Extinction du paupérisme

Extinction du paupérisme

Louis-Napoléon Bonaparte

De l'extinction du paupérisme est publié en 1844 par Louis-Napoléon Bonaparte alors qu’il purgeait depuis octobre 1840, une « peine de détention perpétuelle sur le sol national » pour avoir tenté un coup d’Etat à l’encontre de Louis-Philipe. Le choix de l’éditeur (Pagnerre, un républicain affirmé, connu pour ses publications d’auteurs socialistes voire communistes utopiques) et de l’imprimeur (Degeorge, ancien membre de la Charbonnerie) place cette brochure bonapartiste à gauche de l’échiquier politique français. En effet Louis-Napoléon s’y attarde sur la question sociale et plus particulièrement sur la question ouvrière. Cet ouvrage s’inscrit dans un contexte particulier de révolution industrielle, qui d’une part permet un progrès considérable des techniques et des modes de vie, mais à raison qu’elle s’intensifie, elle enlise cette classe ouvrière dans de nouvelle formes de misères à la fois physique et morale : le paupérisme. Il tente ainsi par cette entreprise d’y apporter certaines solutions.

• Louis-Napoléon : Bonapartiste et socialiste ?

1. Un parcours particulier…

Fils du Roi de Hollande, Louis Bonaparte, et d’Hortense de Beauharnais, Louis-Napoléon est à la fois neveu de feu l’Empereur Napoléon 1er mais aussi et surtout son fils adoptif. On comprend donc aisément l’importance et l’admiration qu’il portait à l’égard de son oncle. Durant sa jeunesse, il participera notamment en Italie en 1831 à différents soulèvements à l’encontre de l’Empire Autrichien, de même qu’il sera embrigadé dans les rangs de la Charbonnerie le poussant entre autre à différents coups d’Etat pour renverser la monarchie de Juillet. C’est dans ce cadre particulier qu’il écrit différents ouvrages à tendance socialiste, révélant une personnalité dualiste pour certains, complémentaire pour d’autres :

• Rêveries politiques dans lequel il démontre l’importance du suffrage universel
• Considérations politiques et militaires sur la Suisse dans lequel il affirme que la mission première d’un gouvernement est de « soulager les pauvres »
• Des idées napoléoniennes : dans la continuité de ses ouvrages précédents il y écrit que le but de tout pouvoir politique n’est pas simplement de soulager les pauvres, mais d’œuvrer pour leur bien et « leur bonheur ».
• Avec Extinction du Paupérisme il franchit un nouveau cap, il ne parle plus de « classe des pauvres » mais à l’image de Saint-Simon, il s’attarde sur « la classe la plus nombreuse et la plus pauvre », à savoir celle des ouvriers.

1. « L’Empereur socialiste » : entre débats et controverses

Louis-Napoléon, à l’image de son oncle, était un homme d’ordre et d’unité sociale. Lors de son discours à Bordeaux il y affirmera d’une part que « l’unité nationale précède la liberté », et d’autre part l’importance et la nécessité d’en en finir avec l’air des révolutions qui secoua l’Europe durant l’année 1848 afin de satisfaire au mieux les revendications du peuple. Certes Louis-Napoléon était « soucieux de préserver la France des révoltes sociales », cependant il n’existe aucune contradiction entre ordre et socialisme. Si l’on doit trouver une « antinomie » qui justifie l’étonnement voire l’offensement de certains au fait d’attacher le qualificatif socialiste à Louis-Napoléon, c’est le fait qu’il abolisse en 1852 la 2nd République au profit d’un nouvel Empire. Au vu de ce système quasi-monarchique, bien qu’il accorde une place non des moindres au suffrage universel, il serait « presque sacrilège » selon Jean Sagnes de considérer un bonapartiste affirmé comme socialiste. Pour autant au 19e siècle, en France mais aussi en Europe (Espagne, Royaume-Uni, Danemark) de nombreux socialistes, à l’image des libéraux du « moment 1830 », ne sont pas forcément républicains mais plutôt pragmatiques, et donc favorables à d’autres formes de régimes, notamment la monarchie constitutionnelle.

• Au vu de sa jeunesse, de ses écrits et de son parcours politique, il semble que la pensée socialiste de Louis-Napoléon est véridique et certaine. Certes elle lui permettra d’avoir par la suite le soutien massif des classes populaires durant son « règne », mais il ne faut pas la réduire à un simple « coup de génie à visée électoral », mais plutôt la considérer comme une démarche fidèle et sincère.

• « Un tableau sans complaisance de la situation économique et sociale de la France »

1. Une première cause : l’exode rural

Extinction du paupérisme est avant tout une description réaliste d’un 19e siècle qui est entré dans une phase dualiste. D’un côté les progrès techniques et les outils novateurs de production ne cessent d’accroitre la richesse des plus puissants, tandis que les acteurs mêmes de la révolution industrielle, à savoir la main d’œuvre et donc les ouvriers ne cessent de voir leurs conditions de travail mais aussi et surtout leurs conditions de vie négligées. Louis-Napoléon décrit leur situation en s’attardant dans un premier sur l’exode rural des paysans. Il trouve à ce phénomène deux causes principales :

• La suppression du droit d’ainesse, qui selon lui « tend à la ruine de l’agriculture » au vu du morcellement des propriétés qu’il induit,  
• de même que les transformations de l’agriculture par la mécanisation, poussent de plus en plus de Français à se diriger vers les villes « dans l’espoir d’y trouver un emploi ».

L’accroissement de l’urbanisation en France – qui reste cependant plus faible qu’au Royaume-Uni ou en Allemagne – conduit à l’entassement de la population dans des quartiers insalubres à l’hygiène plus que questionnable. En effet entre le développement des machines à l’origine d’un chômage croissant et le libéralisme économique des gouvernements de la monarchie de Juillet conduisant à l’exploitation des ouvriers, la condition même des travailleurs en était affectée. Ainsi Louis-Napoléon trouve en l’exode rural et ses conséquences, une des causes expliquant cette « pauvreté nouvelle » qu’est le paupérisme.

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