Zone, Apollinaire
Commentaire de texte : Zone, Apollinaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Tero Kun • 3 Janvier 2021 • Commentaire de texte • 1 766 Mots (8 Pages) • 877 Vues
Zone vers 1 à 41 Lecture linéaire
Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire, est un poète et écrivain français, critique et théoricien d'art qui serait né le 26 août 1880 à Rome. Il meurt à Paris le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole, mais est déclaré mort pour la France en raison de son engagement durant la guerre. Le poème parut d’abord en décembre 1912, dans “Les soirées de Paris” avec comme titre “Cri” (le tableau d’Edward Munch étant de 1893) et étant ponctué. Cependant, sur les épreuves du recueil, Apollinaire adopta le titre “Zone”, comme il décida de supprimer toute ponctuation. La répartition des vers se fait avec une grande liberté, le début présentant des séquences d’une certaine longueur tandis qu’ensuite elles deviennent plus brèves, de nombreux vers étant même isolés. L’analyse doit donc se faire pas au pas au long du texte. Nous allons étudier les 41 premiers vers du poème. Dans un premier temps, nous verrons en quoi cet extrait du poème Zone est innovant pour 1913, puis nous analyserons comment Apollinaire fait l'éloge du monde moderne.
Vers 1:« À la fin tu es las de ce monde ancien »le poète s’adresse à un «tu» dont bien vite on comprendra qu’il est nul autre que lui-même. Cette auto-interpellation ressemble à un brusque sursaut, à une soudaine prise de conscience, ce que souligne « À la fin… ». « Ce monde ancien » est un monde qui se prétend moderne, mais est en fait dépassé. Le premier vers ancre d’emblée le poème dans la modernité. Cependant, il est plaisant de constater que ce rejet d’un « monde ancien » est proclamé, peut-être par ironie, dans un vers ancien, un alexandrin. Vers 2: «Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin» Sans autre rapport avec le précédent qu’un écho qui n’est qu’une assonance, il montre un mètre plus long et ne manque pas d’étonner par l’image insolite de la tour Eiffel, bergère entourée du « troupeau des ponts ». On peut assez aisément comprendre que la tour Eiffel, avec sa robe évasée et ses atours de dentelles métalliques, ressemble à une bergère, une jeune bergère. Un troupeau bêlant ne parle guère à l’esprit et semble plutôt incongru, mais, en lui accordant plus d’attention, on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas d’un troupeau formé par les ponts et qui bêlerait pour on ne sait trop quelle raison (les bateaux peut-être?). Vers 3: «Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine» Ce vers fait écho au premier vers. Le «tu», du fait de la suppression de la ponctuation, pourrait être associé à la tour Eiffel. Le reproche fait au monde actuel par le poète qui le considère comme «ancien» est exagéré par la référence à «l’antiquité» s’agit-il du seul rejet des références culturelles traditionnelles. Vers 4: « Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes » On peut s’étonner de que le chantre de la modernité critique ce qui est censé en être pourtant le signe par excellence : l’automobile (avec l’avion, voir ci-dessous). Mais il est vrai que les premières automobiles perpétuaient les formes des voitures hippomobiles, avaient l’allure de carrosses. Vers 5 et 6 : « La religion seule est restée toute neuve la religion » apollinaire en ajoute encore dans le paradoxe dans ces vers qui offrent une triple surprise au lecteur. Que vient faire ici la religion ? Comment accepter cette affirmation du modernisme de la religion catholique qui serait « neuve » et « simple » (le vers 5 a créée par l’absence de ponctuation et l’enjambement avec le suivant). Comment ne pas s’étonner de sa prétendue ressemblance avec les «hangars de Port-Aviation», c’est-à-dire un aéroport moderne, sans qu’il ait songé à un lieu précis. Vers 7 et 8 : « Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme, L’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie X » le christianisme est personnifié et Apollinaire s'adresse directement à lui à la deuxième personne du singulier Dialogue fictif entre le poète "je" et le christianisme, ainsi que le Pape. Enonciation personnelle complexe et propice aux ambiguïtés. C’est une totale plaisanterie, à un parti pris d’ébahir gentiment le lecteur, puisque Pie X, pape de 1903 à 1914, fut l’auteur de l’encyclique “Pascendi” contre le modernisme. Apollinaire a sans doute du être influencé par “Le monoplan du pape” du « futuriste ». Vers 9 et 10 : « Et toi que les fenêtres observent la honte te retient, D’entrer dans une église et de t’y confesser ce matin » exploitant l’effet de surprise de l’enjambement, Apollinaire, parce qu’il vit en un temps de modernisme sceptique, avoue le désir d’un retour à une naïve religiosité. Vers 11 à 14 :« Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut, Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux, Il y a les livraisons à vingt-cinq centimes pleines d’aventures policières, Portraits des grands hommes et mille titres divers ». Dans une discontinuité délibérée, Apollinaire passe à l’éloge d’autres signes de la modernité. Désormais, la poésie n’est plus sélective, ni dans son vocabulaire, ni dans ses thèmes, elle n’est plus seulement dans les livres mais éclate au regard, a ce caractère visuel, et au-delà, au collage de «titres et de fragments de titres découpés dans les journaux» à quoi procéda André Breton dès le premier « Manifeste du surréalisme » l’allusion aux « aventures policières ». Vers 15 à 24 : « J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom, Neuve et propre du soleil elle était le clairon, Les directeurs les ouvriers et les belles sténodactylographes Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent, Le matin par trois fois la sirène y gémit, Une cloche rageuse y aboie vers midi, Les inscriptions des enseignes et des murailles, Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent, J’aime la grâce de cette rue industrielle, Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des Ternes ». Sur le ton désinvolte d’une conversation amicale, Apollinaire rapporte une simple expérience récente de promenade dans Paris pourtant déjà amorcée dès le début du poème. Mais elle est destinée encore à étonner puisque le parti-pris de trouver de la beauté à ce qu’il y a de plus criant en fait de modernisme lui fait célébrer la grâce d’une rue. Et, qui plus est, d’une rue industrielle, mais où le soleil éclatait. Avec « les inscriptions des enseignes et des murailles ou Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent », on trouve d’autres exemples de cette poésie visuelle déjà célébrée auparavant, les perroquets étant mentionnés autant pour l’effet sonore de leurs cris que pour l’effet visuel des couleurs de leur plumage. On croit déjà sentir que le poète veut se trouver heureux dans son époque, plus qu’il ne l’est réellement. Vers 25 à 30: «Voilà la jeune rue et tu n’es encore qu’un petit enfant, Ta mère ne t’habille que de bleu et de blanc, Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize, Vous n’aimez rien tant que les pompes de l’Église, Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette, Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège » on passe d’une image cinématographique de la rue à une vue de son enfance et de son adolescence. Il a du ce voué à la vierge Marie du à sa mère. René Dalizé était son ami à ses années de collège il y avait comme un mysticisme entre eux. Vers 31 à 32 : « Tandis qu’éternelle et adorable profondeur améthyste, Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ » il évoque une flamme si nocturne qu’elle semble l’obscurité faite flamme en même temps qu’elle est la lumière du Christ dans les ténèbres. «Gloire» a le sens concret « d’auréole de bois ou de métal doré» qui entoure le crucifié. Vers 33 : « C’est le beau lys que tous nous cultivons » Ici commence, marquée par l’anaphore de « C’est », une litanie qui célèbre le Christ. Il est identifié au «lys» (mot qu’il faudrait orthographier « lis », pour ne pas confondre cette fleur avec la fleur de Lys qui est un iris),
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