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Dissertation : Pourquoi vivre ensemble ?

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Par   •  23 Octobre 2017  •  Dissertation  •  2 514 Mots (11 Pages)  •  7 904 Vues

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PHILOSOPHIE

Sujet : Pourquoi vivre ensemble ?

        Si « l’homme est par nature destiné à vivre en cité », Aristote, La Politique et de facto destiné à vivre avec d’autres hommes, cette réunion revêt pourtant une apparente contradiction. Vivre ensemble suggère d’accorder chacun des êtres les uns avec les autres mais cet agrégat d’êtres, autrement appelé société, naît de rivalités incarnées par l’étymologie même du mot, de socius, « alliés de guerre ». La vie d’un individu qui se définit par une existence en mouvement dans l’espace et le temps, son « anima », devrait par ailleurs coexister, voire coopérer, avec d’autres qui n’adoptent cependant pas ce même mouvement. « Vivre », de vivere, suggère des actions individuelles, intimes et propres à chaque Homme tandis que « vivre ensemble » suggère un accord entre ces actions individuelles, implicite ou explicite. Cette opposition met en exergue une difficulté d’articulation entre la part qui relève du général et du particulier, du privé et du public, de la subjectivité et de l’objectivité. Comment peut-on alors justifier le dépassement de cette opposition ? De même si la société et l’Etat créent un accord entre les êtres, quelle dialectique entre public et privée l’Etat devrait-il entretenir pour poursuivre cette finalité ? Enfin, dans quelle mesure la finalité des actions concorde-t-elle avec le dessein de l’Etat et de son chef ?

        Penser le paradigme de l’Etat de nature, qui n’a d’ailleurs « jamais existé », permet de penser parallèlement le passage de l’Etat de nature à l’Etat civil, qui semble s’imposer par intérêt. L’homme étant, d’après Hobbes « un loup pour l’homme », « homo homini lupus », le regroupement des forces entre alliés est judicieux pour assurer la sécurité individuelle. La société s’impose comme le moyen le plus efficace pour la protection, l’affirmation de la propriété matérielle et la facilitation de la division des tâches par une aide mutuelle. En effet la fragmentation des travaux indispensables à la survie de l’homme permet de moins exposer l’Homme aux accidents et surtout d’apporter une légitimité au travail. La société se fonde pour cela sur le droit naturel pour créer son droit positif par lequel la propriété doit remplir trois conditions : que la possession soit faite par le travail, qu’elle soit nécessaire à la subsistance et que la terre soit inoccupée lors de l’occupation. La raison pratique dicte ainsi aux individus de coopérer selon un critère d’efficacité rationnel car ce « n’est pas seulement parce qu’elle protège contre les ennemis que la société est très utile et même nécessaire au plus haut point, c’est aussi parce qu’elle permet de réunir un grand nombre de commodité » affirme Spinoza dans son Traité théologico-politique, chapitre V. L’individu accepte de faire partie de la société par rationalité, il choisit le moyen le plus efficace pour servir ses intérêts personnels, soit en conjuguant ses forces à celles d’autrui pour échapper à sa condition et la rendre plus « commode ».

L’Etat civil, pour garantir de jure la propriété, contraint la société par le droit positif et par les lois, l’individu aliène librement ses droits et sa volonté individuelle se transforme en volonté collective. Ce pacte social de Jean-Jacques Rousseau, selon lequel : « chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons encore chaque membre comme partie indivisible d’un tout », Du Contrat social ou Principes du Droit politique, 1762, substitue l’égalité physique de la nature à une égalité morale et juridique. Les inégalités s’accroissent finalement car alors que tous les Hommes sont presque égaux dans la nature, l’Etat civil rend la richesse et la pauvreté réversibles, l’homme qui, en société, est riche et supérieur aux pauvres, n’est qu’égal à eux dans la nature. Néanmoins l’aspiration de l’Homme à la perfectibilité le conduit à privilégier son individualité, son intégration dans la société conduit alors à l’usurpation, la corruption, la guerre et au glissement de l’amour de soi vers l’amour-propre. « Il faut toujours être le meilleur et être supérieur aux autres » [phrase en grec] écrit Homère dans l’Iliade, les individus acceptent la réversibilité des situations sociales et leur hiérarchie en espérant s’élever vers ses hauteurs. L’homme aspire à la puissance et au pouvoir et accepte pour cela l’inégalité, il veut jouir du signe de la chose et non de la chose elle-même, il veut l’égalité des individus tout en se distinguant du reste des hommes, il choisit l’ « insociable sociabilité ».

L’individu, bien qu’appelé par le pouvoir, est cependant dépassé par une instance bien supérieure à lui, l’instance morale et l’homme se soumet de facto à l’idée de bien commun car elle s’impose à lui avec évidence : « ceux qui font des actions honteuses et mauvaises, les font involontairement » dit Socrate dans le Protagoras de Platon car quand un individu fait le mal, il pense, de son point de vue, faire le bien. Le « Souverain Bien » est la finalité de tous les hommes par quelques moyens qu’ils aient trouvés. Or la société fait le syncrétisme de ces idées de Bien et s’élève à l’idée de bien commun, bonum communis comme principe et rectifie ainsi les mœurs « toi qui est bon toi-même, tu es capable de rendre bon d’autres gens » [texte en grec]. L’Etat doit servir l’intérêt collectif et se soumet donc à son tour à l’idée de Bien Commun, étranger au bien particulier id est à la morale, pour la préserver. La politique devient le lieu où l’intention morale peut devenir réalité ; dans l’idée de justice abordée par Protagoras dans le dialogue éponyme de Platon. La justice générale serait l’instance qui incarne le Bien commun dans la société en réparant les torts par le droit et en assurant la sécurité des individus.

« Si l’homme désire la justice c’est parce qu’il a été victime d’injustice » selon Héraclite ; la justice est nécessaire pour poursuivre le bien commun, nonobstant l’application du droit positif suppose l’articulation entre droit privé et public. Cette articulation révèle une dichotomie entre ces droits, qui naît de l’opposition entre la finalité subjective, propre à l’individu, et la finalité collective, propre à la justice. L’Etat s’approprie l’idée de Bien Commun, qui subsume alors la sécurité de l’Etat, qui elle-même subsume la garantie de la propriété dont jouit le citoyen et qui cherche par ailleurs à inclure un droit subjectif au droit positif. L’Etat dépossède l’homme de lui-même par le contrôle de sa subjectivité alors jusqu’où le droit subjectif doit-il être reconnu par le droit objectif ? Le droit le plus inviolable est la propriété, la property selon Locke qui affirme d’ailleurs que « personne ne peut prendre possession de mon corps » dans le Second Traité du gouvernement civil. L’individu doit donc primer comme le souligne l’Habeas Corpus anglais de 1679 mais l’inviolabilité du corps humain se heurte néanmoins à l’inviolabilité de l’Etat et cet écueil renverse la définition du droit individuel qui est finalement à la fois définis et restreint à des conditions. Pour faire coexister droit objectif et subjectif, il est nécessaire de doser le droit à la manière d’un pharmakon ; trop de poison tuant le malade et trop peu ne le guérit pas.

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