Les Fausses Confidences, Marivaux

Dissertation sur oeuvre : Les Fausses Confidences, Marivaux

Dans la première moitié du XVIIIe siècle, tandis que le mouvement des Lumières était à son apogée avec Rousseau, Voltaire et l’Encyclopédie, nous pouvions observer l’émergence du théâtre. Cette émergence est marquée par la présence de Marivaux, une figure emblématique du théâtre français, et ses contemporains tels que Beaumarchais ou Carlo Goldoni. Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux a ainsi créé le 16 mars 1737 Les Fausses Confidences, une comédie tardive. Cette pièce s’ajoute à la liste d'œuvres marquant l’histoire du théâtre avec La Surprise de L’Amour (1722), Le Jeu de l'amour et du hasard (1730) , L’heureux Stratagème (1733) etc… Le thème de l’amour-surprise y est ici le principal objet, on retrouve les deux protagonistes Araminte et Dorante qui doivent y faire face. Les ficelles de cet amour sont tirées par Dubois, l’adroit valet qui se servira de ruses et différents artifices afin de parvenir à cet union. Dès lors, la manipulation des sentiments n'est-elle qu'un ressort du comique dans la pièce ? Les stratagèmes mis en place dans la comédie de Marivaux ne font-ils partie que des procédés comiques ? Nous verrons que la manipulation des sentiments est un ressort de la comédie marivaudienne mais qu’une manipulation reste une manipulation ce qui fait du théâtre le lieu du mensonge, du subterfuge ou encore de la duplicité avant de conclure que cette pièce est une comédie qui s’appuie sur un affligeant stratagème.

La manipulation des sentiments est un ressort de la comédie marivaudienne.

Dans un premier temps, Les Fausses Confidences est une comédie traditionnelle.En effet, on retrouve dans cette pièce de nombreux procédés comique typique des comédies du temps de Marivaux, qui était un admirateur de la commedia dell'arte ce qui porte une influence sur son style d’écriture et sur ce genre même. Le personnage d’Arlequin, pour commencer, est la preuve que la pièce de Marivaux est une comédie, il contribue à l’aspect comique. Personnage stéréotypé emprunté à la commedia dell’arte, sa bouffonnerie et ses répliques idiotes permettent de faire rire le spectateur “Comment, Madame, vous me donnez à lui ! Est-ce que je ne serai plus à moi ? Ma personne ne m'appartiendra donc plus ?” . Toutefois, les autres personnages mis en scène contribuent au comique de la pièce. Le comique de caractère est, de fait, présent avec leur vices tournés en ridicule. Par exemple, la mère d’Araminte, Argante, est l’incarnation de la cupidité, ce qui ajoute du comique par ses réactions excessives “…je ne lui trouve pas assez d'élévation. Le beau nom de Dorimont et le rang de comtesse ne la touchent pas assez ; elle ne sent pas le désagrément qu'il y a de n'être qu'une bourgeoise.” .

Dans un second temps, cet aspect comique permet d’être mis en scène grâce à la manipulation des sentiments. En effet, Arlequin est mis en opposition avec un autre valet : l’ingénieux Dubois. Dubois, bien qu’il ne soit pas aussi ridicule qu’Arlequin, permet à l’intrigue d’avancer avec son habileté à manipuler, sa relation avec son maître poltron n’osant même pas aborder l’objet de sa passion “Tu crois qu’elle fera quelque attention à moi, que je l’épouserai, moi qui ne suis rien, moi qui n’ai point de bien ?”. Il le guide comme les autres personnages de la pièce “Je vous conduis” ou encore "Laissez-vous conduire. […] laissez faire un homme de sang-froid”. Ses instrumentalisations permettent aux personnages de se retrouver dans des situations comiques ou inquiétantes. Il est le metteur en scène de cette comédie. Il peut ainsi, en manipulant ses pantins, créer du comique de toutes sortes dans les réactions qu’elles soient gestuelles ou orales ou les situations dans lesquelles ils se retrouvent ou encore la répétition qui est engendrée. C’est pourquoi la manipulation des sentiments est à l’origine du comique dans cette pièce, ce qui en fait un procédé comique.

Cependant, une manipulation, même si elle est un ressort du comique, reste une manipulation. C’est ce qui fait que le théâtre est le lieu du mensonge, du subterfuge ou encore de la duplicité.

D’abord, le regard porté par Marivaux sur la société est lucide, il y dépeint parfaitement le rôle de l’argent qui pervertit l’homme, ses relations et ses valeurs. En effet, la question de l’argent est récurrent dans la pièce. Que ce soit de la pauvre condition de Marton qui l’incite à accepter le mariage avec Dorante et les écus du Comte au détriment de sa conscience et du bien de sa maîtresse sans aucun remord “méditez sur cette somme, vous la goûterez aussi bien que moi” répond-elle à Dorante lorsqu’il émet des objections. L’enjeu même que représente le mariage du Comte et d’Araminte financièrement montre l’importance de la fortune. En bref, l’argent décide de tout dans la société que Marivaux dépeint. Il serait donc légitime de vouloir en acquérir, afin de ne pas en faire un obstacle dans l’accomplissement de ses objectifs. Araminte semble être la seule à se distinguer par son indifférence “Il est vrai que je suis toujours fâchée de voir d’honnêtes gens sans fortune, tandis qu’une infinité de gens de rien, et sans mérite, en ont une éclatante. C’est une chose qui me blesse”.

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