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Gargantua, Rabelais : avis aux lecteurs

Commentaire de texte : Gargantua, Rabelais : avis aux lecteurs. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  30 Novembre 2022  •  Commentaire de texte  •  2 488 Mots (10 Pages)  •  1 113 Vues

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Gargantua dissertation

sujet : Parvenu au terme de la lecture, vous direz si l’avis aux lecteurs placé en tête de l’ouvrage vous paraît pertinent a posteriori

Au  XVIème siècle, l’Homme est au centre de toutes les les préoccupations. Face aux différentes crises successives du Moyen-Âge, les savants, artistes et lettrés ne trouvent plus dans les structures existantes les réponses qu’ils se posent sur l’homme et sa place dans le monde. Rabelais avec son roman Gargantua est à l’image de ce tournant qui s’opère et de cette pensée humaniste qui va gagner bientôt l’Europe toute entière.

Alors médecin à Lyon, Rabelais publie en 1532 Les horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé Pantagruel, Roi des Dipsodes, fils du grand géant Gargantua qu’il prolonge en 1534 par La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel. Dans ce deuxième roman, l’auteur va servir de l’humour et de la satire pour montrer ce qu’il ne fonctionne pas dans la société. Son personnage principal, qui est un géant, va amplifier la portée de ses critiques. Il s’agit d’une œuvre où le rire est un outil de transmission et d’éducation, il témoigne d’une conception positive de la vie mais, le savoir lui singe un enseignement bien précis, celui qui privilégie la qualité à la quantité. Il semblerait que l’avis aux lecteurs placé en tête de l’ouvrage est pertinent a posteriori mais qu’apporte-il réellement aux liseurs ? Certes cet avis aux lecteurs donne une clé de lecture mais il présente quelques manquements pour la suite du récit ainsi nous pourrons interroger le fait qu’il existe ou non une seule manière de lire comme il nous l’ai expliqué dès le début de l’ouvrage.

Tout d’abord nous étudierons comment l’avis aux lecteurs est pertinent et même essentiel à la compréhension de l’œuvre. En guise d’avertissement aux lecteurs, Rabelais écrit ce dizain en décasyllabes. Ce dizain n’apparaît que dans la seconde édition de Gargantua pour corriger la censure.

Dès le premier vers de ce dizain, Rabelais cherche à créer une connivence avec ses lecteurs grâce à l’apostrophe: « Amis lecteurs », ce procédé donne l’impression qu’il nous parle à travers les siècles. Un lien de confiance s’installe entre l’auteur et les lecteurs. Rabelais nous assure également que son ouvrage ne contient « mal ni infection », on retrouve ici le champ lexical de la médecine, de l’anatomie, cela fait référence à sa carrière de médecin avec les noms « mal » et « infection ». Ce champ lexical est présent tout au long de l’œuvre, par exemple nous le retrouvons au chapitre 23 avec l’usage des mots « médicament », « médecin », « cerveau »… au chapitre 6 avec : « astringent », « veine cave », « diaphragme », « placenta ».

Dans ce livre il n’y a rien de dangereux pour le lecteur. L’âme du lecteur ne sera ni mise en danger ni corrompu, comme le suggère les mots « mal » et « infection » cela est plutôt vu comme un échappatoire grâce auquel la lecture va être agréable. Cette idée est concordante avec une des valeurs du courant humaniste du 16ème siècle qui souhaite l’épanouissement total de l’homme. Rabelais demande également aux lecteurs de faire le vide de toutes ses passions afin d’être impartial et totalement réceptif à ce qu’il va lire « Débarrassez vous de toute affection », « ne vous scnadalisez », les lecteurs sont invités à ne pas interpréter à mal l’ouvrage. Ils ne doivent pas s’offusquer de ce qu’ils vont lire. En effet dès le prologue l’auteur va qualifier les lecteurs de « buveurs très illustres », « vérolés ». Ces termes peu flatteurs pourraient choquer d’ambler le lecteur. Ou bien plus loin dans le livre lorsqu’il tiendra des propos graveleux « pourquoi est-ce que les cuisses d’une demoiselle sont toujours fraîches » chapitre 33. Seul un lecture attentif est prévenu par les conseils de l’auteur pourra faire abstraction des mots parfois rude que ce dernier utilise. De même les nombreuses satires sur la mauvaise éducation des sophistes et les pratiques religieuses de l’époque peuvent scandaliser. Par exemple au chapitre 27, la prise de l’abbaye de Seully, Rabelais critique l’incapacité et la passivité des hommes d’église.

