Lecture linéaire le Rouge et le Noir

Ce texte est un extrait du chapitre IV de la première  partie du roman de Stendhal intitulé Le Rouge et le Noir, roman qui décrit le parcours d’un jeune homme ambitieux et amoureux qui franchit des étapes sociales et géographiques pour monter dans la hiérarchie sociale . A ce stade du roman, le héros principal n’a pas encore été présenté au lecteur. Nous savons seulement que Julien Sorel est fils de charpentier et qu’ il étudie le latin pour entrer au séminaire. Il apparaît donc ici, pour la première fois, à la scierie de son père qui vient lui annoncer que le maire de la commune propose de l’embaucher comme précepteur de ses enfants. Le titre du chapitre " Un père et un fils , laisse supposer une description des relations familiales. Et c’est un portrait en action que Stendhal nous dresse aussi bien de Julien que de son père.

Le texte nous plonge, en effet, d’emblée dans un récit, et logiquement le temps employé est le passé-simple, temps caractéristique du récit. C’est un récit dynamique, entrecoupé de monologues. Nous assistons à une scène de vie quotidienne, confrontant le père et le fils. Le premier paragraphe du texte nous montre Julien dans un monde hostile. Si Julien n’entend pas l’appel de son père, c’est surtout à cause de « l’attention que le jeune homme donnait à son livre » . Dès le départ, le héros apparaît donc comme étranger au monde dans lequel il vit. Ce monde du travail, inhumain, gigantesque, bruyant, menaçant, met en valeur la vulnérabilité  de Julien . Il est fait de machines sonores («  le bruit de la scie ») et même dangereuses et terrorisantes («  des leviers de la machine en action, qui l’eussent brisé »). Julien semble vouloir fuir cette réalité en se réfugiant dans l’univers des livres.

En plus de ce monde négatif et hostile, Julien doit affronter la brutalité et la rusticité  paternelles . Tout oppose ce père et ce fils. Cela se traduit d’abord par leurs attitudes réciproques : à l’immobilité de Julien, juché sur une poutre, et donc en situation d’élévation spatiale et mentale, ayant déserté son poste et lisant tranquillement , perché dans la charpente de la scie, répond l’agilité du père ( « sauta lestement »). Tout au long du paragraphe, celui-ci se manifeste uniquement par ses mouvements : il « sauta sur l’arbre, de là ,sur la poutre, fit voler dans le ruisseau le livre, un coup donné sur la tête, lui fit perdre l’équilibre, «  mais « son père le retint ».  Ces mouvements, nombreux, sont brutaux et violents : les mots « coup » et « violent » sont répétés deux fois et insistent sur la vulnérabilité du fils qui n’a aucun moyen de se défendre face à un père beaucoup plus fort que lui et auquel il est totalement soumis. La présence, purement physique du père contraste avec l’activité du fils, toute intellectuelle.

Le récit est entrecoupé de paroles rapportées au style direct et ces paroles confirment la brutalité des gestes. La première parole du père est une apostrophe dépréciative qui marque directement l’opposition entre le père et le fils et l’absence totale d’affection paternelle : »Eh bien, paresseux ! » . Il y a donc aussi un rapport de force qui s’exprime également par le langage extrêmement humiliant de la part du père. D’autre part, le monologue du père Sorel fait un portrait peu flatteur de ce personnage, grossier et rustre, sans ouverture d’esprit, qui méprise la lecture (« tes maudits livres ») et toute forme d’étude (« tu vas perdre ton temps chez le curé ») ; tous ces termes péjoratifs prouvent qu’à ses yeux d’illettré, la lecture et l’étude sont des activités à bannir parce que non rentables . C’est, en effet, à un être mercantile que nous avons là à faire : seul, ce qui rapporte de l’argent a un intérêt . On peut aussi supposer que le père éprouve de la jalousie vis- à-vis de ce fils qu’il sent plus intelligent et ouvert que lui, mais ce n’est pas exprimé nettement.

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