Analyse comparative - Le Cid et Roméo et Juliette
Dissertation : Analyse comparative - Le Cid et Roméo et Juliette. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Arie HJ • 23 Janvier 2018 • Dissertation • 2 630 Mots (11 Pages) • 5 061 Vues
Le théâtre classique, influencé par les écrits d’Aristote dans son œuvre La Poétique, retrouve ses lettres de noblesse au 15e siècle et tout au long du 16e siècle. Des règles très strictes régissent ce genre : les trois unités et la bienséance. Les écrits doivent donner aux spectateurs et aux lecteurs une impression de réelle, bref de vraisemblance. Ces règles deviendront primordiales, surtout au 16e siècle, la tragi-comédie se transformant petit à petit en tragédie. C’est dans ce contexte de retour à une écriture très influencée par l’Antiquité et régie par ces règles que Pierre Corneille (1606-1684), dramaturge et poète français, écriera sa pièce de théâtre Le Cid : une histoire d’amour déchirante et d’honneur familial. Plusieurs critiques, concernant le non-respect des règles classiques, se feront entendre, menant à la querelle du Cid et forçant Corneille à retravailler sa pièce quelques fois. Tout d’abord, une définition d’Aristote de la comédie et de la tragédie sera faite, suivie de la perception de Corneille quant à ce que devrait être le théâtre. Puis, tout en faisant une comparaison avec la tragédie de William Shakespeare (1564-1616), Roméo et Juliette, cette analyse démontrera comment le dramaturge déroge quelque peu aux principes d’écriture classique de l’époque.
1 LE THÉÂTRE SELON ARISTOTE ET CORNEILLE
1.1 ARISTOTE
Aristote a surtout défini le fait d’écrire, de réciter de la poésie ou de jouer au théâtre comme une imitation; une imitation de situations qui entraineraient de la souffrance à l’être humain s’il devait les vivre dans sa propre réalité. Une des différences entre la comédie et la tragédie était : « [...] en mettant dans le drame non plus le blâme direct du vice, mais le ridicule. […] le ridicule suppose toujours un certain défaut, et une difformité qui n’a rien de douloureux pour celui qui la subit. » (Aristote; 1858). La tragédie doit garder cette vraisemblance afin de toucher celui qui la regarde, tandis que la comédie ne permet tout de même pas de rire d’une personne si elle souffre. Dans une tragédie, la fin (la fable, comme le disait Aristote) est le moment le plus important de la pièce.
Il s’agit, en quelque sorte, d’une morale destinée à faire réfléchir les spectateurs sur leurs propres actions.
Mettre à la suite les unes des autres des sentences morales, des phrases et des pensées bien tournées, ce n’est pas davantage faire preuve de tragédie; la vraie tragédie est beaucoup plutôt celle qui prêche sous ces rapports, mais qui a une fable et une action bien tissus. (Aristote; 1858)
1.2 CORNEILLE
Telles sont de brèves définitions de la comédie et de la tragédie selon Aristote. Celles-ci datent évidemment de l’Antiquité, mais parmi les règles du théâtre classique du 15e et 16e siècle se trouvait plusieurs similitudes avec celles établies par Aristote. Pourtant, Corneille ne voudra pas se conformer complètement à ces règles et choisira plutôt de jouer avec les différents styles afin d’écrire tantôt des comédies, tantôt des tragédies et même des tragi-comédies. Pour le dramaturge : « […] le théâtre doit avant tout plaire et, s'il veut instruire, il ne peut y parvenir qu'à proportion de l'intérêt et de l'émotion qu'il éveille chez le spectateur. » (http://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Corneille/172555) Le but n’étant pas de brusquer le public, mais plutôt d’écouter les attentes de celui-ci afin d’évoluer avec ses goûts. Les critiques ne devaient donc pas venir des spectateurs, mais plutôt des autres poètes et dramaturges qui ne devaient pas arriver à suivre le style changeant de Corneille – dans Le Cid, il passe d’ailleurs de la tragi-comédie à la
tragédie –. Certains reconnaitront davantage son génie.
Corneille n’a rien puisé de ces beautés qu’en lui seul, et l’inspiration n’est venue que de son propre cœur. Shakespeare a fait aussi des emprunts aux historiens de l’antiquité; mais il n’en a point tiré de pareils trésors, qu’on ne prend jamais dans les autres et qu’on trouve uniquement en soi. (Aristote; 1858)
Bref, sans complètement rejeter les règles établies par Aristote et le théâtre classique du 15e et 16e siècle, Corneille aura plutôt créé son propre genre, parfois dérangeant, mais venant beaucoup de son cœur que d’autres dramaturges. Nous verrons donc comment, Shakespeare respecte plus les codes, même si ce n’est pas toujours à la lettre, du théâtre classique.
2 COMPARAISON DU CID AVEC ROMÉO ET JULIETTE
2.1 LES RÈGLES DE VRAISEMBLANCE
Il est évident que, quiconque ne connait pas la fabuleuse histoire d’amour de Roméo et Juliette, n’a jamais réellement lu une tragédie digne de ce nom! Cette déchirante œuvre entre deux amoureux venant de familles ennemies, ne respecte pas nécessairement les règles de vraisemblance de l’époque, mais convient tout de même mieux au genre de la tragédie que Le Cid. Tout d’abord, il serait judicieux de définir ce que l’on entend par ces règles. Nous retrouvons, premièrement, la règle des trois unités : l’unité d’action, l’unité de temps et l’unité de lieu. Il s’agissait donc de donner toute la place à l’intrigue principale, en délaissant les intrigues secondaires, de « […] faire coïncider la durée de la représentation théâtrale avec la durée de l’action présentée » (http://www.etudes-litteraires.com/regle-trois-unites.php) et que l’action se déroule en un seul lieu. En deuxième lieu, la règle de bienséance, qui se divisait en deux ordres : la bienséance externe « afin de ne pas heurter le public : tout ce qui va contre la morale est banni » et la bienséance interne « […] relève de la cohérence des caractères des personnages […] ce caractère est développé de manière cohérente jusqu’à la fin de l’action. » (http://www.etudes-litteraires.com/regle-trois-unites.php) Shakespeare déroge quelque peu de ces règles, mais respecte tout de même la fin plus malheureuse qui régit, la plupart du temps, les tragédies. Le fait que les amoureux meurent à la fin renforce l’histoire des amants maudits aux yeux des spectateurs et rajoute au drame de la pièce. L’œuvre de Corneille reprend, quant à moi, ce thème des amants maudits, malgré une fin plus heureuse laissant envisager le mariage entre Chimène et Rodrigue. La tragédie n’en est plus totalement une et Corneille semble avoir gardé le style de la tragi-comédie qui avait mené son écriture lors de la première version de sa pièce. En effet, Corneille a rédigé plusieurs versions de son œuvre :
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