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Commentaire d'arrêt Hobbes

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Par   •  16 Mars 2018  •  Commentaire de texte  •  2 025 Mots (9 Pages)  •  724 Vues

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Anaïs Cornuel

L2 Philosophie-Droit

Commentaire de texte

Dans ce passage issu de Éléments de la loi naturelle et politique, Hobbes parle des conventions établies entre les individus en société. Il cherche à montrer par ce texte que les conventions faites sous l’emprise de la crainte ne sont pas dissoutes, et doivent être tenues, à part s’il s’agit d’une convention illicite, interdite par la loi. Cela nous amène à nous demander pourquoi est ce que le seul fait que l’on se soit engagé par crainte de la mort ne rend pas l’accord illégitime, et ne nous permet pas de ne pas accomplir notre engagement?

Pour répondre à cette question on suivra une analyse linéaire du texte, en le découpant en trois parties. Dans un premier moment du texte (lignes 1 à 9) Hobbes affirme que ce n’est pas à cause de la crainte qu’une convention peut être annulée, pour ensuite dans un deuxième moment (lignes 9-17) montrer que la peur est souvent présente dans la constitution de conventions. Finalement, l’auteur établi que seule la loi peut être à l’origine de l’exonération d’une convention.

Dans une première partie du texte (lignes 1-9), Hobbes introduit sa thèse qui sera développée tout au long du passage. En prenant l’exemple d’une promesse faite à un voleur par crainte de la mort, il expose ainsi la question suivante: est-ce qu’une convention établie sous l’emprise de la crainte par l’une des parties est-elle moins obligatoire qu’une convention qui n’eut pas été viciée par cette crainte? Hobbes répond négativement à cette question: une convention n’est pas nulle, ou moins obligatoire « parce qu’extorquée par la crainte » (ligne 6).  Il ouvre cependant une possibilité à la nullité de ce genre de conventions: «  bien que dans certains cas cette convention puisse être nulle » (ligne 5). On se demande alors à quels cas l’auteur se réfère-t-il en disant que cette convention pourrait être nulle, et qu’est ce qui pourrait faire la nullité d’une telle convention.  On peut penser aux cas où une personne, sous l’emprise de la peur, a établi une convention future et que, une fois la frayeur passée, l’obligation à laquelle il était tenu par la convention, s’est effacée de son esprit, et par cela la convention elle même disparait, devient « nulle ». Or, comment se fait-il que cette obligation s’efface de telle sorte de son esprit, et que la personne se donne le droit de ne pas l’accomplir?

C’est justement ce que cherche à préciser Hobbes: ce n’est pas parce qu’elle a été faite sous l’emprise de la crainte qu’une telle convention peut être annulée, non accomplie par son auteur: ce qui permet à celui-ci de ne pas exécuter son obligation c’est le fait que la convention soit illicite, contre la loi. Le promettant sait que la loi ne l’oblige pas à faire ce qu’il s’est engagé à faire, et il peut donc « l’effacée de son esprit » sans que la loi intervienne pour l’obliger à accomplir sa promesse.

Prenons l’exemple d’un enfant qui, en se faisant tabassé par son père lui promet de ne pas dire à la police que celui-ci a tué sa mère: il s’agit bien d’une convention établie entre père et fils mais ce qui permet au fils de ne pas la respecter n’est pas le fait que lorsqu’il a fait sa promesse il avait peur de son père: c’est parce que que la convention n’a pas été établie dans le cadre de la loi, et que du moment où la loi n’encadre pas une convention, aucune obligation (sinon morale) ne pèse sur le prometteur. En outre, certaines conventions « viciées » de telle sorte sont annulés, interdite par la loi elle même: dans l’exemple donné la loi inciterait le garçon à ne pas accomplir la promesse faite envers son père, puisque celui-ci a commis un crime, et que ce qui intéresse la loi c’est de savoir l’auteur du crime et pas que le garçon tienne la convention qu’il a établi.

