Dissertation sur "Les petites vieilles" Charles Baudelaire
Commentaire de texte : Dissertation sur "Les petites vieilles" Charles Baudelaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Timchab • 13 Novembre 2021 • Commentaire de texte • 1 972 Mots (8 Pages) • 908 Vues
Alors que Ronsard prévient Hélène qu’aucune vieille femme n’est la Muse des poètes, Baudelaire, lui,
dédie un poème à des créatures qu’il trouve mystérieuses. Il prouve à nouveau la modernité de son esthétisme,
et sa rupture avec les codes classique de la poésie : les thèmes qu’il aborde est à l’opposé de la tradition. Ainsi,
tout en respectant les règles poétiques formelles, Baudelaire choisit-il de renverser les codes et, littéralement,
de créer du neuf avec du vieux. Dans l’esthétique de la laideur, on peut dire que Baudelaire est un précurseur.
Aussi, en ce qui concerne la description de la vieillesse, il se distingue nettement de Ronsard qui ne perçoit
aucune beauté dans les traits d’une vieille femme. Baudelaire offre, dans son poème « Les Vieilles », un portrait
assez pitoyable de la vieillesse, mêlé pourtant à un sentiment de tendresse envers celle-ci.
Comment Baudelaire fait-il du corps considéré comme laid, – le corps des vieilles femmes – un objet de
beauté ?
Les petites femmes sont certes monstrueuses, mais le poète éprouve pour elle une forme de tendresse et
deviennent, par le regard poétique, une incarnation de Paris.
I. Des petites vieilles monstrueuses
A. Description de femmes sans concession…
Les personnages mis en scène dans le poème de Baudelaire sont des « petites vieilles », comme si elles
n’avaient jamais été caractérisées que par leur âge avancé. De fait, elles furent « jadis des femmes »
v.5, ce qui laisse à penser qu’elles ne disposent plus, effectivement, de leur humanité. Elles se sont
transformées en créatures laides que personne ne saurait précisément identifier, et caractérisées par
leurs déformations. Elles sont ainsi devenues des vestiges d’un autre temps, des « reliques » v.11. A
tel point qu’elles sont terriblement affaiblies, puisque plus aucune force vitale ne les régit. Les petites
vieilles de Baudelaire deviennent presque irréelles, de simples silhouettes ou « fantômes débiles » v.25.
B. … qui se métamorphoses en monstres…
Baudelaire n’est pas dupe dans son poème : le corps des vieilles femmes n’est pas harmonieux, elles
ont une apparence monstrueuse : ce sont des « monstres disloqués » v5, « brisés, bossus ou tordus »
v.6, « tout cassés » v.16 et même « discords » v.30. Le poète ne rechigne pas à admettre leur laideur :
au contraire, il la met en avant. Il peint ainsi des créatures pathétiques et souffrantes. Elles sont proches
de la terre, « rampent » v.9, « se traînent » v.13, et sont donc plus proches de la boue que des cieux.
C. … par le regard ambigu du poète.
Au premier abord, le rapport qu’entretient le poète avec les « petites vieilles » est ambigu : il les
compare à des monstres mais invite dans le même temps trouver la force de nourrir des sentiments pour
elle dans un impératif pathétique et lyrique « aimez-les ! » exclamatif. On peut alors se dire qu’il voit
des aspects d’elles que les autres ne voient pas : elles sont humaines, elles furent jeunes et belles un
jour. Il distingue leur humanité au-delà de leur physique défraîchi.
Si le regard poétique de Baudelaire sait trouver les recoins les plus abjects pour une description
horrifique, il n’en est pas moins capable d’émotion.
II. De la tendresse pour les petites vieilles
A. Description froide de créatures indéterminées …
Le ton du poème paraît très détaché au premier abord. Baudelaire fait comme une description des
« petites vieilles » à la manière d’un scientifique : il les regarde, les observe, les décrit avec des termes
crus, terre-à-terre. Il les « guette » v.3, ces créatures qui « rampent » v.9, « trottent » v.13, « se
traînent », v.14. Il étudie leur comportement et se décrit lui-même comme une sorte de scientifique,
« méditant sur la géométrie » v.29. Le ton de ces vers sont encore plus froids et cyniques lorsque l’on
voit qu’il portait une réflexion sur la mort prochaine des petites vieilles : il établit un parallèle entre
lui-même et un géomètre afin d’illustrer la façon dont il considère la forme et la taille du cercueil qui
sera offert aux petites vieilles. De fait, le poète s’interroge à propos de ces êtres pendant qu’il les
observe. Elles lui semblent ainsi ambivalentes, pleines de contradictions. De nombreuses antithèses les
illustrent. Au vers 6 de son œuvre, Baudelaire les compare à « Eponine ou Laïs » : Eponine est une
femme qui représente la vertu, et Laïs représente le vice ; elles symbolisent à la fois le bien et le mal
dans son poème. Cela traduit le caractère ambivalent de la femme, ce que Baudelaire illustre souvent
dans ses poèmes à l’instar des petites veilles. Il oppose également l’intériorité à l’extériorité de ces
petites vieilles. A l’intérieur d’un corps disloqué, difforme, monstrueux, se trouve en fait une « âme »
v.7 que l’on peut distinguer à travers des « yeux divins de la petite fille » v.19, des « yeux mystérieux »
v.35.
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