Analyse linéaire Une charogne

Explication N°3 : XXIX - Une Charogne

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,

Ce beau matin d'été si doux :

Au détour d'un sentier une charogne infâme

Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,

Brûlante et suant les poisons,

Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique

Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,

Comme afin de la cuire à point,

Et de rendre au centuple à la grande Nature

Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe

Comme une fleur s'épanouir.

La puanteur était si forte, que sur l'herbe

Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,

D'où sortaient de noirs bataillons

De larves, qui coulaient comme un épais liquide

Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague

Ou s'élançait en pétillant

On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,

Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,

Comme l'eau courante et le vent,

Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique

Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,

Une ébauche lente à venir

Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève

Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète

Nous regardait d'un oeil fâché,

Epiant le moment de reprendre au squelette

Le morceau qu'elle avait lâché.

Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,

A cette horrible infection,

Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,

Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,

Après les derniers sacrements,

Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,

Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine

Qui vous mangera de baisers,

Que j'ai gardé la forme et l'essence divine

De mes amours décomposés !

Plan :

I- La rencontre avec la charogne

        a) La description de l’horreur (strophe 1 à 6)

        b) Une œuvre d’art en question (strophe 7 à 9)

II- Le message allégorique

        a) La destinée humaine (strophe 9 à 11)

        b) La boue transformée en or poétique (strophe 12)

Introduction :

        Une charogne est un poème de la section « Spleen et idéal » des Fleurs du Mal, écrit par Baudelaire en 1857. Baudelaire est un célèbre poète du 19e siècle qui s’inspire principalement du romantisme, il a été condamné pour « outrage à la morale publique » en 1857. Baudelaire ne rejette pas la laideur et l’associe même à la beauté comme dans cet écrit novateur. Une charogne décrit la promenade d’un couple interrompue par une vision macabre, l’apparition d’un cadavre en décomposition. Baudelaire va dans ce texte associé cette vision d’horreur à la beauté d’une femme.

        Comment Baudelaire associe la femme signe de beauté à une charogne signe de laideur ?

Nous verrons en premier lieu la rencontre avec la charogne puis nous étudierons le message allégorique.

Conclusion :

        Nous nous sommes demander comment Baudelaire associé la femme à une charogne.

Dans ce poème, Baudelaire nous montre une fois de plus sa modernité en détournant les clichés de la poésie traditionnelle et nous démontre que l’art peut extraire la beauté de la laideur. Baudelaire va donc sublimer le réel par l’écriture et associe une charogne signe de mort et de laideur à une femme signe de beauté.

analyse :

La charogne = Titre provoquant et intrigant pour un poème

I- La rencontre avec la charogne

        a) Description de l’horreur (strophe 1 à 6)

Strophes 1 à 3 = balade en amoureux interrompue par la présence d’une charogne

STROPHE 1

Vers 1 : invitation à se souvenir – Impératif = injonction « Rappelez-vous »

Vers 2 : cadre propice à une balade amoureuse « Ce beau matin d’été si doux »

Vers 3 : apparition horrible + brutale et inattendue « au détour d’un sentier »

« une charogne » : Idée de mort et de décomposition « infâme » = répugnante → amplification de l’horreur visuelle et olfactive

Dans ce vers césure à l’hémistiche= le sentier guide le lecteur (6 pieds) et tourne le regard (6pieds)

Vers 4 : « lit semé de cailloux » association discordantes lit/cailloux → inconfort cette charogne gâche la balade. Le lecteur = déstabilisé et choqué par cette vision

Les rimes = mots de sens contraire « mon âme / infâme et doux /cailloux »

STROPHE 2

Vers 5 et 6 : CL d’un érotisme cru et de la pourriture associé à ma mort. La charogne devient le symbole d’une femme = image peu poétique et ironie grinçante

Juxtaposition violente de deux réalités contraires

Vers 7 : « de façon nonchalante et cynique » = femme sans-gêne qui se transforme en prostituée. Ici « cynique » = kunikos = chien/chienne → la femme a perdu toute dignité

Suite une charogne

Vers 8 : « Son ventre plein d’exhalaison » renforce la puanteur = celle des parties intimes de la femme – « ventre » = la vie c’est là où se forment les enfants

STROPHE 3

Le soleil source de vie rayonne sur un cadavre en décomposition. La beauté du jour est l’occasion de célébrer la pourriture

...