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Alchimie poétique

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Par   •  4 Mars 2020  •  Dissertation  •  1 839 Mots (8 Pages)  •  15 420 Vues

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Dissertation

« Le poète sait descendre dans la vie ; mais croyez que s’il y consent, ce n’est pas sans but, et qu’il saura tirer profit de son voyage. De la laideur et de la sottise il fera naitre un nouveau genre d’enchantements » écrit Baudelaire dans L’art romantique (1852). Partagez-vous cette conception du poète ?

        Suivant une vie de bohème et de dandy parisien, Charles Baudelaire est un poète français du 19e siècle qui est considéré comme étant le précurseur de la modernité poétique. Son œuvre majeure, Les Fleurs Du Mal, qu’il publie en 1857, se trouve au carrefour de toutes les influences de son siècle : héritier du romantisme et du Parnasse, la poésie de Baudelaire annonce déjà le symbolisme. Ce recueil nous montre un poète tiraillé entre le spleen et l’idéal, le mal et le bien, la laideur et la beauté mais trace surtout le cheminement de l’auteur torturé vers une échappatoire, une évasion a la réalité. Ainsi, Baudelaire écrit dans son Art romantique en 1852 : « Le poète sait descendre dans la vie ; mais croyez que s’il y consent, ce n’est pas sans but, et qu’il saura tirer profit de son voyage. De la laideur et de la sottise il fera naitre un nouveau genre d’enchantements ».  En d’autres termes, Baudelaire semble vouloir dire dans cette citation que le poète s’efforce de se tremper et de se salir les mains dans la boue, d’explorer le sous-sol de l’humanité, d’aller à la recherche de la réalité dans tout ce qu’elle a de laid pour en faire ressortir les quintessences, la beauté et le merveilleux. Pour lui, le poète est chargé, par son écriture, de transformer le réel dans toute sa laideur et dans toute sa turpitude en une réalité plus embellie et plus facile à vivre. Ainsi, la poésie apparait comme étant le canal de cette transformation, le moyen de transformer l’ordinaire en extraordinaire. Cependant nous pouvons nous poser les questions suivantes : le rôle du poète est-il réduit à transformer la laideur en beauté ? La position du poète ne lui permet-elle pas de dépasser cette fonction ? Pour répondre à ces questions nous allons tout d’abord voir que les poètes ont un don évident à embellir la réalité dans tout ce qu’elle a de plus affreux. Ensuite, nous allons nous intéresser au fait que leur poésie peut néanmoins proposer des représentations plus ou moins engagées. Enfin, nous évoqueront la capacité du poète à exprimer l’indicible, l’incompris par le commun des mortels.

      Dans un premier temps, nous allons voir que le poète arrive à prendre l’avantage sur l’atrocité de la vie, la souffrance présente autour de lui ainsi que les évènements qui l’entourent pour nous offrir un renouvellement constant de la réalité, une interprétation poétique nouvelle.                                                                                                                                            

  Premièrement, la poésie permet au poète atteint du Spleen d’exprimer toute sa souffrance et son mal de vivre. Le Spleen est le tædium vitae (dégout de la vie) du poète Lucrèce. C’est aussi l’ennui de Pascal qui le décrit comme une condition naturelle à laquelle l’homme ne peut pas échapper. A l’époque romantique, le mot désigne un ennui sans cause et un dégout généralisé de la vie. Baudelaire l’adopte pour lui donner une dimension philosophique. Dans la section « Spleen et Idéal » de son œuvre Les Fleurs Du Mal, la notion du Spleen atteint une vigueur exceptionnelle dans les 4 poèmes qui en ont emprunté le nom comme titre. On y trouve des formes douces du spleen que l’on peut rapprocher de la mélancolie romantique : « j’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans » (spleen 2) ou encore « je suis comme le roi d’un pays pluvieux ». Ces vers résonnent comme une complainte douce et attendrissante. Toutefois, l’atmosphère s’assombrit dans le dernier poème, (spleen 4) : un univers rétréci, fermé par un « couvercle » et limité par des « barreaux » est évoqué. Le monde devient un « cachot humide » où se déploie « un peuple muet d’infâmes araignées » et ou se fait entendre le tintement hallucinant des cloches, avant que l’« Angoisse » ne vienne l’emporter sur le poète. Cet univers est tout aussi intérieur et subjectif comme l’est aussi cette défaite du poète, décrite a la fin et présentée comme étant une défaite psychique et morale : « et de longs corbillards sans tambours ni musique/ défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir/ Vaincu, pleure et l’Angoisse atroce, despotique/ Sur mon crane incliné plante son drapeau noir. »  Ainsi, grâce à la poésie, le poète arrive à se libérer de son Spleen                                                                    

   Deuxièmement, le poète arrive à fuir au spleen, par son écriture, en créant un monde nouveau : il s’agit de l’alchimie poétique. Effectivement, la poésie tel que Baudelaire veut la pratiquer est le moyen de transfigurer la réalité et de lui donner une identité nouvelle. Ce pouvoir s’exerce sur la femme tout comme le montre le poème censuré « les métamorphoses du vampire » où la femme subit plusieurs transformations : de la femme séduisante, elle devient un « vampire » puis « une outre aux flancs gluants, toute pleine de pus » pour qu’il n’en reste finalement que des « débris de squelette ». Le lyrisme amoureux basé sur l’évocation de la beauté féminine se trouve ainsi bouleversé. Dans une autre section intitulée « tableaux parisiens » de son œuvre Les Fleurs Du Mal, Baudelaire tente d’échapper au spleen qui le hante en participant à la vie de la ville, en la décrivant et en se rapprochant des êtres les plus démunis : les aveugles, les mendiants, les vieillards et les vieilles femmes. Pour le poète alchimiste, la ville de Paris présente des déchets, des débris et des êtres en pleine déchéance que seul le poète sait métamorphoser en sujets poétique car dans « la boue » il y a « tout l’or ». Ainsi, au fil de son parcours, le poète erre parmi la foule et s’identifie aux différents exclus qu’il considère comme des doubles. Par exemple, dans le poème « a une mendiante rousse », Baudelaire associe la « pauvreté » et la « beauté » ce qui lui permet de dépasser l’apparence extérieure de cette pauvre mendiante et de métamorphoser sa pauvreté et son infirmité en une beauté ravissante. Le poète substitue alors aux éléments de son physique signes de sa pauvreté (« un haillon trop court », « bas troues ») des éléments qui anoblissent le personnage (« un superbe habit de cour », « un poignard d’or »).  Ainsi, le poète a le pouvoir de transformer la beauté en laideur ainsi que la laideur en beauté.

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