La crainte n’est donc pas ce qui pourrait faire la nullité d’une convention, notamment parce que l’on peut établir une convention légalement encadrée tout en étant sous l’emprise de la crainte. C’est ce que Hobbes essaye de nous expliquer en mentionnant la « fermeté » (ligne 8 ) de la convention. Il nous dit ainsi que ce que nous faisons sous l’emprise de la  crainte n’est pas forcément moins « ferme » que ce nous faisons par convoitise. Si la convention établie entre le père et son fils dans l’exemple cité n’était pas légale aux yeux de la loi, ce qui a permis a celle-ci d’être annulée, il est possible d’établir des conventions « fermes », légalement encadrées, qui sont tenues d’être respectées, même si au moment où l’on s’est engagé on était dans la même situation morale que celle du fils face à son père: craignant quelque chose fortement. Dans ce cas, la convention ne sera pas annulée, elle existera tout aussi « fermement » qu’une autre convention qui n’a pas été faite sous une telle inquiétude. Hobbes va plus loin, en posant que non seulement ces deux types de conventions peuvent être tout aussi « fermes » (légales), mais aussi qu’elles découlent au final d’une action volontaire: même ce que j’ai décidé de faire en ayant peur découle de ma volonté, c’est la décision qui m’a semblé la meilleure au moment où je l’ai prise, comme une décision faite par quelqu’un qui n’a aucunement peur. En affirmant ceci, Hobbes réuni les conventions établies sous l’emprise de la peur de celles qui ne l’ont apparemment pas été: dans les deux cas j’ai voulu faire une chose à un moment donné. Je peux changer d’avis ultérieurement, même si au moment où j’ai établi la convention je n’avais pas forcément peur.

Dans une deuxième partie du texte (ligne 9-17) Hobbes va établir un raisonnement intéressant sur l’influence récurrente de la crainte lors de l’accord des conventions. Il prend ainsi l’exemple de la « paix entre des ennemis » (ligne 10) : en effet, une convention de paix est sans doute motivée par la crainte de la guerre et de la mort. Si on dit qu’une convention établie sous l’emprise de la peur est nulle, alors une convention de paix ne serait pas respectée: un Etat qui a envie de continuer de faire la guerre, qui a signé une convention de paix à laquelle il n’est pas obligé de tenir continuera de faire la guerre. La crainte apparait alors comme un moteur des conventions: c’est toujours par crainte que « quelque chose de pire arrive » que je contracte avec autrui, que j’établi un consensus afin qu’il ne me fasse pas de « mal », et pour qu’il ne me fasse pas de « mal » je suis tenu de ne pas lui faire de « mal » non plus: il s’agit d’une restriction mutuelle de petites libertés qui étend une liberté plus essentielle, celle de vivre. Et c’est alors par la crainte que les conventions obtiennent de la force, de la « fermeté »: en craignant quelque chose, je m’engage à faire quelque chose d’autre, qui me semble le mieux à faire, même si cela nuit à ma liberté, pour ne pas subir l’élément craintif. Si je n’avais peur de rien je n’établirai pas de convention car cela ne m’arrangerai pas de restreindre ma liberté en ayant une obligation envers autrui alors que je n’ai pas besoin de l’obligation de l’autre envers moi. Et c’est ainsi que « les loi sont toutes consenties» (ligne 12) : j’accepte de restreindre ma liberté de ne pas tuer autrui afin de ne pas pouvoir me faire tuer par autrui. J’ai peur de me faire volé, j’accepte de ne pas voler autrui pour qu’autrui ne me vole pas en retour. C’est toujours la crainte de quelque chose qui me fait adhérer à une loi. On ne tue pas un prisonnier de guerre car on a peur de quelque chose à laquelle il peut remédier si on le garde en vie. On établi une convention avec le prisonnier, qui lui a peur de la mort. Chaque partie à la convention a sa peur et toutes les conventions sont exécutées en fonction de cette crainte mutuelle des parties.

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