Lecture analytique: Le rouge et le noir
Commentaire de texte : Lecture analytique: Le rouge et le noir. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Zarfal delmas • 26 Avril 2019 • Commentaire de texte • 1 652 Mots (7 Pages) • 869 Vues
Problématique : Comment Stendhal narre-t-il ici une « scène de première vue » transgressive ?
I) Des personnages aux identités troubles
A) Mme de Rênal, une mère pleine de sollicitude ?
C'est en tant que mère que Mme de Rênal est amenée à rencontrer Julien. Elle est terrifiée à l'idée
de confier ses enfants à un précepteur, qu'elle imagine vieux, violent, rébarbatif. « N'est-ce pas, les
premiers jours, vous ne donnerez pas le fouet à mes enfants, même quand ils ne sauraient pas
leurs leçons ? » (l.35-36)
Or elle voit Julien comme un enfant : « la figure d'un jeune paysan presque encore enfant » (l.3)
« ce petit paysan » (l.6) ; « ce jeune paysan » (l.21). La jeunesse de Julien, qui a 10 ans de moins
que Mme de R. est soulignée par cette dernière :
Les adverbes ici sont ceux d'une mère, attachée à la propreté : « Il était encore en chemise bien
blanche, et avait sous le bras une veste fort propre de ratine violette. (l.4-5)
Mme de R. s'adresse donc à lui avec une sollicitude maternelle (non dénuée de condescendance
de classe, nous y reviendrons) : « Que voulez-vous ici, mon enfant ? » (l.12)
Les pleurs de Julien l'infantilisent, en tout cas le maintiennent à distance d'une virilité qui aurait
effrayé Mme de R : « qui venait de pleurer » (l.4). Julien le sait, il est « tout honteux de ses larmes
qu'il essuyait de son mieux » (l.16-17).
B) Julien en jeune fille : trouble dans le genre
C'est pourquoi Julien, plus qu'un enfant, paraît presque féminin : « Le teint de ce petit paysan était
si blanc, ses yeux si doux, que l'esprit un peu romanesque de madame de Rênal eut d'abord l'idée
que ce pouvait être une jeune fille déguisée » (l.6-7) + « À sa grande joie elle trouvait l'air timide
d'une jeune fille » (l.27-28)
Il y a ici trouble dans le genre, pour reprendre le titre de la philosophe américaine Judith Butler qui
sort Gender Trouble en 1998. Elle y développe l'hypothèse selon laquelle ce n'est pas le sexe
biologique (pénis ou vagin) qui détermine le genre (masculin / féminin) mais une série
d'impératifs, de costumes, de phrases, de rôles.
Le genre est d'autant + troublé que c'est précisément la féminité de Julien qui autorise Mme de R.
à être attirée par lui : juste après l'extrait ici étudié : « Ce fut en ce moment seulement, quand son
inquiétude pour ses enfants fut tout à fait dissipée, que madame de R. fut frappée de l'extrême
beauté de J. La forme presque féminine de ses traits, et son air d'embarras, ne semblèrent point
ridicules à une femme extrêmement timide elle-même. L'air mâle que l'on trouve communément
nécessaire à la beauté d'un homme lui eût fait peur »1.
1 Stendhal, Le Rouge et le Noir, p.77.
II) Une scène de « première vue »
A) Des personnages surpris par leurs émotions
Notion de coup de foudre.
1) Surprise, quiproquo, suspense
De même que la grâce de Mme de R. est à son comble quand elle se croit seule (« Avec la vivacité
et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin du regard des hommes » (l.1), de même
Julien est aperçu par Mme de R. en un instant où il se croit seul, instant volé d'intimité (pleurs,
chemise). Julien surpris par Mme de R : « Madame de Rênal s'approcha, distraite un instant de
l'amer chagrin que lui donnait l'arrivée du précepteur. Julien, tourné vers la porte, ne la voyait pas
s'avancer. Il tressaillit quand une voix douce dit tout près de son oreille » (l.9-11). + « Julien se
tourna vivement » (l.13).
Mme de R., elle, est surprise par l'identité de Julien : elle s'était figuré un précepteur âgé et
bourru, et découvre un très jeune homme aux airs de jeune fille. C'est donc le contraste entre ce
qu'elle attendait et ce qu'elle découvre qui la frappe : « À sa grande joie elle trouvait l'air timide
d'une jeune fille à ce fatal précepteur, dont elle avait tant redouté pour ses enfants la dureté et le
ton rébarbatif. Pour l'âme si sensible de madame de Rênal, le contraste de ses craintes et de ce
qu'elle voyait fut un grand événement. Enfin, elle revint de sa surprise. » (l.27-30)
« Bientôt elle se mit à rire, avec toute la gaîté folle d'une jeune fille ; elle se moquait d'elle-même
et ne pouvait se figurer tout son bonheur. Quoi, c'était là ce précepteur qu'elle s'était figuré
comme un prêtre sale et mal vêtu, qui viendrait gronder et fouetter ses enfants ! » (l.21-24) : or
cette surprise rajeunit Mme de R. (JF), la rapprochant ainsi donc de Julien.
La surprise saisit Mme de R., la prend au dépourvu, ce qui annihile les défenses qu'elle aurait
établies devant un homme fait (ainsi résiste-t-elle
...