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« Spleen » de Baudelaire « Quand le ciel bas et lourd [...] »

Chronologie : « Spleen » de Baudelaire « Quand le ciel bas et lourd [...] ». Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  15 Avril 2023  •  Chronologie  •  1 604 Mots (7 Pages)  •  447 Vues

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« Spleen » de Baudelaire « Quand le ciel bas et lourd […] »

Introduction : Baudelaire est un poète né en 1821 et mort en 1864. Il se situe au carrefour de plusieurs mouvements littéraires dont le Romantisme et le Symbolisme. Son œuvre majeure reste Les Fleurs du Mal parue pour la première fois en 1851. Un procès retentissant marqua son époque et mis en lumière le génie sombre et novateur que fut Baudelaire. A la fin des trois cycles du désir amoureux commence le dernier cycle de la section, celui du « spleen ». Quatre poèmes, au cœur de ce cycle (LXXV (75), LXXVI (76), LXXVII (77), LXXVIII (78) ) portent tous le même titre. Ils sont accompagnés par d'autres pièces aux titres très sombres comme « Sépulture »,« Le Tonneau de la haine », « Obsession », « Alchimie de la douleur », « Horreur sympathique » ou « L'Irrémédiable ». Après avoir posé l'ambition de l'inaccessible Idéal, après s'être essayé aux tentations de la sensualité et de la spiritualité, le poète dresse le constat de la fatalité, le spleen a pris possession de son esprit. Seule l’écriture poétique semble salutaire. Poème constitué de cinq quatrains en alexandrins aux rimes croisées, « Spleen » évoque un poète prisonnier de l’« Angoisse atroce, despotique ».  Baudelaire emprunte le mot « spleen » à la langue anglaise pour donner un nom à son mal moral et physique. 

Nous verrons dans les 3 premiers quatrains que le poète est prisonnier de l’angoisse puis qu’il finit par se soumettre au spleen dans les deux derniers quatrains.

Projet de lecture : Comment Baudelaire parvient-il à convaincre le lecteur de la puissance du Spleen mais également de l’alchimie poétique ?

CITATION

ANALYSE

INTERPRETATION

Premier mouvement : Un poète prisonnier de l’angoisse.

1er quatrain

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,

Et que de l'horizon embrassant tout le cercle

II nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

« Quand…. » + « que… » = 2 propositions subordonnées circonstancielles.

 + enjambement

+ champ lexical du poids « lourd », « pèse », « couvercle »

+ comparaison « comme un couvercle »

+ oxymore « jour noir »

+ hyperbole « plus triste que les nuits »

Dès le premier quatrain tout semble peser sur l’esprit du poète et l’enfermer. La comparaison au vers 1 « Quand le ciel…couvercle » révèle un être étouffant, enfermé comme dans une boîte dont il ne peut s’extraire. Son « esprit » devient « gémissant » victime (« en proie ») de l’ « ennui » qui désigne au XIXème siècle l’insatisfaction, le mal-être.  L’enjambement du vers 1 au vers 2 mime ces « longs ennuis qui accablent le poète ».

Tous les termes qui pourraient tirer le poète vers l’Idéal sont contrebalancés par des idées négatives. Ainsi, le « ciel » se retrouve confronté au champ lexical du poids tandis que « l’horizon » est limité par le « cercle ». La luminosité du jour est annulée par l’oxymore « jour noir » et la comparaison hyperbolique « plus triste que les nuits » qui suit.  L’enjambement et les propositions circonstancielles au début de chaque quatrain inscrivent ce spleen et cet enfermement du poète dans un éternel recommencement.

2ème quatrain

Quand la terre est changée en un cachot humide,

Où l'Espérance, comme une chauve-souris,

S'en va battant les murs de son aile timide

Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

« Quand… » = proposition circonstancielle. + comparaison « changée en un cachot humide ».

« Espérance » = allégorie

« plafonds pourris » = hyperbole

A nouveau une circonstancielle ouvre la strophe, même construction syntaxique, c’est la même idée d’enfermement confirmée cette fois par le terme « cachot ». Tout autour du poète prend les allures d’une prison, la terre subit une métamorphose en se muant en un cachot, l’allégorie de l’Espérance comparée à la chauve-souris est prisonnière de « plafonds pourris ». L’hyperbole vient révéler l’amplification de cette douleur. Une gradation de l’échec s’installe. Toute tentative de liberté de l’Espérance est réduite à néant. C’est un monde en déliquescence qui est décrit. Le spleen s’empare de l’esprit du poète, le laissant exsangue.

3ème quatrain

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,

Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées

Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

« Quand… » = proposition circonstancielle

Champ lexical de l’emprisonnement.

« immenses » + « vaste »= adjectifs hyperboliques

« les infâmes araignées » = métaphore des idées noires du poète, du spleen qui s’empare du cerveau du poète.

+ enjambement qui mime le filet qui s’étend.

