La Bruyère, Les caractères
Fiche : La Bruyère, Les caractères. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar lleris hyab • 20 Mai 2023 • Fiche • 1 801 Mots (8 Pages) • 241 Vues
INTRODUCTION
Le siècle de Louis XIV, et de la cour par association, est celui durant lequel La Bruyère a écrit Les caractères. Les caractères sont une œuvre morale qui traite de divers points de vue la société, ses mécanismes, ses vertus et ses vices. Dans le livre VIII intitulé “De la cour”, il critique les mécanismes prenant place dans la cour, comme par exemple dans la remarque 32 où il dénonce la machination de la faveur. Emprunté au latin “favor”, le terme désigne une protection accordée par une personne supérieure. Et La Bruyère, à travers un thème admis de tous, explore les réactions induites par la faveur dont un courtisan peut bénéficier. Nous nous demanderons donc comment La Bruyère rend compte avec violence du principe de versatilité qui règne par l’entremise de la faveur. Nous pouvons distinguer deux mouvements, l’un étant celui de l’ascension, l’autre celui de la chute du prodige acclamé de tous.
LECTURE
32 (V). Vient-on de placer quelqu’un dans un nouveau poste, c’est un débordement de louanges en sa faveur, qui inonde les cours et la chapelle, qui gagne l’escalier, les salles, la galerie, tout l’appartement : on en a au-dessus des yeux, on n’y tient pas. Il n’y a pas deux voix différentes sur ce personnage ; l’envie, la jalousie parlent comme l’adulation ; tous se laissent entraîner au torrent qui les emporte, qui les force de dire d’un homme ce qu’ils en pensent ou ce qu’ils n’en pensent pas, comme de louer souvent celui qu’ils ne connaissent point. L’homme d’esprit, de mérite ou de valeur devient en un instant un génie du premier ordre, un héros, un demi-dieu. Il est si prodigieusement flatté dans toutes les peintures que l’on fait de lui, qu’il paraît difforme près de ses portraits ; il lui est impossible d’arriver jamais jusqu’où la bassesse et la complaisance viennent de le porter : il rougit de sa propre réputation. Commence-t-il à chanceler dans ce poste où on l’avait mis, tout le monde passe facilement à un autre avis ; en est-il entièrement déchu, les machines qui l’avaient guindé si haut par l’applaudissement et les éloges sont encore toutes dressées pour le faire tomber dans le dernier mépris : je veux dire qu’il n’y en a point qui le dédaignent mieux, qui le blâment plus aigrement, et qui en disent plus de mal, que ceux qui s’étaient comme dévoués à la fureur d’en dire du bien.
MOUVEMENT 1: ascension d’un individu
Le premier mouvement, dans le souci d’entraîner le lecteur, présente une ascension qui correspond à l’inflation de la réputation d’un courtisan objet de la faveur.
La Bruyère entraîne le lecteur d’une attaque dynamique avec une phrase interro-affirmative : “ Vient-on de placer quelqu’un dans un nouveau poste”.
“c’est un débordement de louanges en sa faveur” : le récit s’inaugure par le biais d’une métaphore filée du déluge. Le débordement est un excès qui se répand, et de fait il est désagréable. Nous avons donc une critique subtile d’un fait qui semblait emprunté à l’anecdote.
Le terme “louanges” est mélioratif, néanmoins il masque la dimension critique, dans la mesure où celui-ci par le biais d’une PSR est rattaché au verbe “inonder”. Celui-ci rappelle une métaphore de l’eau.
Nous pouvons faire remarquer une intertextualité biblique, avec la notion du déluge, un épisode catastrophique ayant causé la mort de la population. Cette intervention religieuse est d’autant plus présente avec son lexique : “chapelle”.
La phrase se poursuivant, nous remarquons que le débordement est personnifié : “Qui gagne l’escalier”.
L’effet de précipitation est marqué par la gradation, qui par le biais d’un rythme rapide, observe une mimétique de la progression de l’eau et donc du débordement.
Dans cette énumération rapide, les lieux mentionnés ont pour lieu commun le fait d’appartenir à la cour, et de fait d’être des lieux de grande sociabilité.
“ on en a au-dessus des yeux, on n’y tient pas” : cette affirmation marque la Défaite de la réflexion individuelle face à la rumeur, en ce sens que c’est approuvé de tous. Le pronom personnel “on” est fait d’un usage ambigu, dans la mesure où on ne sait qui est le sujet. Cela peut en effet référer la personne objet de cette faveur, ou encore les personnes qui assistent à cet afflux d’éloge. Et factuellement, puisque la métaphore de l’eau est poursuivie, nous y sommes impuissant en quelque sorte.
“ Il n’y a pas deux voix différentes sur ce personnage”. Par le biais d’une négation, le texte lui emprunte l'impossibilité de la différence, en ce sens que les avis sont unanimes.
“l’envie, la jalousie parlent comme l’adulation”. Les allégories de l’envie et de la jalousie sont réunies s'opposant à celle de l’adulation. Elles présentent de fait l'unanimité au sein de la comparaison.
“ tous se laissent entraîner au torrent qui les emporte, qui les force de dire d’un homme ce qu’ils en pensent ou ce qu’ils n’en pensent pas,”: la reprise se fait au moyen du pronom “tous”, et de nouveau y subsiste un rappel de la métaphore de l’eau, à travers le substantif “torrent” qui est un cours d’eau situé dans une région montagneuse assez penteuse.
Il y a une dépossession d’un avis propre et personnel, qui renvoie au fait que les membres de la cour sont privés de toute indépendance intellectuelle.
Par l’intermédiaire de la conjonction de coordination “ou”, deux idées opposées sont mises dans une relation d’équivalence.
D’un rythme assez long, cette phrase se termine en révélant un grande absurdité, celle de louer l’inconnu : “comme de louer souvent celui qu’ils ne connaissent point”
“L’homme d’esprit, de mérite ou de valeur devient en
...