Explication linéaire "Les petites vieilles", Baudelaire

FICHE DE FRANÇAIS

Comment ce poème fait-il l’éloge de la laideur ?

Dans les plis sinueux des vieilles capitales,

Où tout, même l'horreur, tourne aux enchantements,

Je guette, obéissant à mes humeurs fatales

Des êtres singuliers, décrépits et charmants.

Ces monstres disloqués furent jadis des femmes,

Éponine ou Laïs ! Monstres brisés, bossus

Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des âmes.

Sous des jupons troués et sous de froids tissus

Ils rampent, flagellés par les bises iniques,

Frémissant au fracas roulant des omnibus,

Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques,

Un petit sac brodé de fleurs ou de rébus ;

Ils trottent, tout pareils à des marionnettes ;

Se traînent, comme font les animaux blessés,

Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes

Où se pend un Démon sans pitié ! Tout cassés

Qu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille,

Luisants comme ces trous où l'eau dort dans la nuit ;

Ils ont les yeux divins de la petite fille

Qui s'étonne et qui rit à tout ce qui reluit.

FICHE DE FRANÇAIS

INTRO

Biographie de Baudelaire (1821-1867) :

• Enfance difficile (décès père), sentiment d’abandon
• Dettes › débauche
• Jeanne Duval
• 1857 : publication des Fleurs du Mal › censure, condamnation
• 1867 : mort des suites d’une maladie
• Crises politiques › entraînent le malheur des artistes = « le mal du siècle », comme l’a défini Alfred de Musset

Les Fleurs du Mal : recueil de poèmes, thèmes récurrents : voyage, nature, mort, l’amour, le spleen, le diable

Titre « Les petites vieilles » : adjectif substantif précédé d’un article défini

Il désigne les vieilles personnes d’une manière générale et générique mais « petites » rajoute une connotation affective

Dans la partie des Tableaux parisiens › les petites vieilles sont un tableau récurrent pour les habitants de Paris.

Comment ce poème fait-il l’éloge de la laideur ?

Annonce du plan :

• Installation du cadre
• Mise en scène pathétique des petites vieilles
• Le renouvellement du regard

I] INSTALLATION DU CADRE

V.1 « Dans les plis sinueux des vieilles capitales » :

• Introduction du cadre spatial, univers urbain familier à l’auteur
• Univers dense › métaphore « plis sinueux »
• Chiasme « petites vieilles » « vieilles capitales »

V.2 « Où tout, même l’horreur, tourne aux enchantements » :

• Antithèse horreur / enchantement souligné par la construction emphatique, mise en relief par les virgules
• Esthétique baudelairienne de la laideur : ville = lieu d’alchimie, de transfiguration poétique › hyperbole « tout »

V.3 « Je guette… » :

• Emploi 1ere personne : « je » poétique
• B en position d’observateur dans la ville
• Présent à valeur d’habitude › activité récurrente

       « …obéissant à mes humeurs fatales » :

• Le « je » poétique dominé par une puissance supérieure
• « Humeur » qui évoque le spleen
• « Fatales » › registre tragique
• Image du poète maudit

V.4 « Des êtres singuliers, décrépits et charmants. » :

• Apparition des persos + effet de mise en attente par l’épithète détachée précédant
• Personnages X nommés mais › périphrase = maintient le suspense
• Mystère aussi entretenu par terme générique « être », terme neutre
• Énumération 3 adj même si les 2 derniers sont antithétiques « décrépits » ≠ « charmants » › brise ainsi la gradation + figures ainsi paradoxales qui permettent l’union des contraires
• « charmants » = champ lexical de la magie › écho à « enchantements »

V.5 « Ces monstres disloqués » / « Monstres brisés, bossus » / « Ou tordus » :

• Encore une périphrase + déterminant démonstratif donnant à voir les personnages
• Termes péjoratifs qui relève ≈ du registre fantastique
• Champ lexical de la déchéance physique + accumulation
• Déshumanisation des persos

V.5 et V.6 « disloqués » / « jadis » / « Éponine et Laïs » / « brisés » :

• Assonances-en [i] › sons stridents › cris de souffrances

V.6 « Éponine ou Laïs ! » :

• 2 noms propres, associent héroïne gauloise + courtisane grecque : alliance vertu & vice
• Esthétique baudelairienne
• Antithèse qui ouvre un jeu sur les oppositions
• « jadis » ≠ « encore » + « monstres » ≠ « femmes » = effet dévastateur de la vieillesse : avant, femmes, maintenant, monstres

V.7 « aimons-les ! ce sont encor des âmes. »

• Impératif présent, 1ère personne plur. › englobe lecteur et poète › interpellation du lecteur
• Appel à l’amour
• Rappel paradoxal de l’humanités des vieilles + métaphore des vieilles, après une dégradation de leur apparence physique, souligne leur dimension spirituelle

V.8 « Sous des jupons troués et sous de froids tissus » :

• Description de leurs vêtements
• GN plur. + article indéfinis › vieilles + groupe indifférencié
• Évocation de leur féminité (av/ champ lexical vêtements) cô déchue « troués », « froids »
• Chiasme › mise en relief des adj › insistent pauvreté
• Hypallage › effet paradoxal associant les vêtements à l’âme
• Ici, vieilles = victimes fragiles

II] MISE EN SCÈNE PATHÉTIQUE DES PETITES VIEILLES

V.9 « flagellés par les bises iniques » :

• Participe passé passif + complément d’agent › vieilles victimes des conditions extérieurs aussi

V.10 « Frémissant au fracas roulant des omnibus » :

• Allitération en [r] › agression sonore subie
• « omnibus » = symbole de la modernité de la ville
• « flagellant », « frémissant » = registre pathétique › statut de leur victime

V.9 et V.13 « Ils rampent » / « Ils trottent » :

• Vieilles désignées par un pronom personnel masculin › écho à « monstres » et à tous les adj qui les caractérisent
• Elles n’accèdent donc plus au féminin, déchues de leur féminité et de leur humanité

V.11 et V.12 « Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques » / « Un petit sac brodé de fleurs ou de rébus » :

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