[…] assonance en [an] « étalant » +« immenses » + « tendre » = expression de la souffrance, de la douleur.

 Le champ lexical de la prison se poursuit, ici c’est la pluie qui enferme le poète. On notera que depuis le début du poème le spleen s’insinue comme l’eau peut le faire dans les fissures, ainsi le ciel « verse » le jour (au 1er quatrain) qui devient un élément liquide, le cachot est « humide » (2ème quatrain) et ici les barreaux de la prison sont formés par la pluie. Le spleen de l’auteur, comme un topos romantique, est relié au temps, au paysage mais ce n’est pas l’exaltation qui est suscitée comme chez les Romantiques mais un désespoir qui s’infiltre comme un poison.

Un désespoir qui n’a pas de limites, qui se développe à l’infini (« vaste », « immenses ») et prend l’aspect d’inquiétantes araignées métaphore des idées noires du poète. L’enjambement des deux derniers devient « ces filets » tendus au fond de nos cerveaux ». Nous remarquerons ici l’emploi du possessif « nos » qui inclut le lecteur et fait ainsi appel à une expérience commune. Le spleen est alors un sentiment qui pourrait être déjà vécu par le lecteur.

Transition : Ces trois premiers quatrains pourraient être en eux-mêmes une définition du spleen baudelairien : noir, inexorable, emprisonnant. La structure syntaxique mime cette longue infiltration du mal et se poursuit jusqu’à sa victoire sur l’esprit du poète mais une autre victoire se profile en filigrane celle de l’écriture poétique.

Deuxième mouvement : Victoire du spleen mais aussi de l’alchimie poétique.

4ème quatrain

Des cloches tout à coup sautent avec furie

Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,

Ainsi que des esprits errants et sans patrie

Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

« sautent avec furie » + « affreux hurlement » = hyperboles + personnifications.

Champ lexical du fantastique : « hurlement », « esprits errants », « geindre ».

Le cauchemar s’accentue avec des « cloches » qui semblent dotées de vie car elles « sautent avec furie ». Une « inquiétante étrangeté » s’installe, l’atmosphère devient fantastique.  L’emprise sur le poète est totale, le spleen n’est plus une simple mélancolie mais un cauchemar peuplé de fantômes.

Les cloches hurlent en direction du ciel, le poète exprime toute sa douleur contenue et sa révolte sans doute face à ce mal qui le ronge depuis le début du poème. Les hyperboles « avec furie », « affreux hurlement » appuient ce basculement dans la douleur.

Les métaphores ne sont plus visuelles dans ce quatrain mais auditives. Le spleen prend possession de l’auteur à travers des hallucinations poétiques. C’est l’acmé du poème (le passage le plus intense).

5ème quatrain

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,

Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

Champ lexical de l’échec et de la mort : « corbillards », « âme », « angoisse », « drapeau noir », « vaincu ».

« long » + « défilent » + « lentement » = lenteur du cortège funèbre.

« Espoir » + « Angoisse » = allégories + antithèse

Rappel de l’assonance en [i] sur tout le poème : souffrance et ironie ?

Le bruit, présent dans le quatrain précédent, a cessé « sans tambours ni musique ». Le champ lexical de la mort est bien présent (citez).

Mise en scène de l’espoir et de l’angoisse comme sur une scène de théâtre. Mise à distance de la douleur. Le poète reconnait la victoire de l’Angoisse, du spleen, qui plante son drapeau noir comme un pirate prenant possession d’un bateau. Le drapeau noir pourrait également nous faire penser à celui que Thésée laissa en vue sur son bateau et qui annonçait sa mort à son père alors qu’il était vivant. Le drapeau noir annoncerait ainsi la fausse mort du poète, une mort symbolique.

La tragédie culmine dans le dernier quatrain puisque la libération de la douleur dans la strophe précédente laisse place à la mort mais elle est tempérée par une forme d’ironie grinçante qui montre que le pouvoir de la poésie est encore plus puissant puisqu’il permet la métamorphose de ce spleen en écriture poétique par le biais d’une alchimie maîtrisée. Les hyperboles « pleure », « atroce » et « despotique » démontrent que l’expression du spleen mènent à l’alchimie poétique : « du mal Baudelaire extrait la beauté » c’est-à-dire l’écriture poétique.

Conclusion : Ce poème, par sa construction syntaxique souvent répétitive mime l’enfermement du poète dans un malaise existentiel auquel il ne peut échapper. Le poète partage avec le lecteur son expérience de l’enfermement. L’esprit mais également l’Idéal sont annulés, niés par ce poison qui s’infiltre et le fait hurler parfois à la mort. Un seul remède semble salutaire : l’écriture poétique. L’angoisse est transformée en images, hyperboles, allégories qui permettent au poète de se moquer de lui-même et de ce spleen bien plus puissant et dévastateur que « l’ennui » de ses contemporains.

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