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Les Contemplations de Victor Hugo

Dissertation : Les Contemplations de Victor Hugo. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  14 Février 2022  •  Dissertation  •  3 543 Mots (15 Pages)  •  1 179 Vues

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Introduction

Le mot « lyrisme » apparaît pour la première fois en 1829 sous la plume d’A. de Vigny et désigne « le mouvement du style, de l’expression » et par extension chez les écrivains romantiques « l’exaltation d’esprit analogue à l’enthousiasme des poètes lyriques ». En revanche, selon Aristote, le poète lyrique est celui qui parle seul et de lui-même sans déléguer la parole à d’autres personnages. Ainsi, la poésie lyrique est l’expression d’une subjectivité mais les poètes romantiques tels que Victor Hugo font apparaître une contradiction comme le fait remarquer Pierre Albouy dans son article « Hugo ou le « je éclaté ». Ainsi, le « je » hugolien est qualifié d ‘« éclaté » et remet en question la définition traditionnelle du lyrisme où le « je » est pas normalement clairement identifiable. Apparaît alors une autre instance que le critique littéraire appelle « la voix » qui est à la fois impersonnelle et divine sans toutefois occulter le « je ». Dès lors, dans quelle mesure le lyrisme dans Les Contemplations présuppose-t-il une instance individuelle renvoyant à la fois à l’auteur et une instance dépersonnalisée ? De ce fait, si le « je » dans le recueil est envisagé comme une figure éclatée et métamorphosée en plusieurs voix, les poèmes des Contemplations redéfinissent la fonction des référents autobiographiques et personnels. Dans cette perspective, Victor Hugo semble vouloir dépasser l’opposition stricte entre le sujet et le monde qui renouvelle le lyrisme en l’associant à l’épique.

I : Les figures d’un « je » éclaté et métamorphosé en voix 1. Un lyrisme dépersonnalisé

Il y a un paradoxe dans l’énonciation telle qu’elle est mise en œuvre dans Les Contemplations : d’une part, la présence abondante de la première personne produit une incontestable perspective subjective, par laquelle le recueil se rattache nettement à la tradition lyrique ; de l’autre, c’est un « moi » sans qualités qui apparaît le plus souvent, c’est-à-dire un « moi » dépouillé de traits personnels, tendant à une forme d’abstraction, qui justifie pleinement le constat dressé par Pierre Albouy d’une « impossibilité ». Certains poèmes reprennent ainsi l’héritage de la lyrique amoureuse, tout en en décalant subtilement les procédés. Au début du livre « L’âme en fleur », toute une séquence est consacrée à l’évocation émue de souvenirs amoureux. « Hier au soir » résume la prière sentimentale que le poète a adressée aux astres, alors qu’il se trouvait en compagnie d’une femme aimée. Si son titre veut faire croire à une rédaction presque immédiate, la date placée à la fin du poème n’en précise pas l’année et il peut s’agir d’un passé lointain. La « Lettre » qui vient ensuite aurait été écrite au Tréport, en un temps donc antérieur à l’exil : elle est vraisemblablement adressée à Juliette Drouet, à la manière d’une carte postale qui lui dépeindrait les personnes et les paysages rencontrés. Le poème suivant se situe plus clairement dans l’enfance et évoque une innocente cueillette de fruits et de baisers. Le ton devient plus galant avec la huitième pièce de la section : c’est bien un compliment pour une femme désirée, mais dans un décor mondain cette fois. Enfin le dixième poème relate un moment qui semble analogue au crépuscule d’« Hier au soir », puisqu’à nouveau le poète échange ici un regard amoureux avec une femme ; mais il est daté de juillet, quand « Hier au soir » était censé avoir été écrit en mai. Tous ces poèmes forment un ensemble assez cohérent. Ils partagent un même dispositif énonciatif : un « je » s’adresse à un « tu », qui sont parfois réunis en un « nous ». A chaque fois, ces deux personnes sont manifestement liées (ou ont été liées) par un sentiment amoureux.

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2. Le lyrisme universel

La contemplation, par conséquent, se caractériserait comme un élan du particulier à l’universel, ou encore du singulier subjectif à l’univers cosmique. Les yeux de la femme aimée, dans les poèmes précédents, donnent à voir les étoiles du ciel. S’il découvre dans l’être aimé une voie vers l’infini, le « je » hugolien se laisse aussi lui-même traverser par mille voix extérieures. Il existe, de ce point de vue, une certaine continuité entre le recueil des Contemplations et les Feuilles d’automne, dans lesquelles, dès 1831, Hugo définissait son âme comme un « écho sonore » et la disait parcourue de « mille voix ». Jean-Michel Maulpoix développe cette même thématique pour caractériser le lyrisme des Contemplations : « De sorte que la dynamique du lyrisme tient, pour une grande part, me semble-t-il, à cet envol et ce bruissement de voix. Elles surgissent de partout ». Il en tire bien la conclusion d’une dissolution du « moi » : « Le moi est évidemment trop limité pour que le lyrisme soit son expression. Le sujet lyrique ne peut parler qu’au-delà de lui, ou en le diffractant et le démultipliant. Le lyrisme constitue l’espace verbal de ce rayonnement et de ce débordement... » Le poème, par conséquent, n’est pas, à proprement parler, écrit par le poète, qui, comme dans la promenade relatée dans la pièce I, 27, se limite à écouter les voix de la nature et de l’univers pour les faire entendre dans son œuvre. Ecrire un poème, c’est alors actualiser une voix, comme l’univers en est traversé de part en part.

3. Le deuil, un sentiment universel

Dès sa préface au recueil, Hugo élimine plus radicalement encore le « moi » en décrétant qu’il faut lire son livre comme « le livre d’un mort ». Or, la mort joue, en effet, un rôle majeur dans l’ensemble des Contemplations, et ce sur deux plans. A un niveau symbolique, la mort exprime l’extrême douleur ressentie par le poète et le renoncement au « moi » qui en découle. Mais cette mort à soi-même s’origine dans une mort bien concrète, qui a considérablement influencé la rédaction du recueil. Elle désigne alors le seul vrai deuil, « la perte des êtres chers » ; et c’est évidemment le souvenir de Léopoldine, la fille noyée le 4 septembre 1843, qui s’impose ici à l’esprit. Cet événement confère au recueil sa structure bipartite, entre « Autrefois » et « Aujourd’hui ». Il est, en outre, redoublé par la mort de Claire Pradier, la fille de Juliette Drouet, en 1846, à un très jeune âge également. Enfin, entre sens propre et sens figuré, l’exil est vécu comme un véritable deuil de soi et révolutionne le regard porté sur l’existence. Sans décrire une suite chronologique,

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