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Préface "La vie devant soi" Romain Gary

Commentaire de texte : Préface "La vie devant soi" Romain Gary. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  29 Septembre 2019  •  Commentaire de texte  •  2 309 Mots (10 Pages)  •  1 358 Vues

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                         PREFACE LA VIE DEVANT SOI

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Ami lecteur, vous voilà à présent avec ce livre en main ; le titre vous est peut-être connu, ou bien alors vous n’en avez jamais entendu parler. Une chose est sûre, vous vous apprêtez à faire un voyage tout nouveau qui vous marquera peut-être toute votre vie. Alors, prêtez attention, et prenez le temps d’apprécier un chef d’œuvre qui, après plus de quarante ans d’existence, est toujours d’actualité. C'est méconnaître La Vie devant soi, roman au titre trompeur paru en 1975, que d'y voir une peinture de l'enfance déchirée, là où se joue l'universelle tragédie de la mort. Romain Gary, écrivain et mystificateur de génie aux multiples noms et visages nous fait part de ses angoisses, sa solitude, son refus du vieillissement et de la dégradation à travers le regard d’un autre. Un enfant. Le tour de force de ce roman, c'est d'évoquer un sujet résolument grave sur le ton de la légèreté. La grande faucheuse est omniprésente, on la sent se rapprocher inexorablement jusqu'à vous submerger de sa noirceur et pourtant, par le biais de Momo, le narrateur, qui raconte son histoire avec tant de naïveté et à la fois tant de lucidité sur la vie, que vous ne pourrez que sourire à pleines dents durant tout le long du roman. De plus, cet œuvre s’appuie également sur l'émotion que Romain Gary essaie -et y parvient brillamment- de transmettre. Cette émotion repose sur les portraits de deux personnages et de l'amour presque inconditionnel qu'ils se vouent, un amour d'autant plus émouvant qu'il rapproche deux mondes éloignés: un jeune arabe de 14 ans et une vieille juive de plus de 70 ans, habitant tous les deux au sixième étage d’un appartement à Belleville.  La Vie devant soi apparaît avec éclat comme le chef-d’œuvre d'un écrivain effervescent, maître de ses dons, ou comme dit Gary, maître de sa Puissance. Le jury Goncourt ne s'y est pas trompé, d'ailleurs et attribua son Prix à Emile Ajar, alias Romain Gary en 1975. Un prix qui lui avait déjà été attribué en 1956 pour « Les racines du ciel »… Dans cette magnifique leçon de vie qu’est La vie devant soi, vous apprendrez à connaître Momo, ainsi que tous les personnages débordant de réalisme accompagnant sa vie quotidienne, qui parviennent à transmettre un message de tolérance et d’amour.

En premier lieu, il est important de dire que dans La vie devant soi , on assiste à la vie de Momo, sans aucun artifice, c’est-à-dire que l’auteur vous « balance » une réalité, pure et dure, droit au visage. Mais cependant, Gary arrive habilement à nous faire supporter la triste de vie de Momo, en nous mettant simplement dans la peau du petit garçon, qui prend la vie comme elle vient. Celui-ci raconte avec une grande désinvolture son histoire, sans peine ni tristesse, bien qu'il vive dans un milieu de pauvreté et de délinquance. Sa vie pour lui est une vie normale, c'est la vie. Malgré que sa mère l’ait abandonné, qu’il ne connaisse ni vraiment son âge exact et sa nationalité et qu’il vive dans un foyer, Momo débordant d’imagination, arrive à s’échapper de son quotidien. Par exemple, avec Arthur, un parapluie dont il a fait son ami. Cependant, malgré son imagination débordante, Momo reste lucide et montre une extrême sagesse en se méfiant de la vie, avec des mots tels que : « Moi, l'héroïne, je crache dessus. Les mômes qui se piquent deviennent tous habitués au bonheur et ça ne pardonne pas, vu que le bonheur est connu pour ses états de manque. Pour se piquer, il faut vraiment chercher à être heureux et il n'y a que les rois des cons qui ont des idées pareilles. » Momo arrive même à trouver des avantages à sa situation : « les enfants de putes, c’est plutôt mieux qu’autre chose parce qu’on peut se choisir un père qu’on veut ». Au fil des pages, vous entreverrez les difficultés de la vie, vue par les yeux de Momo, qui ne porte ni jugement sur les gens, ni mépris. Il constate juste, il voit la vérité, sans salissure, sans dédain, car il est dans cette vie.  Sa narration sans arrière pensée et particulièrement comique est essentielle au message que veut donner le roman. Elle permet de se mettre à la place de l’enfant et de partager ses questionnements sur la vie, la mort, ses peines et toutes les choses paraissant insignifiantes mais qui en réalité ne le sont pas. Momo dit de son récit, ce sont « mes Misérables. » Gary établit des parallèles entre la somme historique d'injustices de Victor Hugo et celles de son Paris des années soixante-dix. Et, s'il y a chez l'un et chez l'autre des histoires d'amour, celle qui lie le jeune immigrant arabe à sa mère adoptive juive, vieille et mourante, n’ est-elle pas la palpitation même des Misérables de Gary ? Mais, il existe une grande différence : c'est la langue qui régit le récit de Gary. 