        En outre Rabelais montre dès l’avis aux lecteurs l’importance du rire dans son ouvrage. Vers 5 et 6 première apparition du mot « rire », présent trois fois ensuite. Le rire est la seule perfection qui se trouve dans Gargantua, Il ne doit chercher de perfection en d’autre domaine. Dans les trios derniers vers de ce dizain, on observe à  nouveau une répétition de ce nom, on peut voir qu’il forme même une rime avec « écrire ». Grâce à cela on peut savoir que le rire sera prédominent dans tout le roman. Il prendra différentes formes au cours des 58 chapitres. Appuyons nous sur la naissance de Gragantua chapitre 4 , tout est à la fois drôle, excessif et généreux dans ce passage. Gargamelle accouche au bout de 11 mois et comme elle a mangé trop de tripes, Gargantua doit sortir par l’oreille. On est bien là dans un comique de situation. On y trouve également le rire scatologique  par exemple lorsque Rabelais écrit « O belle matière fécale, que devait boursoufler en elle » ou chapitre 10 « il pissait sur ses souliers, chiait en sa chemise, il morvait dedans sa soupe »… Dans le chapitre 22 on retrouve aussi des procédés comiques comme quand il énumère la liste qui semble interminable de jeux. On retrouve une valeur de vérité générale lorsque Rabelais écrit dans le dernier vers de l’avis aux lecteurs « Le rire est le propre de l’homme ». Rabelais écrit pour « l’homme » et traite de ce qui est spécifique de l’homme : « le propre de l’homme ». On comprend ainsi que l’annonce comique donnée dans l’avis au lecteur fait passer le message que le rire n’est pas une option mais qu’il sera bel et bien obligatoire. C’est donc pour cela qu’on le retrouvera tout long du livre. Pour Rabelais le rire n’appartient pas à des moments exceptionnels de la vie, il est la vie même. Cet avis aux lecteurs donne bien une clé de lecture. Il va permettre la bonne compréhension du texte et il prépare les lecteurs pour qu’ils ne soient pas scandalisés mais qu’ils lisent pour le plaisir.

        Si l’avis au lecteur semble a posteriori essentiel et pertinent pour la suite de la lecture, il présente quelques manquements pour permettre aux lecteurs d’appréhender toute les facettes de l’œuvre.

        

        Dès l’avis aux lecteurs, le rire est présenté comme une consolation au chagrin et aux difficultés  de la vie. Hors au cours de la lecture nous pouvons voir que le rire n’occupe pas seulement cette fonction, c’est un moyen pour Rabelais de faire passer ses critiques avec subtilité pour éviter la censure. Et le rire n’empêche ni la culture, l’étude et la réflexion. Dans son livre il joue entre passages sérieux et passages comiques. Par exemple lors de la naissance de Gargantua, le récit de cet accouchement est extrêmement comique mais si l’on étudie ce passage plus sérieusement on se rend compte que Rabelais évoque la Bible, la mythologie ou encore l’histoire romaine. Par exemple la mise en scène du choix entre deux voies : l’une menant à la vie et l’autre à la mort correspond à une double tradition biblique et mythologique. Cette allégorie liée au thème du choix d’Hercule lorsqu’à l’âge adulte il doit faire le choix entre le bien et le mal, décision qui sera déterminante pour le reste de sa vie. Ou encore Minerve qui est née de la tête de Jupiter.

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