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La princesse de Clèves ; les passions sont-elles condamnables ?

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Par   •  8 Juin 2022  •  Dissertation  •  4 091 Mots (17 Pages)  •  726 Vues

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–D’après votre lecture de la princesse de Clèves et des autres textes du parcours associé, les passions sont-elles condamnables ? 

A travers leurs œuvres, les écrivains poursuivent volontiers une réflexion sur les passions humaines, notamment lorsque ces passions entrent en conflit avec les valeurs de la morale et de la religion, qui ont souvent un rôle structurant dans la société. Au XVIIe siècle notamment, les moralistes et les auteurs qui se rattachent à ce courant conduisent une analyse sans concession des passions. Ainsi, quel regard Mme de Lafayette, qui publie anonymement La Princesse de Clèves en 1678, porte-t-elle sur les passions ? Les passions font-elles dans ce roman l’objet d’une condamnation explicite ? On peut rappeler pour commencer l’étymologie du terme qui constitue le cœur du sujet : le mot passion vient du latin passio, formé sur le participe passé du verbe déponent patior qui signifie souffrir, supporter, endurer. Avec une majuscule, ce terme s’utilise également pour faire référence au supplice qui accompagne la mort du Christ.

Originellement, la passion est ainsi associée à la souffrance, à un tourment sur lequel il n’est pas de prise possible. Mais le mot s’utilise aussi pour faire référence à un amour exalté et souvent exclusif pour une personne, une occupation ou une chose. Cette exaltation peut contribuer à développer les énergies du sujet qui l’éprouve, et le conduire à se découvrir lui-même et à s’affirmer. Dans cette perspective, la passion peut être perçue positivement. La passion est donc une notion ambivalente, profondément liée à l’individualité du sujet, et l’on comprend aisément qu’elle se situe au cœur de nombreuses œuvres littéraires, notamment romanesques. La Princesse de Clèves se focalise ainsi sur l’analyse d’une passion brûlante entre deux personnages d’exception (par leur rang, leur beauté, leurs qualités intrinsèques…), qui doivent cependant dissimuler les sentiments qu’ils éprouvent à tous ceux qui les entourent. Si cette passion amoureuse occupe le premier plan de cette œuvre, d’autres types de passions sont également représentées (passion jalouse, passion du pouvoir, passion de la grandeur, de la gloire : comme le rappelle Jean-Michel Delacomptée dans son essai justement titré Passions, La Princesse de Clèves est « le roman de tous les amours », « des amours vécus chaque fois sur un mode intense », exalté. Le pluriel du sujet qui nous est proposé se justifie ainsi pleinement. A travers ce roman, Mme de Lafayette poursuit une analyse critique de toutes ces passions, et notamment des tourments qui assaillent le personnage éponyme, partagé entre l’amour violent qu’elle éprouve pour le duc et son attachement à un certain nombre de valeurs, au premier rang desquelles la vertu. Cependant, est-il possible de disqualifier totalement les passions, dans la mesure où celles-ci sont intimement liées à l’appréhension de l’intériorité du sujet, qui constitue à partir de Mme de Lafayette un des objectifs du romancier ? Un romancier peut-il assumer une condamnation complète des passions ? Nous montrerons que La Princesse de Clèves est indéniablement marquée par une conception négative des passions, qui fait écho à celle que développent d’autres œuvres à la même époque. Cependant, la passion ne saurait être totalement disqualifiée ni condamnée dans ce roman, dans la mesure où elle s’accompagne d’une découverte, voire d’une affirmation de soi. De sorte que finalement, l’œuvre nous invite à une réflexion ouverte sur la passion, bien éloignée des jugements moraux trop tranchés.

  1. L’œuvre de Madame de La Fayette est marquée par une conception négative des passion 
  1. les passions constituent des forces irrésistible, qui échappent au contrôle de la raison. 

Dans la princesse de Clèves, Madame de La Fayette souligne que la passion est une force irrésistible, qui conduit les personnages les plus vertueux à perdre le contrôle d’eux-mêmes. Ainsi Madame de Clèves en dépit de l’éducation qu’elle a reçu et de sa force, peine à conserver la maîtrise de son corps, de ses paroles et de ses actes lorsqu’elle se trouve en présence du duc de Nemo. Des signes de sa passion lui échappe, comme en témoigne la scène où elle réécrit la lettre perdue de Madame de Thémines en compagnie du duc. La narratrice note alors que durant ces quelques heures “ elle ne sentais plus que le plaisir de voir Monsieur de Nemours “. Mais aussitôt après le départ du duc, lorsqu’elle se retrouve seule, elle revient “comme d’un songe”, comparaison qui souligne clairement la part d’illusion que comportait le plaisir initial. Dès cette instant, les remords reviennent en force, et Madame de Clèves ne peut que constater son impuissance à dominer ses sentiments, elle dit d’ailleurs : “je suis vaincue et surmontée par une inclination qui m’entraîne malgré moi”. 

- (Soliloques souvent marqués par une forte culpabilité à l’égard du prince. Les moments d’introspection de la princesse se traduisent par de longues phrases introduites par des formules comme “elle trouvait que...”, “elle pensait que...”. La multiplication des propositions subordonnées met alors en évidence la complexité des sentiments qui traversent la princesse, tourmentée par une contradiction profonde en sa vertu et ses désirs.) 

  • À la même époque dans ces maximes (1665), La Rochefoucauld poursuit également un réquisitoire sévère contre les passions. Il note par exemple dès la première page de son ouvrage que “la passion fait souvent un fou du plus habile homme “. Madame de La Fayette et La Rochefoucauld entretenant des liens d’amitié étroits, sont tous deux marquée par l’influence d’un mouvement spirituel très important au XVIIe siècle, le jansénisme. Ce courant se caractérise par une conception pessimiste de la nature humaine, qui apparaît définitivement entachée par le péché originel. L’homme est perçu comme une créature pleine de faiblesse qu’une raison défaillante rend particulièrement vulnérable aux atteintes de la passion. 

 

  1. Une cause de souffrance et de destruction 
  • La passion est également condamnable dans la mesure où elle cause des souffrances infinies. Ainsi à l’exception de quelques brefs moments de répit, passés en compagnie du duc, la princesse apparaît en proie aux tourments. Le paroxysme de sa souffrance est atteint lorsqu’elle découvre la lettre de Madame de Thémines qu’elle pense adressée au duc. Elle est tant troublée qu’elle se laisse gagner par un profond désespoir, notamment parce qu’elle vient de laisser paraître des marques de sa passion à un homme qu’elle juge désormais infidèle et donc indigne d’être aimé. “jamais affliction n'a été si piquante et si vive”. Bien que Nemours parvienne à se disculper, cet épisode reste profondément ancré dans sa mémoire et justifie en partie son refus d’épouser le duc. 
  • Et que dire du désespoir du prince de Clèves qui se laisse littéralement mourir de chagrin après avoir découvert la passion de son épouse pour un autre homme que lui. La passion est ainsi associée aux tourments de la jalousie à une souffrance qui peut être mortelle. 
  • Dans ses tragédies, Racine met lui aussi l’accent sur les ravages de la passion. Le personnage de Phèdre est particulièrement emblématique de cette souffrance, comme en témoigne son aveu désespéré à sa nourrice OEnone.  Phèdre a lutté en vain contre son attirance pour Hippolyte, mais cette passion est un mal incurable, une fatalité. Elle entraîne finalement le suicide d’OEnone, la mort violente d’Hippolyte et son propre suicide. 

 

Cependant, est-il possible de condamner de manière univoque l’ensemble des passions humaines et de s’en détourner complétement ?  

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