Venus anadyomène / Arthur Rimbaud
Commentaire d'oeuvre : Venus anadyomène / Arthur Rimbaud. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar SRAFTE • 2 Janvier 2022 • Commentaire d'oeuvre • 1 636 Mots (7 Pages) • 1 723 Vues
Arthur Rimbaud est sans doute l’une des figures majeures de la littérature françaises du XIXème siècle. « Vénus Anadyomène » est incontestablement l'un des poèmes les plus provocateurs de la langue française. L’auteur se livre, en effet, à une parodie qui ouvre la voie à une poésie nouvelle. Il pose et expose crûment la nature de rapports conflictuels entre auteur et lecteur. Rimbaud sollicite victorieusement des réactions négatives : dégoût, colère et indignation. L’adjectif “anadyomène” signifie en grec “qui sort de l’eau”. Ce thème récurrent dans l’histoire artistique de l’Europe dépeint généralement une jeune femme d’une grande beauté. Rimbaud est un poète, explorateur français, il fait partie du mouvement du symbolisme. Dans son sonnet écrit en 1870 intitulé « Vénus anadyomène », extrait du recueil des Cahiers de Douai, il s’inscrit dans cette voie et propose un traitement iconoclaste du motif mythologique de la naissance de Vénus, universellement connu par ses représentations littéraires et picturales. Le poème est formé de deux quatrains et d’un sizain décomposé en deux tercets. Les rimes des deux quatrains, désobéissent aux règles du sonnet classique puisque le premier quatrain a des rimes croisées et que le second, lui, a des rimes embrassées les rimes des tercets correspondent au sonnet français.
Pour mener notre lecture linéaire, nous allons nous demander en quoi ce poème, choquant par son sujet, réussit-il à inverser les codes esthétiques en faisant de la laideur le sujet d’un poème d’une extrême beauté ?
Nous nous proposons de suivre le découpage suivant. Tout d’abord, nous montrerons la perception du tableau en dérision. Ensuite, nous étudierons son portrait disgracieux. Enfin, nous nous intéresserons à l’invitation à une autre poésie.
Tout d’abord, Le titre de ce sonnet, composé du nom propre « Vénus » et de l'adjectif savant, directement issu du grec, « anadyomène », qui signifie « qui sort de l'eau », semble annoncer un poème sérieux et à la gloire de cette Vénus. Le nom de vénus, déesse de l'amour, évoque féminité, beauté. Ces attentes sont bousculées dès le premier vers puisque la comparaison avec le cercueil associe une certaine morbidité à la survenue de Vénus. La conque cède la place à une « vieille baignoire » (ligne 3), indigne de la divinité et laisse attendre l’avènement d’une femme nettement plus humble. Cet objet dénature le cadre de la vision et semble inscrire le tableau dans la dérision. Le tableau du poète se présente donc d’emblée comme une parodie du motif original.
De la même façon le jeu sur les couleurs « vert en fer-blanc » L1 dénature aussi le cadre, d’autant que le fer-blanc est un matériau commun, de peu de prix qui colle mal avec l’idée du sublime associé à l’image de la déesse. Le poème « Vénus anadyomène » est un poème très visuel : on note un champ lexical de la couleur très important « vert » L1, « blanc » L1, « bruns » L2, « gris » L5, « rouge » L9. Les verbes du poème sont également très évocateurs : « on remarque » L10, « il faut voir » L11, « parait » L7. C’est donc bien une invitation à observer, très méticuleusement l’objet du poème. Si le poème est très visuel, il n’en fait pas moins appel à d’autres sens. La synesthésie « le tout sent un goût » L9 montre combien l’appréhension du corps passe par tous les sens. De même les « cheveux bruns » L2 s’opposent au blond vénitien souvent attribué à Vénus.
Le poète semble s’adonner à un blason, court poème célébrant une partie du corps féminin ou évoquant le corps entier, en détaillant successivement ses différentes parties.
Ensuite, Le poète semble jouer avec les attentes du lecteur et les clichés qui accompagnent généralement la description de vénus. La « femme » L2 semble rappeler la déesse mais la couleur « bruns » l’en éloigne. On constate une première inversion de la représentation mythique. Bien des aspects de la description évoquent la vieillesse :
«vieille baignoire » L3 « cercueil » L1 . Le participe « ravaudés » au vers 4. La rencontre à la rime de « tête » L1 et « bête » L3 qui désacralise le personnage. Le jeu sur le double sens du mot « bête » L3 : peut désigner un geste maladroit, une femme sotte mais le terme peut aussi conférer une dimension animale à la femme.
L’emploi des adjectifs pour évoquer le corps est toujours dépréciatif : « le col gras » L5, « les larges omoplates » L5, « le dos court » L6, « un goût horrible » L9-10. Le corps féminin est méthodiquement décrit dans les moindres détails. Ainsi, à la fin des deux quatrains et du premier tercet, on peut noter une série de détails et de termes techniques, qui permettent à la fois une description très précise, mais également particulièrement minutieuse. En effet, à l’évocation de la tête de la femme à la L1 sont associés les termes de « déficits » L4 et « ravaudés » L4. Ainsi, l’image de la décrépitude, est très forte ici. L’évocation de la matière du toucher, est également présente et évoque un corps répugnant « pommadés » L2, « gras » L5, « graisse » L8. La perception passe également par l’évocation du mouvement et des formes dans les deux premiers quatrains : « lente » L3, « larges » L5, « saillent » L6, « rentre » L6, « ressort » L6, « rondeurs » L8 qui participent également d’une vision assez effrayante du corps évoqué. Si l’évocation des parties du corps ne permet pas de dire s’il s’agit d’un homme ou d’une femme : « tête » L1, « cheveux » L2, « col » L5, « omoplates » L5, « dos » L6, « peau » L7, « reins » L8, « échine » L9, « croupe » L13, on note cependant une connotation animale très présente qui participe de la monstruosité du corps décrit. En effet, « l’échine » L9, et la « croupe » L13, sont des termes qui s’emploient plus couramment pour évoquer un cheval.
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