L’essentiel du dispositif du texte, ce qui « accroche » le lecteur en même temps qu’il vous permettra de placer le personnage dans son enfance, c’est la voix du narrateur. Elle s’impose par une syntaxe parfois lourde qui peut mener à des incohérences, des absurdités, particulièrement comiques; mais en même temps, il est nécessaire de ne pas s’en tenir là: en effet, ce point de vue naïf sur le monde permet d’exprimer bien des choses. La pilule contraceptive par exemple, devient dans sa bouche « pilule pour la protection de l’enfance ». Protéger l’enfance, ce serait donc ne pas la faire naître, dans cette vie que Momo assimile au malheur. Ces incohérences permettent donc en réalité de véhiculer les pensées du narrateur ! La langue de Momo vous ravira par sa fraîcheur, tout en vous brisant le cœur par la véracité des messages qu'elle véhicule. Romain Gary a appliqué avec une grande précision ce que les écrivains savaient depuis longtemps : plus on est spécifique et plus on est universel. Ici, un gamin innocent est projeté et ballotté dans un monde d'adultes bien avant l'heure. S'il maitrise de façon plus qu'aléatoire la définition de la majorité des mots de son vocabulaire, il saisit cependant parfaitement le sens de la vie qui s'écoule et s'achève parfois tragiquement. Ce roman écrit par un sexagénaire que la mort effrayait au plus haut point (et qu'il devancera pourtant avec son suicide en 1980) est tour à tour lyrique, naïf, sombre et violent mais baigne, paradoxalement, dans une perpétuelle bonne humeur contagieuse. Cette « chiennerie de la vie » n'est jamais vécue de façon désespérée ou haineuse. Il faut seulement faire avec, quand on peut. L'humour involontaire et l'infinie tendresse de Momo à l'égard des hommes vous feront échapper à la noirceur, et sa  causticité décalée vous emportera jusqu’à la dernière page ! Le petit garçon, qui répète beaucoup les propos des adultes sans toujours les comprendre pleinement, s'emmêle souvent dans la formulation ou bien fait des amalgames malheureux : "Dans la salle d'attente du docteur Katz, il y avait de tout, des Juifs, bien sûr, comme partout, des Nord-Africains pour ne pas dire des Arabes, des Noirs et toutes sortes de maladies". Il en résulte un style savoureux, à la fois drôle et attendrissant, qui rend le récit vivant et en même temps émouvant. Vous ne pourrez qu’être touché par ce qu'il raconte car c’est au fond dur, très dur, mais il arrive à rendre ses propos beaux parfois, sans gravité, ou bien même comique d'autres fois. Sans doute car il est élevé par une femme qui a un grand amour pour lui et qui le protège en lui donnant un autre regard sur cette vie.

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