Lecture linéaire / Les fausses confidences de Marivaux Acte II, scène 13
Cours : Lecture linéaire / Les fausses confidences de Marivaux Acte II, scène 13. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar edouard.ens • 1 Mai 2022 • Cours • 2 140 Mots (9 Pages) • 863 Vues
OE 3 – LL2– Les fausses confidences de Marivaux Acte II, scène 13
ARAMINTE. –[…] [J]e suis déterminée à épouser le Comte.
DORANTE, d’un ton ému. − Déterminée, Madame !
ARAMINTE. − Oui, tout à fait résolue. Le Comte croira que vous y avez contribué ; je le lui dirai même, et je vous garantis que vous resterez ici ; je vous le promets. (À part.) Il change de couleur.
DORANTE. − Quelle différence pour moi, Madame !
ARAMINTE, d’un air délibéré. − Il n’y en aura aucune, ne vous embarrassez pas, et écrivez le billet que je vais vous dicter ; il y a tout ce qu’il faut sur cette table.
DORANTE. − Et pour qui, Madame ?
ARAMINTE. − Pour le Comte, qui est sorti d’ici extrêmement inquiet, et que je vais surprendre bien agréablement par le petit mot que vous allez lui écrire en mon nom. (Dorante reste rêveur, et par distraction ne va point à la table.) Eh ! vous n’allez pas à la table ? À quoi rêvez-vous ?
DORANTE, toujours distrait. − Oui, Madame.
ARAMINTE, à part, pendant qu’il se place. − Il ne sait ce qu’il fait ; voyons si cela continuera.
DORANTE, à part, cherchant du papier. − Ah ! Dubois m’a trompé !
ARAMINTE, poursuivant. − Êtes-vous prêt à écrire ?
DORANTE. − Madame, je ne trouve point de papier.
ARAMINTE, allant elle−même. − Vous n’en trouvez point ! En voilà devant vous.
DORANTE. − Il est vrai.
ARAMINTE. − Écrivez. Hâtez-vous de venir, Monsieur ; votre mariage est sûr… Avez-vous écrit ?
DORANTE. − Comment, Madame ?
ARAMINTE. − Vous ne m’écoutez donc pas ? Votre mariage est sûr ; Madame veut que je vous l’écrive, et vous attend pour vous le dire. (À part.) Il souffre, mais il ne dit mot ; est-ce qu’il ne parlera pas ? N’attribuez point cette résolution à la crainte que Madame pourrait avoir des suites d’un procès douteux.
DORANTE. − Je vous ai assuré que vous le gagneriez, Madame : douteux, il ne l’est point.
ARAMINTE. − N’importe, achevez. Non, Monsieur, je suis chargé de sa part de vous assurer que la seule justice qu’elle rend à votre mérite la détermine.
DORANTE, à part. − Ciel ! je suis perdu. (Haut.) Mais, Madame, vous n’aviez aucune inclination pour lui.
ARAMINTE. − Achevez, vous dis-je… Qu’elle rend à votre mérite la détermine… Je crois que la main vous tremble ! vous paraissez changé. Qu’est−ce que cela signifie ? Vous trouvez-vous mal ?
DORANTE. − Je ne me trouve pas bien, Madame.
Introduction :
Les FC, jouées pour la première fois le 16 mars 1737, est la dernière comédie en trois actes de Marivaux qui s’est mis à écrire des romans depuis peu. (La vie de Marianne de 1731 à 1741 et le paysan parvenu en 1735). Cette pièce est jouée par la troupe des comédiens italiens ; c’est une troupe un peu vieillissante qui mise sur l’intrigue.
Dorante est tombé éperdument amoureux d’Araminte et s’est fait engager comme intendant chez cette dernière grâce à l’aide de son oncle, Monsieur Rémy. C’est la première étape d’un stratagème conçu par Dubois, son ancien valet. Celui-ci au service d’Araminte l’aide à gagner le cœur d’Araminte. Alors que depuis le début de la pièce Dubois la manipule, c’est cette fois-ci le tour d’Araminte d’user d’un stratagème pour pousser Dorante à avouer ses sentiments.
Après lui avoir confié vouloir se marier avec le Comte, elle demande à Dorante de lui écrire une lettre en son nom pour lui annoncer cette décision.
Problématique :
Quel stratagème Araminte utilise-t-elle pour pousser Dorante à dévoiler son amour ?
Etude du texte en trois parties :
Partie 1 : lignes 1 à 12 : Un élément déclencheur qui fait office de coup de théâtre : une fausse confidence
Partie 2 : lignes 13 à 27 : Mise en œuvre de la stratégie d’Araminte
Partie 3 : lignes 27 à fin : L’autorité d’Araminte
Partie 1 : lignes 1 à 12 : Un élément déclencheur qui fait office de coup de théâtre : une fausse confidence
ARAMINTE. –[…] [J]e suis déterminée à épouser le Comte.
DORANTE, d’un ton ému. − Déterminée, Madame !
ARAMINTE. − Oui, tout à fait résolue. Le Comte croira que vous y avez contribué ; je le lui dirai même, et je vous garantis que vous resterez ici ; je vous le promets. (À part.) Il change de couleur.
DORANTE. − Quelle différence pour moi, Madame !
ARAMINTE, d’un air délibéré. − Il n’y en aura aucune, ne vous embarrassez pas, et écrivez le billet que je vais vous dicter ; il y a tout ce qu’il faut sur cette table.
DORANTE. − Et pour qui, Madame ?
ARAMINTE. − Pour le Comte, qui est sorti d’ici extrêmement inquiet, et que je vais surprendre bien agréablement par le petit mot que vous allez lui écrire en mon nom.
L’extrait débute par l’emploi d’un champ lexical de l’autorité et de la résolution. C’est Araminte qui a la parole, c’est elle qui décide. « déterminée », « résolue », « promets », « garantis », Ce champ lexical associé à la didascalie « air délibéré » et à l’emploi des futurs simples « dirai » et « aura » et « resterez », ajoute de la force et de la conviction au propos. En effet, Araminte présente comme certain le mariage avec le Comte mais aussi affirme qu’elle garde Dorante à son service. Elle joue alors parfaitement son rôle de maîtresse.
L’ensemble des répliques d’Araminte, par leur longueur, marque qu’elle maîtrise le jeu en étant maîtresse de la parole.
Dorante,lui, va subir cette scène. Son propos est court et l’on voit par la didascalie « d’un ton ému » qu’il peine à maîtriser ses émotions. Le spectateur est alors touché par sa vulnérabilité et sa douleur amoureuse. Il se répète « Déterminée, Madame ! », « Quelle différence pour moi, Madame ! » « Eh ! pour qui, Madame ! », ces répliques forment un écho renforcé par les phrases exclamatives (lignes 2 et 6) et interrogatives (l.9). Marivaux en lui retirant le verbe (la parole) lui donne une épaisseur psychologique qui rend palpable sa souffrance.
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