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Victor Hugo « Melancholia » (extrait), Les Contemplations, 1856.

Commentaire de texte : Victor Hugo « Melancholia » (extrait), Les Contemplations, 1856.. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  21 Janvier 2023  •  Commentaire de texte  •  1 753 Mots (8 Pages)  •  380 Vues

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Commentaire composé entièrement rédigé :

Victor Hugo « Melancholia » (extrait), Les Contemplations, 1856.

            De nombreux poètes, armés de leurs plumes comme de fusils, n’hésitent pas à mettre la poésie au service des problèmes sociaux ou politiques : cette poésie engagée dictée par le présent est appelée « poésie de circonstance ». Hugo, auteur du XIXème siècle, est le chef de file du mouvement romantique. Il s’aventure dans tous les genres littéraires et notamment la poésie avec Les Contemplations en 1856. Ce recueil poétique a été composé après la mort de sa fille Léopoldine, morte noyée. Cette œuvre est alors considérée par l’auteur dans sa préface comme « les mémoires d’une âme ». Dans cette œuvre, Hugo s’interroge plus largement sur l’homme et sur sa condition. « Melancholia », écrit en alexandrins, illustre une de ses préoccupations : le travail des enfants. Ce poème, extrait du Livre III « Les Luttes et les Rêves », offre une peinture réaliste de l’usine misérable dans laquelle travaillent les jeunes enfants. C’est l’occasion pour Hugo de s’insurger contre les responsables de cette misère, de dresser un réquisitoire contre l’exploitation des enfants. En quoi ce réquisitoire est-il particulièrement efficace ? Nous étudierons tout d’abord l’évocation du travail des enfants par l’intermédiaire d’une peinture réaliste des conditions de vie de ces jeunes travailleurs. Nous montrerons ensuite que ce poème, à forte tonalité pathétique, est à visée argumentative car il souligne l’indignation de Victor Hugo face à l’exploitation de ces enfants. 

Dans le poème, Victor Hugo met en présence deux champs lexicaux apparemment opposés pour souligner l’incompatibilité des deux thèmes présents : le travail et l’enfance. Cette peinture de l’usine où travaillent les enfants est si réaliste qu’elle suscite l’émotion du lecteur.

       En premier lieu, cette scène est décrite avec beaucoup de réalisme. Le passage fourmille de précisons et de détails réalistes comme la durée interminable des tâches supportées par ces enfants. En effet, plusieurs fois dans le poème les marqueurs temporels témoignent de la longueur de la journée : au vers 4 : « quinze heures » et au vers 5 « de l’aube au soir » ainsi que l’adverbe hyperbolique « éternellement » au vers 5. La répétition de « jamais » au vers 11 suggère dans un parallélisme de construction que les enfants ne voient pas la lumière de toute la journée. Le travail est donc difficile, pénible et monotone. La valeur du présent dans ce poème avec notamment au vers 11 « jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue », est celle du présent habituel afin de surenchérir sur l’idée d’aspect interminable de ce travail qui n’a pas de fin.

       Par ailleurs, le poète insiste avec réalisme sur les conditions de travail des enfants. Constamment, il montre des enfants dominés, tels des esclaves, par l’emploi à plusieurs reprises de l’adverbe « sous » : « sous des meules » au vers 4 et « sous les dents » au vers 7. Les enfants sont de véritables outils à production, ils sont des machines. Pour Victor Hugo, le monde de l’usine est comparable à l’enfer. Il emploie à divers moments des métaphores pour insister sur la personnification des machines : « sous les dents d’une machine sombre » (v.7) et « monstre hideux qui mâche » (v.8). La rime « sombre/ombre » aux vers 7 et 8 évoque l’obscurité angoissante. Cette rime est doublée par la gradation ascendante « prison/bagne/enfer » (vers 6 et 9) qui plonge le lecteur dans cet univers infernal subi par ces enfants « innocents » (v.9). Pour intensifier cette vision lugubre, Hugo emploie la modalité exclamative (vers 12, 14, 16, 17, 21, 22 et 25) doublée de l’interjection « hélas » (v.14). Cette modalité souligne l’aspect pathétique du texte qui invite le lecteur à s’imaginer la souffrance endurée par ces enfants.

       Enfin, Hugo décrit de façon réaliste aussi bien leur souffrance physique que morale. Par le recours au champ lexical de la maladie et de ses symptômes, le poète montre l’état déplorable dans lequel se trouvent ces enfants : « la fièvre maigrit » (v. 2), « rachitisme » (v.18), « souffle étouffant » (v.18), « las » (v.13). Ces différents éléments soulignent l’univers malpropre dans lequel les enfants travaillent et peuvent attraper des maladies. La couleur blanche évoquée dans le terme « pâleur » au vers 12 souligne leur aspect maladif. En plus de cet état physique déplorable, Hugo met en évidence la tristesse de leur vie, leur souffrance mentale. Ces enfants dont les termes habituels tels que « innocents » et « anges » sont ici employés en contraste par la figure de l’antithèse aux vers 9 « bagne » et « enfer » afin de frapper l’esprit du lecteur et accentuer la vision du malheur. Ainsi, il n’est pas étonnant de relever dans ce contexte le verbe « jouer » au vers 11 ainsi que le verbe « rire » au vers 1 dont la connotation est négative.

       Victor Hugo dessine donc une description réaliste de la misère de ces enfants ainsi que leurs conditions de vie. Ce tableau réaliste rend la scène particulièrement pathétique. « Melancholia » est par conséquent un poème engagé qui dénonce cette exploitation des enfants.

Le poète veut faire entendre son indignation en dénonçant l’injustice sociale de l’époque : il s’oppose au travail des enfants et son réquisitoire est très virulent.

       D’une part, l’indignation du poète se fait entendre par la ponctuation expressive. La modalité interrogative ouvre le poème sur les trois premiers vers : « Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? / Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ? / Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ? ». Ces interrogations oratoires interpellent le lecteur et l’invitent à la réflexion. Le rythme aussi est un procédé utilisé pour attirer l’attention du lecteur. Du vers 4 au vers 11, le rythme des phrases est assez long, doublant ainsi l’idée de durée interminable du travail des enfants. Mais à partir du vers 12, la rythmique s’emballe avec plus de phrases courtes pour suggérer la souffrance des enfants. La modalité exclamative intensifie ce rythme et affirme le point de vue de Victor Hugo par deux interjections : « hélas » au vers 14 et « quelle pâleur » au vers 12. Ainsi, par des propos rythmés, accentués mis en scène, l’auteur fait preuve d’une certaine éloquence pour marquer son auditoire. La modalité exclamative est utilisée également aux vers 15 et 16 lorsque le poète donne la parole aux enfants : « Petits comme nous sommes,/Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! » : le recours au discours direct fait entendre la voix des enfants ce qui renforce la tonalité pathétique ; l’enjambement fait comprendre que les reproches à l’égard des « hommes » adressés par les enfants semblent ne jamais prendre fin. Mais cette parole rapportée est imaginée par le poète comme le souligne l’emploi du verbe « sembler » : Victor Hugo se fait donc le porte-parole de ces enfants qui ne protestent pas contre le sort que la société capitaliste leur réserve. Avec l’emploi du « Ô » lyrique au vers 17 (« Ô servitude infâme »), le poète met la tonalité lyrique au service de la dénonciation : il fait entendre sa rage, sa douleur.

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