Explication linéaire Prologue Gargantua
Commentaire de texte : Explication linéaire Prologue Gargantua. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Aline1977 • 4 Mai 2022 • Commentaire de texte • 1 809 Mots (8 Pages) • 6 406 Vues
Explication linéaire : Prologue Gargantua
[Il faut ouvrir le livre et peser soigneusement ce qui y est traité. Alors vous admettrez que la matière qui y est contenue est d’une tout autre valeur que ne le promettait la boîte. Il est donc évident que les matières traitées ne sont pas aussi folâtres que le titre le laissait apparemment croire.
Une fois admis le fait que, dans le sens littéral1, vous trouverez des matières bien joyeuses et conformes au titre, il ne faut pourtant pas en demeurer là, comme le chant joyeux des sirènes vous avait séduits. Vous devez interpréter dans un sens plus élevé ce que vous pensiez avoir été dit de simple gaieté de cœur2 .] [1]
[N’avez-vous jamais débouché une bouteille ? Nom d’un chien ! Rappelez-vous la contenance que vous aviez. N’avez-vous jamais vu un chien qui rencontre un os à moelle ? Comme le dit Platon3 au Livre II de La République, c’est la bête du monde la plus philosophe qui soit. Si vous l’avez vu, vous avez pu noter avec quelle désir impatient il le guette, avec quel soin il le garde, avec quelle ferveur il le tient, avec quelle prudence il l’entame, avec quelle frénésie il le brise et avec quelle diligence il le suce. Qu’est-ce qui le pousse à agir de la sorte ? Qu’attend-il de son projet ? À quel bien prétend-il ? À rien de plus qu’un peu de moelle. Il est vrai que ce peu est plus délicieux que le beaucoup de toutes autres choses, parce que la moelle est un aliment élaboré à la perfection par la nature, comme le dit Galien4 dans le troisième livre des Facultés naturelles et au onzième de L’Usage des parties du corps.] [2]
[À l’exemple du chien, il vous convient d’être sages pour sentir, comprendre et apprécier ces beaux livres de grande valeur, légers à la poursuite et hardis à l’attaque. Puis, par une lecture attentive et une méditation soutenue, il vous faut rompre l’os et sucer la substantifique5 moelle, c’est-à-dire – ce que je comprends de ces symboles pythagoriciens -, avec le ferme espoir de devenir avisés et courageux par cette lecture. Car vous y trouverez bien d’autres goûts et une doctrine plus absconse qui vous révélera de très hauts sacrements et des mystères horrifiques, qui concernent tant notre religion que l’état politique et la vie économique.] [3]
- Sens littéral : sens premier.
- De simple gaieté de cœur : avec vivacité, ardeur.
- Platon : philosophe grec du IVème siècle av. J.C.
- Galien : médecin écrivain et érudit du IIème siècle apr. J.C.
- Substantifique : terme sans doute crée par Rabelais et signifiant « substantiel ».
INTRODUCTION
Gargantua est un roman composé par Rabelais au XVIème siècle. Le narrateur raconte notamment l’enfance et les exploits d’un géant. Avant d’évoquer ces épisodes, Rabelais a pris soin de rédiger un « avis au lecteur » ainsi qu’un prologue. Celui-ci présente les intentions de l’auteur : il s’agit clairement de capter l’attention du lecteur. Rabelais délivre ici un véritable mode d’emploi : le lecteur doit apprendre à apprécier le roman à venir. Nous nous demandons donc comment, dès ce prologue, Rabelais parvient à concilier plaisir et exigence pour définir la lecture. Dans un premier temps, l’avertissement au lecteur semble très sérieux mais l’introduction de la métaphore du chien à partir de la ligne 8 suscite le rire. Rabelais fait finalement une promesse au lecteur : cette œuvre enrichira moralement et intellectuellement.
Nous pouvons distinguer trois mvmt dans le texte :
- 1er (ligne 1 à 8), Avertissement sérieux au lecteur
- 2ème (ligne 9 à 19), avec une tonalité comique
- 3ème (ligne 20 à 27). L’éloge de la lecture
- 1er mouvement : Avertissement sérieux
Intro : Le 1er mouvement est un avertissement sérieux au lecteur, que l’on peut justifier par les procédés suivants : « il faut ouvrir le livre et peser sérieusement ce qui est traité ». Dans cette citation on relève une injonction avec « il faut », ainsi qu’une tournure impersonnelle avec « il », le présent de vérité général, et le complément circonstanciel de manière « soigneusement ». Ces procédés nous permettent de justifier que la règle est appliquée avec beaucoup de sérieux et qu’elle doit être appliquée par le lecteur.
- Dans la 2ème citation (ligne 1 – 2) : « vous admettrez», qui est une interpellation du lecteur grâce au pronom vous et au futur. Rabelais établi donc un lien avec le lecteur, il anticipe ses réactions par une prolepse.
- Dans la 3ème citation, on relève des antithèses qui opposent le contenu et le contenant du livre (ligne 3 – 4), « Alors vous admettrez que la matière qui y est contenue est d’une tout autre valeur que ne le promettait la boîte. Il est donc évident que les matières traitées ne sont pas aussi folâtres que le titre le laissait apparemment croire. » Rabelais invite le lecteur à ne pas se fier aux apparences.
- À la ligne 7, Rabelais fait une comparaison « comme le chant joyeux des sirènes », qui est une référence à Homère. Le chant des sirènes renvoi à la séduction et à la manipulation. Ce modèle de lecture doit être rejeté.
- À la ligne 7, Rabelais affirme encore une fois le mode de lecture sérieux de l’œuvre « Vous devez interpréter dans un sens plus élevé ». Nouvelle injonction + apparition du pronom vous associé au verbe devoir. Tout ceci associé au complément circonstanciel de manière « plus élevé ». Rabelais affirme encore une fois le mode sérieux de l’œuvre.
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