Les contemplations, Victor Hugo. Etude de la préface
Commentaire de texte : Les contemplations, Victor Hugo. Etude de la préface. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar 098765432109 • 14 Janvier 2020 • Commentaire de texte • 2 270 Mots (10 Pages) • 3 128 Vues
VICTOR HUGO / LES CONTEMPLATIONS / Etude de la Préface.
Les Contemplations sont un recueil poétique de Victor Hugo. C’est un ouvrage imposant : plus de dix mille vers, qui a nécessité une publication en deux volumes. Victor Hugo le fait éditer en 1856 alors qu’il se trouve en exil dans les îles anglo-normandes (depuis le début de 1852). Le lieu et la date inscrits au bas de la Préface en portent témoignage.
Si nous lisons cette Préface comme une introduction à l’œuvre qu’elle précède, nous y trouvons en effet un grand nombre d’informations : sur le genre du livre que nous abordons, sur certains de ses thèmes, sur son plan, et sur ce qu’on pourrait appeler le « protocole de lecture » que l’auteur propose au lecteur.
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Concernant le genre, notons d’abord l’absence de toute référence explicite à la poésie. Il importe davantage à l’auteur d’indiquer la particularité de ce recueil poétique qui est d’être une sorte d’autobiographie : « Qu’est-ce que Les Contemplations ? C’est ce qu’on pourrait appeler, si le mot n’avait quelque prétention, Les Mémoires d’une âme » (l.10). Tout le texte est articulé autour de cette idée directrice : « Est-ce donc la vie d’un homme ? Oui … » (l.20), idée encore reprise en conclusion : « Nous venons de le dire, c’est une âme qui se raconte dans ces deux volumes. » (l.36). Le lecteur est donc en droit de supposer qu’il va trouver dans ce livre un recueil de souvenirs, ou un récit rétrospectif de la vie de l’auteur. Remarquer notamment le nom « souvenir », les verbes « revenir » et « rappeler » dans : « Ce sont en effet toutes les impressions, tous les souvenirs (…) revenus et rappelés» (l1-13). Par ailleurs, l’insistance de l’auteur sur le mot « âme » (3 fois), sur le mot « cœur » (l.6), l’omniprésence d’un vocabulaire des sentiments (amour, solitude, espérance, désespoir, triste, riant, funèbre …) indiquent le caractère intime de l’inspiration de l’œuvre : si mémoires il y a, ce seront des mémoires intérieurs ; si poésie il y a ce sera une poésie lyrique, c’est à dire une poésie exprimant les sentiments personnels du poète.
Mais certaines formulations du texte indiquent une écriture au jour le jour, qui fait penser au genre du « journal intime » plutôt qu’à celui des « Mémoires » : « Une destinée est écrite là jour à jour » (l.19). Ou encore, l.4 : « L’auteur a laissé pour ainsi dire ce livre se faire en lui. La vie, en filtrant goutte à goutte à travers les événements et les souffrances, l’a déposé dans son cœur ». La répétition d’un même substantif (« jour à jour », « goutte à goutte ») suggère une lente accumulation. Ces exemples ne sont d’ailleurs pas isolés. Voir : « rayon à rayon » (l.13), « soupir à soupir » (l.13), « de lueur en lueur »(l.15), « nuance à nuance » (l.31), « page à page » (l.33). La série de locutions adverbiales similaires donne un relief particulier à ce modèle syntaxique. Si Hugo ne nous indique pas clairement comment il a écrit ce livre, il suggère dans ces phrases qu’il en a rassemblé le matériau de façon progressive, au fil des événements de sa vie. Ce mode d’écriture est en tout cas conforme à l’image traditionnelle du poète lyrique, composant sous la dictée de l’émotion, de l’inspiration. Il est sensiblement différent de celui de l’autobiographie traditionnelle, qui consiste en un récit rétrospectif accompli à la fin de la vie de l’auteur. Ici, au contraire, nous pouvons supposer une lente accumulation répartie sur une longue période : « Vingt-cinq années sont dans ces deux volumes ». Vingt-cinq années de vie et d’écriture, sans doute !
La lecture de cette Préface, donc, apporte sur le genre du livre une information capitale : c’est une œuvre de caractère autobiographique, nous y trouverons une forme de récit de la vie de l’auteur. Mais elle fait naître aussi une interrogation sur le mode d’écriture du recueil : s’agit-il d’une évocation rétrospective, ce qui implique un récit organisé, une méthode de reconstruction après coup de la vie de l’auteur? S’agit-il plutôt d’un rassemblement de poèmes rédigés sur une longue période, et qui seraient comme les pages d’un journal intime poétique, mode de composition plus spontané et décousu, l’auteur s’étant contenté d’enregistrer « jour à jour » ce que la vie a « déposé dans son cœur » (l.6), de laisser « ce livre se faire en lui » (l.5) ? Seule une étude approfondie, incluant des données biographiques, peut permettre de répondre à cette question.
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La Préface nous renseigne aussi sur les thèmes développés dans le recueil. Cette information se révèle d’abord par une série d’oppositions lexicales faciles à repérer et à classer. On trouve l’opposition de l’ombre et de la lumière : « rayon à rayon / nuée sombre » (l.13) ; « de lueur en lueur » (l.15) ; « s’assombrir » / « azur » (l.31-32). Il y a aussi l’opposition entre la joie et la souffrance : « riants / funèbres » (l.12) ; « sourire / sanglot » (l.17); « désespoir » (l.16) / « espérance » (l.33) ; « plaisir / douleur » (l.27-28). Il y a l’opposition entre la solitude et l’amour (l.16) : « Foule / Solitude » (l.29). Il y a l’opposition entre l’agitation et le repos : « tumulte, rumeur, lutte, travail / se reposer » (l.27-28). Il y a enfin l’opposition entre la vie et la mort , la jeunesse et la mort : « berceau / cercueil » (l.14-15) ; « laissant derrière lui la jeunesse » (l. 15), « sacrifice » (l.28), « deuil » (l.34), « mort » (34), « perte des êtres chers » (34), « tombeau » (37). Ces oppositions se chevauchent et renvoient à un principe général d’opposition entre le bien et le mal, la face heureuse et l’envers tragique de la destinée humaine.
Cette vision contrastée de la vie débouche manifestement pour Hugo sur une problématique religieuse. La mort est à plusieurs reprises évoquée par la métaphore de l’abîme : « bruit de clairon de l’abîme » ( l.18, métaphore qui évoque l’Apocalypse de Saint-Jean), « un abîme les sépare, le tombeau » (l.37), « au bord de l’infini » (l.16). Et le vertige ressenti par le poète devant l’abîme est décrit comme le moment de la contemplation : « contempler Dieu » (l.28) et de l’accession à « l’azur d’une vie meilleure » (l.32). Le mot « contemplation
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