaître, il faut pouvoir abstraire, pour abstraire, il faut pouvoir représenter symboliquement.

        La communication nous permet aussi de manipuler. D’abord, elle permet de manipuler autrui. C’est un puissant outil de domination. La fonction conative de la communication sert à ordonner, à persuader les autres, ce qui revient à la manipulation. Dans la politique, le langage est utilisé pour manipuler les pensées et les opinions du public. On peut prendre l’exemple du livre 1984 de George Orwell, dans lequel le gouvernement crée une nouvelle langue, la “Novlangue”, pour manipuler la société. Cette langue a un vocabulaire très restreint qui vise à limiter la pensée des citoyens. Par exemple, nous vocabulaire concernant la résistance est enlevé du dictionnaire, dans le but d’éliminer toute idée de révolte que peuvent avoir les citoyens.

De plus, le langage fait place à une hiérarchie sociale : ceux qui ont accès à l'éducation et qui sont capables de mieux communiquer ont plus de chances de réussir et dominent sur ceux qui n'ont pas accès à l'éducation et qui sont limités par leur manque de capacité à communiquer.

        Dans l’autre sens, le langage est aussi un puissant instrument de subversion. Elle peut servir à contester, critiquer et dénoncer l’injustice. Par exemple, dans les manifestations, ceux qui protestent crient des chants à l'unisson ou portent des affiches sur lesquelles figurent des messages politiques. Dans ce cas, c'est le pouvoir de la langue qui crée l'impact nécessaire pour provoquer un changement.

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