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Commentaire composé - Aux Champs - Maupassant

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Par   •  29 Août 2021  •  Commentaire de texte  •  2 155 Mots (9 Pages)  •  1 886 Vues

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Incipit de la nouvelle Aux champs, 1882, Guy de Maupassant

Les deux chaumières étaient côte à côte, au pied d'une colline, proches d'une petite ville de bains. Les deux paysans besognaient dur sur la terre inféconde pour élever tous leurs petits. Chaque ménage en avait quatre. Devant les deux portes voisines, toute la marmaille grouillait du matin au soir. Les deux aînés avaient six ans et les deux cadets quinze mois environ ; les mariages et, ensuite les naissances, s'étaient produites à peu près simultanément dans l'une et l'autre maison. Les deux mères distinguaient à peine leurs produits dans le tas ; et les deux pères confondaient tout à fait. Les huit noms dansaient dans leur tête, se mêlaient sans cesse ; et, quand il fallait en appeler un, les hommes souvent en criaient trois avant d'arriver au véritable.

 La première des deux demeures, en venant de la station d'eaux de Rolleport, était occupée par les Tuvache, qui avaient trois filles et un garçon ; l'autre masure abritait les Vallin, qui avaient une fille et trois garçons. Tout cela vivait péniblement de soupe, de pomme de terre et de grand air. A sept heures, le matin, puis à midi, puis à six heures, le soir, les ménagères réunissaient leurs mioches pour donner la pâtée, comme des gardeurs d'oies assemblent leurs bêtes. Les enfants étaient assis, par rang d'âge, devant la table en bois, vernie par cinquante ans d'usage. Le dernier moutard avait à peine la bouche au niveau de la planche. On posait devant eux l'assiette creuse pleine de pain molli dans l'eau où avaient cuit les pommes de terre, un demi-chou et trois oignons ; et toute la lignée mangeait jusqu'à plus faim. La mère empâtait elle-même le petit. Un peu de viande au pot-au-feu, le dimanche, était une fête pour tous, et le père, ce jour-là, s'attardait au repas en répétant : "Je m'y ferais bien tous les jours"

Par un après-midi du mois d'août, une légère voiture s'arrêta brusquement devant les deux chaumières, et une jeune femme, qui conduisait elle-même, dit au monsieur assis à côté d'elle : - Oh ! regarde, Henri, ce tas d'enfants ! Sont-ils jolis, comme ça, à grouiller dans la poussière. L'homme ne répondit rien, accoutumé à ces admirations qui étaient une douleur et presque un reproche pour lui. La jeune femme reprit : - Il faut que je les embrasse ! Oh ! comme je voudrais en avoir un, celui-là, le tout petit. Et, sautant de la voiture, elle courut aux enfants, prit un des deux derniers, celui des Tuvache, et, l'enlevant dans ses bras, elle le baisa passionnément sur ses joues sales, sur ses cheveux blonds frisés et pommadés de terre, sur ses menottes qu'il agitait pour se débarrasser des caresses ennuyeuses. Puis elle remonta dans sa voiture et partit au grand trot. Mais elle revint la semaine suivante, s'assit elle-même par terre, prit le moutard dans ses bras, le bourra de gâteaux, donna des bonbons à tous les autres ; et joua avec eux comme une gamine, tandis que son mari attendait patiemment dans sa frêle voiture.

 Elle revint encore, fit connaissance avec les parents, reparut tous les jours, les poches pleines de friandises et de sous. Elle s'appelait Mme Henri d'Hubières. Un matin, en arrivant, son mari descendit avec elle ; et, sans s'arrêter aux mioches, qui la connaissaient bien maintenant, elle pénétra dans la demeure des paysans. Ils étaient là, en train de fendre du bois pour la soupe ; ils se redressèrent tout surpris, donnèrent des chaises et attendirent. Alors la jeune femme, d'une voix entrecoupée, tremblante commença : - Mes braves gens, je viens vous trouver parce que je voudrais bien... je voudrais bien emmener avec moi votre...votre petit garçon...Les campagnards, stupéfaits et sans idée, ne répondirent pas.

COMMENTAIRE COMPOSE

Guy de Maupassant, auteur du XIXe siècle, est un écrivain du mouvement littéraire réaliste ; c'est-à-dire qu'il décrit la société telle qu'elle est, sans cacher ses défauts. Formé par l'écrivain réaliste Flaubert à ses débuts, il participera plus tard aux célèbres soirées littéraires de Médan, chez le naturaliste Emile Zola. D’origine normande, il a donc commencé à bien gagner sa vie en se rendant à Paris.

D'abord friand de soirées mondaines, Maupassant connaît un certain succès avec sa nouvelle Boule de suif, puis se lasse des soirées bourgeoises et écrira des romans critiques sur les bourgeois, comme Bel-Ami. Il devient surtout célèbre par ses nouvelles, comme La Parure, notamment.

Le texte que nous allons étudier ici est un extrait de la nouvelle Aux champs. Il s'agit du récit de familles paysannes et d'un couple bourgeois venu chercher un enfant. Cette narration fait nous rendre compte de toute une époque. Nous voyons développé dans ce passage un thème cher à Maupassant : les différences entre classes sociales.

En quoi la description de ce récit réaliste met-elle en relief deux mondes séparés ?

Nous répondrons à cette question en étudiant dans un premier temps la présentation de la scène, puis nous aborderons le fossé entre la paysannerie et la bourgeoisie.

I. DESCRIPTION D'UN RECIT REALISTE :

A. Des éléments qui existent vraiment :

Tout d'abord, nous nous trouvons dans la campagne normande du XIXe s., donc la région originaire de l'auteur, qui connaissait les us et coutumes de cette contrée. Le nom géographique de la commune existe : "en venant de la station d'eaux de Rolleport" (ligne 13) ainsi que les détails et la caractéristique du coin : "colline, "une ville de bains" (l.2). D'autres éléments peuvent nous faire plonger facilement dans cet univers réaliste : le langage paysan (patois) : "Je m'y ferais bien tous les jours" (l. ), et le langage bourgeois de la dame : "Mes braves gens, je viens vous trouver parce que je voudrais bien... je voudrais bien emmener avec moi votre... votre petit garçon..." (l. ).

Le réalisme est aussi bien présent avec le déroulement de la vie quotidienne bien réglée, ce qui est représenté dans le récit par le rythme régulier des activités, par des indices temporels répétitifs et peu précis « à sept heures le matin, puis à midi, puis à six heures le soir » dénotant des rituels anciens, de même que « le dimanche » est présenté comme un jour « qui sort de l’ ordinaire » et pouvant rompre une forme de routine. Nulle date n’ est

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