En quoi la lettre de Roxane a-t-elle l’allure d’une véritable révélation qui devient une réflexion sur le despotisme ?
Fiche de lecture : En quoi la lettre de Roxane a-t-elle l’allure d’une véritable révélation qui devient une réflexion sur le despotisme ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar 130620044 • 2 Janvier 2023 • Fiche de lecture • 1 857 Mots (8 Pages) • 444 Vues
Lecture linéaire n°13
: Lettre 161
Introduction :
Contexte : Dernière lettre du roman épistolaire des Lettres Persanes, celle-ci met en avant le personnage de Roxane dont les mots seront les derniers lus par le lecteur. Par définition, un roman épistolaire multiplie les points de vue des différents scripteurs : on en a découvert plusieurs, Rica, Zélis, Rhédi et surtout Usbek. Ce dernier, parti en France, a laissé ses femmes en Perse dans le sérail où elles sont sous la surveillance des eunuques. Si grâce à son regard étranger Montesquieu fait d’Usbek un observateur particulièrement clairvoyant des mœurs et des institutions françaises, force est de constater qu’il est beaucoup moins lucide face à Roxane, une de ses femmes, qu’il chérit particulièrement.
Situation de l’extrait : En effet, dans cette lettre écrite alors qu’elle a avalé un poison, la femme d’Usbek lui avoue avoir été infidèle et ne jamais l’avoir aimé. Tout ce qu’Usbek a pu interpréter comme de l’amour n’était qu’apparence. En faisant de cette lettre l’excipit de son roman, Montesquieu semble souligner l’échec d’Usbek, qui n’a pas vu tout ce que dissimulait Roxane sous son apparente docilité : cet échec est d’autant plus marqué, que l’on n’aura pas la réponse d’Usbek à Roxane qui meurt car elle choisit d’être libre.
Problématique : En quoi la lettre de Roxane a-t-elle l’allure d’une véritable révélation qui devient une réflexion sur le despotisme ?
Mouvements :
L 1. à 8 : l’aveu de Roxane L. 9 à 22 l’affirmation d’indépendance de Roxane et la mise en évidence de l’aveuglement d’Usbek L. 23 à 30 l’accomplissement du destin tragique de l’héroïne
L 1. à 8 : l’aveu de Roxane
- « Oui » + « je »
Lettre qui se présente comme une tirade tragique, elle a l’allure d’un discours direct.
- « je t’ai trompé », « j’ai séduit », « je me suis jouée », « j’ai su » = accumulation de propositions avec des verbes dont Roxane est le sujet + ces verbes renvoient à la tromperie + « t’ » = COD
Elle avoue ses actes mais souligne surtout à Usbek qu’elle est parvenue à le duper, et qu’il était objet de cette duperie.
- « affreux sérail » « un lieu de délices et de plaisirs » = antithèse
Roxane révèle avoir transformé le sérail de son mari en un lieu de jouissance. Cette femme, qui apparaissait si parfaite et si fidèle dans la lettre 26, confesse son infidélité avec satisfaction.
- « le seul homme qui me retenait à la vie » + « le plus beau sang du monde » = deux périphrases qui désignent l’homme aimé
Roxane révèle son amour pour un autre homme et par là même avoue à Usbek qu’elle ne l’a jamais aimé. La deuxième périphrase est hyperbolique : la force de l’amour que Roxane porte à cet homme contraste avec la haine qu’elle voue à Usbek, comme on le verra dans la suite du texte.
- « mon ombre s’envole bien accompagnée » = euphémisme de la mort
Cet euphémisme rappelle la bienséance classique mais il souligne également que la mort n’est pas vécue comme un drame mais comme un moyen de conserver sa liberté.
L. 9 à 22 l’affirmation d’indépendance de Roxane et la mise en évidence de l’aveuglement d’Usbek
- l. 9 à 12 : deux questions rhétoriques + répétition du « tu » = pronom personnel de la deuxième personne sur l’ensemble du mouvement.
Roxane souligne la crédulité d’Usbek. Ces deux questions rhétoriques donnent à sa lettre une allure provocante, avec le pronom personnel de la deuxième personnel, l’attaque se fait directe.
- « Non » = s’oppose au « oui » du début de la lettre
Roxane indique ici qu’elle a toujours refusé de se soumettre à Usbek, aux lois du sérail. Elle affirme son affranchissement.
- « pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit d’affliger tous mes désirs » = deux propositions, l’une subordonnée circonstancielle de temps et l’autre la principale, les actions sont présentées comme simultanées : les actions de l’homme d’un côté et celles de la femme.
Roxane dénonce le décalage entre les droits des hommes et ceux des femmes : elle marque ainsi son opposition aux lois en vigueur et à ce qu’elle considère comme une injustice pour les femmes. De manière plus globale, on peut remarquer que si Usbek s’est montré tolérant et opposé au despotisme dans le roman, les paroles de Roxane remettent en cause les propos qu’il a pu tenir. Il apparaît ici au contraire, on ne peut plus tyrannique.
- « affliger », « servitude », « indépendance », « libre » + « j’ai toujours été libre », « mon esprit s’est toujours tenu dans l’indépendance » = champ lexical de la liberté + répétition de l’adverbe « toujours».
L’enjeu de cette lettre pour Roxane est d’affirmer sa liberté malgré l’apparente soumission et qui plus est, d’affirmer que cette liberté n’est pas nouvelle comme en témoigne la répétition de l’adverbe « toujours » qui souligne que l’aveuglement d’Usbek vis-à-vis d’elle est total, puisqu’il ne s’est aperçu de rien, pas même lorsqu’il l’avait sous les yeux avant de partir pour la France
- « j’ai pu vivre dans la servitude mais j’ai toujours été libre » = antithèse
Les propos de Roxane se présentent comme un véritable paradoxe comme en témoigne l’antithèse. Mais Roxane distingue sa manière de vivre qui lui imposait la soumission, de son esprit qui est toujours demeuré indépendant : si elle a adopté une conduite correspondant aux lois du sérail, elle en a toujours haï les principes : elle
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