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Je vais mourir : lettre de Roxane à Usbek

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Par   •  7 Juin 2016  •  Fiche  •  1 719 Mots (7 Pages)  •  3 255 Vues

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Je vais mourir : lettre de Roxane à Usbek

Extrait des Lettres persanes 1721

Montesquieu (1689 -1755) : Ecrivain français et  philosophe des Lumières à l'esprit critique, défend la justice, la liberté. Auteur de « L’esprit des lois -1748 ».

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Au XVIIIème siècle, le roi détient les 3 pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire). Après la mort de louis XIV en 1715, les philosophes des lumières remettent en cause l'autorité politique et s’interrogent sur le pouvoir en place. Ils défendent les libertés individuelles et collectives comme la liberté d’expression. Pendant la régence du duc d’Orléans (8 ans : 1715-1723), Montesquieu  rédige des textes ironiques voire polémiques et utilise le registre comique et la dérision.

Montesquieu use dans Les lettres persanes (1721) de la liberté que confère la forme épistolaire (= éviter la censure)  et s’abrite derrière le regard faussement naïf de deux Persans découvrant les mœurs occidentales (1711 -1720) pour critiquer indirectement le pouvoir arbitraire du roi louis XIV et de la société française.

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La lettre de Roxane à Usbek clôture le roman du sérail et constitue un véritable coup de théâtre. Roxane, toute nouvelle épouse et favorite du sultan Usbek, est surprise dans les bras d'un jeune homme aussitôt mis à mort. Roxane, dans cette ultime lettre, clame sa liberté passée et à venir, règle ses comptes  et prévient toute sanction en s'empoisonnant. L’épouse adultère et rebelle fait de l’ultime lettre du recueil  « un chant de mort et de bravade (= défi, provocation)» (Goldzink)

Trois parties :

- Deux premiers paragraphes : Roxane avoue son adultère, son crime (elle a assassiné les eunuques qui ont tué son amant) et annonce son suicide.

- Du troisième au sixième paragraphe : Roxane se rebelle après des années d'abnégation (=sacrifice) et de soumission.

- Dernier paragraphe : L’entrée dans la mort (effet du poison). Roxane meurt. (Présent d’énonciation)

I) Une héroïne libre et tragique

Roxane ne se contente pas d’avouer son infidélité. Elle avoue son crime et sa liberté d’esprit. L’apparente soumission de Roxane cache en réalité un esprit libre et une manipulation. Son émancipation est acquise au sein de « l'affreux sérail » qui se transforme sous son impulsion en « un lieu de délices et de plaisirs ». La lettre débute par un « oui », adverbe d'affirmation, qui traduit son attitude provocatrice. Outre ses aveux, Roxane dévoile sa personnalité et ses sentiments. «  Je t’ai trompé, je me suis jouée de ta jalousie » (L. 1). Je me suis abaissée (L. 10)  « j'ai lâchement gardé dans mon cœur (L. 11)   « Toute la violence de la haine » (L.15). A la tyrannie d’Usbek, Roxane oppose l'hypocrisie « tu as eu longtemps l'avantage de croire » et l'orgueil « un cœur comme le mien ». (L.16)

 A. Une héroïne libre

● Champ lexical de la liberté : «  tu te permets tout » (L.7) « J'ai toujours été libre » ; « mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance » (L.8 à 9); 


● Registre lyrique : utilisation du « je » → émergence de l'individu au sein d'un groupe. Roxane se met au centre


● Le pronom  « Nous » utilisé une seule fois « Nous étions tous les deux heureux : tu me croyais trompée, et je te trompais » (L. 16 à 17) exprime une certaine jubilation (=satisfaction). L’ironie de la phrase est renforcée par le passage du passif à l’actif et la juxtaposition  le bonheur + illusion / illusion + vérité = Forme meurtrière de l’ironie  

● Antithèses :

- « Oui » (= provocation) (L .1) et « Non »  (L .8) (= revendication) qui amène de la force au récit.

- « affreux sérail » / « un lieu de délices et de plaisirs ». (L. 1 à 2)

- « j'ai pu vivre dans la servitude mais j'ai toujours été libre » (L. 8).

● Hyperbole faisant référence à la mort de l'amant de Roxane : « le seul homme qui me retenait à la vie » (L. 4 à 5) « le plus beau sang du monde » (L. 5)  Atteinte à la fierté d'Usbek : Roxane exprime son amour pour un autre.

B. Liberté acquise au prix de la mort

En s’empoisonnant, Roxane se libère de son état servile et entend  forcer Usbek à admirer son courage « Serait-il possible qu'après t'avoir accablé de douleurs, je te forçasse encore d'admirer mon courage ? » (L 18 à 19) Cette ultime attaque résume toute l'ironie de la situation : Roxane domine son destin en choisissant  sa mort et prive ainsi Usbek de son pouvoir. La mort de Roxane apparaît comme une délivrance et le seul moyen pour elle de clamer et prouver son indépendance.

● Champ lexical de la mort : « je vais mourir » « le poison va couler dans mes veines » «  je meurs » «  répandu le plus beau sang du monde » (L. 3 à 5). « Le poison me consume, ma force m’abandonne, la plume me tombe des mains ;…affaiblir jusqu’à ma haine ; je me meurs » (L. 19 à 20) 

● Registre pathétique : privée de son amour Roxane n’a pas d’autre issue que de se suicider  issue fatale. Poison = arme noble pour un suicide héroïque.

● Allitération en v «  Je vais mourir; le poison va (présent de futur proche) couler dans mes veines »

C) Une héroïne tragique

Au personnage libre et hypocrite succède une héroïne tragique qui va à la mort sans pleurs ni douleur (suicide stoïcien).  La perte du  seul  être qu'elle aimait entraîne sa propre mort. « Que ferais-je ici, puisque le seul homme qui me retenait à la vie n’est plus ? » (L. 3 à 4).  Le contraste entre le début de la lettre plein de fureur et la fin de la lettre (agonie) traduit un paradoxe tragique : l'unique façon d'exister pour Roxane consiste à mourir.

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