Ce qui est là, Incendies (Wajdi Mouawad)

Commentaire du chapitre 5 : « Ce qui est là »

Incendies est une pièce de théâtre écrite en 2003 par Wajdi Mouawad, écrivain

contemporain, libano-franco-canadien. Dans ce cinquième chapitre, Nawal annonce à Wahab qu’elle est enceinte. On va se demander en quoi cette scène est tragique mais également à l’origine de l’intrigue ?

Nous étudierons tout d’abord les particularités de ce passage puis ce qui le rend tragique, émouvant et heureux .

Ce passage est original :

Au prime abord, on peut être décontenancé par la structure et le texte en lui même. En effet, c’est du théâtre contemporain or nous sommes habitués aux règles et à la structure du théâtre dit « classique ». Le texte n'est pas divisé en acte et en scène mais plutôt en chapitre. Il y a très peu de didascalie (3), les indications sur le lieu sont assez vagues et nous n’avons presqu’aucune information sur le comportement des personnages. Dans le théâtre classique, on connait les intonations, les réactions alors que le théâtre contemporain laisse le lecteur libre d’interpréter, d’imaginer. Il peut aussi être dérouté, surpris par le manque d’informations et de repères.

D’ailleurs, c’est Nawal qui prend la parole avec une tirade de 32 lignes. Wahab ne répond pas, il l’écoute et se contente de l‘embrasser (l. 26 ).

C’est en fait une double énonciation : Nawal crée d’emblée une émotion chez Wahab mais aussi chez le lecteur. Elle l’interpelle « Wahab ! Ecoute-moi » (l. 1), « Wahab, j’ai l’impression » (l. 4-5), « Wahab, promets-moi » (l. 8) sans lui laisser la possibilité de répondre. Elle s’emballe, panique. Nawal ne sait pas comment annoncer sa grossesse à Wahab. Elle hésite : elle souhaite le silence puis veut crier. Wahab est spectateur, c’est elle qui dirige l’action. Il y a un excès d’émotion : la peur, l’angoisse mais aussi la joie et l’impatience « le bonheur qui va être notre malheur » (l. 4) . Cela rappel le registre tragique du théâtre classique avec la coexistence d’un grand bonheur et d’un immense malheur.

La forme et le fond du texte sont composés d’antithèses. Ainsi dans le premier paragraphe, Nawal souhaite du silence « laisse le silence » (l.9) , « Ne dis rien » (l. 10) puis elle même se tait « Elle se tait » (l.11), dans le second paragraphe, elle veut parler, crier « je t’ai appelé » (l.12), « je voulais le hurler » (l.14). Wahab l’embrasse ce qui correspond à une pause dans le texte pour Nawal comme pour le lecteur. Il la rassure ce qui lui permet de se libérer et d’annoncer qu’elle est enceinte « J’ai un enfant dans mon ventre » (l. 27). Il y a une antithèse entre le premier et le second paragraphe, entre son envie de silence et son envie d’hurler. « le bonheur qui va être notre malheur » (l.4), ou encore « C’est magnifique et c’est horrible » (l. 29) sont des antithèses qui accentuent ses émotions très fortes et contradictoires de Nawal. On comprend bien que cette annonce et cette grossesse sont compliquées et tragiques pour elle qui n’a que 14 ans.

Cette scène est très importante dans l’histoire. Le cadre se situe dans la nature « au rocher aux arbres

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