La charogne, Baudelaire

« Une charogne », Baudelaire

Ce poème chante un objet poétique peu conventionnel, une charogne, c’est-à-dire un corps de bête en décomposition. Baudelaire reprend un thème traditionnel de la poésie lyrique, celui de la fuite du temps, mais le réécrit en substituant à la fleur fanée, symbole traditionnelle de la vieillesse et de la mort, un cadavre d’animal pourrissant.

Problématiques : Comment Baudelaire transforme-t-il un thème lyrique traditionnel ?

Comment Baudelaire transforme-t-il la laideur en beauté ?

Poème constitué de 12 quatrains d’alexandrins et d’octosyllabes croisés

- Quatre strophes sont consacrées à la promenade amoureuse : poème adressé à la femme aimée.

- Quatre strophes détaillent la charogne : écriture volontairement provocante.

- Une strophe revient au « décor », ramenant le lecteur/la femme à la réalité triviale de la viande en train de pourrir.

- Trois strophes séparées par un tiret établissent un parallèle entre la femme aimée et la charogne

I- Poème lyrique traditionnel : tradition du poème amoureux

La présence de la femme aimée

• Présence du « vous » à de multiples reprises dans le poème : v1 – v16 – v37 – v 40 (mis en valeur  par coupe au v40 1/7) - 41 – v43 – v46.

- lien femme/poète énoncé au v1 « vous » => « nous » : le poète + la femme aimée →couple.

• Présence de la femme : - par l’expression « mon âme » mis en valeur par sa place v1

- Clichés du vocabulaire amoureux qui valorisant la femme :

v39 métaphores des astres occupe tout le vers + parallélisme de construction

v40 : « vous, mon ange et ma passion », diérèse et adjectifs possessifs

apostrophes hyperboliques v41 « ô la reine des grâces » et v45 «  ô ma beauté ».

L’importance de la nature

• Détails sur le cadre spatio-temporel :

- « ce beau matin d’été si doux » occupe un vers entier et suggère une nature lumineuse et chaude.

Marqueur temporel précis « ce » + Intensif « si » vient renforcer l’adjectif à connotation positive.

+ « le soleil rayonnait » vers 9-10.

- « au détour d’un sentier » suggère une promenade sentimentale, pendant laquelle les deux amants flânent sans but et sans obligation.

+ « au détour » donne une localisation.

→Le thème de la promenade amoureuse dans la nature est caractéristique de la poésie lyrique.

• Importance des éléments naturels : personnification de la nature v11 « au centuple à la grande

Nature » +  éléments naturels : « le ciel » v13, « la fleur » v14, « l’herbe » v15, « rochers » v33.

Découverte de la fragilité de l’existence

Elle est visible à travers une rencontre symbolique : « l’objet que nous vîmes »→ la charogne montre que l’existence est fragile. Normalement c’est plutôt le thème de la fleur fanée.

Et la fragilité de l’existence face à la dépouille est mise en comparaison avec la femme :  

Apostrophe à la femme aimée mise en relief par le tiret au début du vers 37 : « - Et pourtant vous serez semblable à cette ordure »

Comparaison entre la femme aimée  et l’objet rencontré « vous serez semblable » v37 = insistance +v41 « Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces.

→contraste entre la femme et la charogne.

Les verbes sont au futur, l’évocation de la mort est brutale et choquante

II- Une description provocante : la charogne

Le registre du macabre et de l’horrible => description réaliste de la charogne

Utilisation d’un vocabulaire réaliste et ordinaire :

- Le champ lexical relatif à la charogne : « charogne » v3, « cette pourriture » v9, « la carcasse » v13, « ventre putride » v 17, « au squelette » v35, « cette ordure » v37.

- Réalisme du processus de décomposition qui n’épargne rien :

Les odeurs : « exhalaisons » v8, « puanteur » v15, « infection » v38 mis en relief par la diérèse.

Les insectes associés aux cadavres : « mouches » v17 « bourdonnaient » évoque la multitude, souligné par le substantif « bataillons » (nombre : plusieurs compagnies de 100 à 200 d’où idée de centaines voire de milliers)

Impression de dégoût souligné par adj « noir » +enjambement et rejet de « larves »v19

-Horreur soulignée par évocation des sentiments et réactions des spectateurs : évanouissement de l’accompagnatrice, termes évaluatifs « horrible », « infâme » (à la rime)

Une description provocatrice :

Grâce à l’utilisation de plusieurs procédés :

-effet de surprise dans la construction de la strophe 1 effet d’attente créé par annonce neutre « objet » v1 puis désignation retardée v3 après complément de lieu

-décalage ironique entre objet répugnant et point de vue admiratif : « carcasse superbe »v13 (oxymore) + comparaison avec la fleur symbole de la beauté v14.

Contraste entre les deux premiers vers de la strophe et les deux suivants.

- Le spectacle de la charogne, elle est objet de tous les regards : celui des amants (« nous vîmes »), du ciel (« le ciel regardait )» v13, la « chienne inquiète/ nous regardait » v33-34

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