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Juste la fin du monde est-elle une tragédie ?

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Par   •  13 Septembre 2022  •  Dissertation  •  1 799 Mots (8 Pages)  •  1 750 Vues

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Juste la fin du monde est-elle une tragédie ?

Juste la fin du monde est une pièce de théâtre qui fut écrite en 1990 dans le cadre d’une bourse Léonard de Vinci alors que son auteur se sait atteint du Sida. La maladie incurable qui ronge le dramaturge n’est pas sans influencer l’intrigue de la pièce puisqu’elle porte sur le retour amer chez ses parents d’un écrivain qui se sait condamné. Après des années d’absence, Louis décide de revenir voir ses proches, et ce qui devait offrir l’occasion à cette famille nucléaire de se retrouver et de se parler, enfin, va se transformer en une véritable crise familiale et personnelle. Par son sujet, par son contexte, par son écriture, cette pièce du théâtre contemporain ne semble pas laisser de place à l’univers théâtral de la comédie.

Nous nous demanderons ainsi si l’on peut admettre que Juste la fin du monde est une tragédie, c’est-à-dire si cette pièce présente les caractéristiques et enjeux qui font l’essence de ce genre littéraire.

Nous admettrons de prime abord que l’oeuvre de Lagarce contient de nombreuses caractéristiques qui peuvent l’assimiler aux pièces tragiques. Nous soulignerons ensuite que cette pièce contemporaine ne peut contenir tous les aspects propres à ce genre défini et caractérisé par Aristote dans la Poétique et qu’elle se rapproche même de d’autres genres littéraires. Notre devoir consistera in fine à prouver que cette pièce de Lagarce n’en demeure pas moins une nouvelle forme de tragédie, celle du conflit tragique familial et de l’incommunicabilité.

À première vue, rien ne semble dissocier Juste la fin du monde du genre tragique.

Lorsque l’on évoque le mot « tragédie », notre pensée se dirige rapidement vers la notion de mort. Notre acception du terme nous amène à songer à la perte de la vie, à un événement brutal et malheureux qui nous toucherait ou adviendrait à un être cher. Cette sombre information se retrouve dans la littérature où la tragédie désigne une pièce de théâtre au dénouement tout aussi malheureux avec notamment la mort volontaire ou subie du protagoniste, voire de certains membres de son entourage. Les pièces tragiques suivent les derniers instants du personnage principal qui ne survivra pas au dénouement. Cette caractéristique trouve son crédit dans la pièce de Jean-Luc Lagarce où le personnage principal, Louis, annonce dès le prologue son destin fatal. Dans un monologue vibrant, Louis annonce sa « mort prochaine et irrémédiable » et son souhait de revenir voir sa mère, sa petite sœur Suzanne et son petit frère Antoine pour leur annoncer cette triste nouvelle après des mois d’absence. Si le lecteur n’assiste pas directement au décès du personnage dans la pièce, l’épilogue présente un personnage songeur dans un espace-temps clos et indéfini, certainement déjà post-mortem.

Dans une tragédie, le personnage principal a beau lutter de toutes ses forces et de toute son âme, il ne parviendra pas à changer son destin, inéluctable. Cette notion de fatalité que les latins appelaient Fatum est définie par Aristote dans la Poétique pour caractériser la tragédie antique. Quoi qu’il fasse, quels que soient ses efforts, Louis ne pourra lutter contre son destin ni réussir à faire changer les choses. Si ce grand frère tente de modifier le cours de son existence en revenant auprès des siens et en renouant le contact avec ses proches, il n’arrivera pas à annoncer la douloureuse nouvelle de sa maladie, comme un secret bien gardé et ses interlocuteurs ne semblent pas non plus à l’écoute. La composition de la pièce de Lagarce présente de nombreuses successions de face-à-face entre Louis et sa mère, sa soeur et son petit frère sans jamais donner l’occasion de véritables discussions. C’est notamment le cas de la scène 4 où la Mère ressasse le passé inutilement en racontant à Catherine - la femme d’Antoine - les « promenades du dimanche ».

Ainsi cette pièce présente-t-elle de nombreuses caractéristiques qui l’apparentent au genre de la tragédie. Mais cela suffit-il pour adhérer pleinement à cette thèse ?

De nombreuses caractéristiques font que la pièce de théâtre de Lagarce n’est pas totalement une tragédie.

Si le sujet est grave, de nombreux passages sont plus plaisants et peuvent faire sourire voire rire le lecteur ou le spectateur de cette pièce. Ces moments de l’oeuvre où la tension est moins palpable et où l’on sent une certaine forme de légèreté dans la pièce nous font penser à une comédie. Comme des parenthèses, ces moments de la pièce contiennent des phrases au registre de langue bien plus familier, bien éloigné de la noblesse des mots de la tragédie. La scène 7 de la première partie de la pièce en est un exemple parfait dans la mesure où elle présente un échange comique entre Suzanne et Louis. La petite soeur se plaint d’habitudes passées où Antoine lui rétorquait souvent « ta gueule Suzanne » lorsqu’elle faisait part de son point de vue à ses frères. À son tour, Louis intervient pour répondre à sa soeur « Ta gueule Suzanne » tel un leitmotiv fraternel. Cette phrase familière qui apparaît à plusieurs moments de la pièce souligne les disputes sempiternelles entre Suzanne et ses frères lorsqu’ils étaient enfants. Cette grossièreté est également répétée, comme un écho, dans la scène 8 de l’intermède mais cette fois-ci c’est Antoine qui la prononce. Cette phrase crée ainsi un

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