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Etat Et Souveraineté

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Par   •  13 Octobre 2014  •  5 545 Mots (23 Pages)  •  785 Vues

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évidence et de sa propre complexité1 ”.

2 Jellinek (G.), Allgemeine Staatslehre, 3ème éd., Berlin, 1914, p. 505.

3 Le répertoire des Constitutions of the countries of the world, Albert P. Blaustein et Gisbert H. F (...)

4 Troper (M.), “ Sur l’usage des concepts juridiques en histoire ”, Annales ESC, n° 6-1992, pp. 1181 (...)

2Théoriquement, il existe autant de définitions possibles qu’il y a d’Etats au monde. Chaque Etat dispose en effet d’une constitution au sens large, c’est-à-dire d’un ensemble de règles, même les plus rudimentaires qui soient, qui l’organise. Il faut même considérer que tout Etat a obligatoirement une constitution car l’absence de celle-ci signifierait l’anarchie2. Il en résulte une multitude et par conséquent une variété extraordinaire de constitutions étatiques3. Dans la majeure partie des Etats existant à l’heure actuelle, la doctrine a pu développer sa propre définition de la notion de constitution. Une telle définition est le produit de l’histoire constitutionnelle, de la culture juridique nationale et du droit constitutionnel en vigueur4. La notion de constitution est, de plus, tributaire du langage juridique et tout simplement de la langue nationale, de sa richesse terminologique et de sa logique interne.

5 Voir à cet égard Guggenheim (P.), “ Landesrechtliche Begriffe in Völkerrecht, vor allem in Bereich (...)

3Ainsi, dans la mesure où l’on souhaite démontrer qu’on peut légitimement parler de constitution ou de droit constitutionnel dans le cadre international, la question de la pertinence d’une translation du concept de constitution se pose automatiquement. Elle se pose même à double titre. Il ne s’agit pas seulement de justifier la terminologie retenue mais aussi de montrer que la chose existe réellement. On est alors conduit à transférer un concept du droit interne dans le domaine du droit international, ce qui n’est pas en soi une opération exceptionnelle5. Elle entraîne cependant le plus souvent un changement dans la signification du concept. Lorsqu’on transfère un concept fondamental du droit interne dans le droit international, il faut de ce fait se garantir de quelques précautions.

6 Hallstein (W.), Die Europäische Gemeinschaft, Econ. Verlag, Düsseldorf, 1979, p. 64.

4Une controverse existe cependant de savoir si la notion de constitution peut être employée en dehors de l’Etat. Elle oppose les auteurs appartenant à la doctrine de droit public classique, qui réservent la notion de constitution exclusivement à la constitution de l’Etat, à d’autres, moins nombreux, qui considèrent comme Walter Hallstein que “ chaque groupement humain […] a une constitution. Elle ordonne les membres par rapport à l’ensemble, elle fixe les objectifs communs, elle organise le groupement6 ”.

5L’emploi de la notion en dehors du domaine étatique et notamment à l’égard d’organisations internationales, voire même au sujet de la Communauté internationale dans son ensemble est toutefois devenu courant. Les auteurs qui prennent ainsi quelques libertés avec la notion de constitution ne manquent cependant pas, en règle générale, de préciser le sens exact qu’ils entendent donner à cette notion en dehors de l’Etat. En dépit des précautions prises, cet état de choses comporte toutefois un certain nombre d’inconvénients.

6Il en résulte notamment un certain flottement de ladite notion par rapport au contexte dans lequel elle est employée car la “ constitution ” de la Communauté internationale des Etats, la “ Charte constitutionnelle ” de la Communauté européenne et la Constitution française de 1958 présentent néanmoins des caractères sensiblement différents. Est-il légitime de les regrouper dans une même catégorie juridique ? On peut regretter, en outre, que l’utilisation de la notion de constitution appliquée à des entités non étatiques entraîne de fait chez la plupart des juristes un rapprochement automatique avec l’Etat et donc une certaine confusion sur la nature juridique de l’entité en question.

7Réservant à cette expression sa toute puissance juridique, force est de savoir comment détacher la notion de constitution de sa sujétion par rapport à la notion d’Etat (I), et une fois redéfinie en tant que norme fondamentale de tout ordre juridique, comment la constitution peut alors se rencontrer dans l’ordre juridique international (II).

I – La constitution est-elle inhérente à l’Etat ?

7 “ L’âme de la cité n’est rien d’autre que la constitution, qui a le même pouvoir que dans le corps (...)

8 Dupuy (P.-M.), Droit international public, 3ème éd., Dalloz, Paris, 1995, p. 10.

8La notion de constitution se rapporte à l’Etat. Elle a pris sa signification actuelle dans le cadre de l’Etat alors que ses origines remontent à un passé lointain7. Faut-il alors réserver l’emploi de la notion de constitution aux seuls Etats ? La constitution est-elle un phénomène uniquement réservé au droit interne, à l’ordre juridique étatique ? On ne le pense pas. Au contraire, tout ordre juridique digne de ce nom – c’est-à-dire tout “ ensemble coordonné de normes, dotées de force obligatoire à l’égard de sujets déterminés, et dont la méconnaissance entraîne certaines conséquences définies8 ” –comporte nécessairement des normes d’organisation et de compétence qui règlent l’édiction des autres normes. Celles-ci forment la constitution de l’ordre juridique et du corps social qui leur donne naissance.

9Puisque “ constitution ” est encore synonyme de “ constitution d’Etat ”, on conclut de l’utilisation du terme “ constitution ” à l’existence de l’Etat et inversement. La constitution est étatique et l’Etat est constitutionnel. Pour remédier à cet état de chose, il faut séparer clairement la notion de constitution et celle de l’Etat pour redonner ensuite à la première sa signification propre.

9 Pescatore (P.), “ La constitution, son contenu, son utilité ”, Revue de Droit suisse, 1992, p. 42.

10 Schmitt (C.), Verfassungslehre, 8ème éd., Duncker & Humblot, Berlin 1993, p. 3.

11 Monaco (R.), “ Le caractère constitutionnel des actes institutifs d’organisations internationales (...)

10Un certain nombre d’arguments peuvent entrer

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